[Critique] Robin des Bois de Ridley Scott

Caractéristiques

  • Titre : Robin des Bois
  • Titre original : Robin Hood
  • Réalisateur(s) : Ridley Scott
  • Scénariste(s) : Brian Helgeland
  • Avec : Russell Crowe, Cate Blanchett, Matthew Mcfadyen, Max von Sydow, William Hurt, Mark Strong, Oscar Isaac, Danny Huston, Eileen Atkins...
  • Distributeur : Universal Pictures
  • Genre : Aventure
  • Pays : Royaume-Uni, Etats-Unis
  • Durée : 2h20
  • Date de sortie : 12 mai 2010
  • Note du critique : 7/10

Une adaptation de plus pour Robin des Bois?

Présenté en ouverture du Festival de Cannes hier hors-compétition, le Robin des Bois de Ridley Scott sortait également sur nos écrans. En fervente admiratrice du cinéaste qui a réalisé des joyaux tels que Alien, Blade Runner, Thelma & Louise, Gladiator… je me suis précipitée au cinéma le plus proche de chez moi. Bien que le film était annoncé depuis plus d’un an, je ne m’étais pas renseignée outre mesure sur la perspective adoptée par Ridley Scott sur le justicier légendaire et grand bien m’en a pris car j’ai été d’autant plus surprise par cette adaptation particulière, qui constitue en fait un prequel, ou comment l’archer du roi Richard-Coeur-de-Lion, Robin Longstride, est devenu le célèbre hors-la-loi. Un parti pris qui le distingue des précédents long-métrages qui lui étaient dédiés et qui permet au réalisateur d’échapper à bon nombre de facilités.

Un prequel inattendu

Le film a beau s’ouvrir sur un parchemin qui nous présente le héros comme le justicier hors-la-loi Robin des Bois, il nous faudra attendre 2h avant que ce nom légendaire ne soit prononcé par le shérif lorsqu’il annonce le décret qui fera du héros de guerre un hors-la-loi dont la tête est mise à prix par le roi Jean. De fait, le film décontenancera peut-être ceux qui pensaient voir là les aventures du brigand bien-aimé et non l’histoire de l’homme derrière la légende. Cependant, on ne saurait en tenir rigueur à Ridley Scott : cette perspective inattendue donne une profondeur particulière au film et déjoue toute comparaison avec des adaptations antérieures telles que Robin des Bois : Prince des voleurs de Kevin Reynolds (1990) avec Kevin Costner. On ne cherchera même pas à comparer les performances des deux chouchous de ces dames : le Robin campé par Russell Crowe est tout à fait différent de celui de Costner ou de tout autre acteur (ou renard animé) ayant incarné cette figure légendaire.

Des personnages loin de tout cliché

cate blanchett et russell crowe avec ridley scott sur le tournage de robin des bois

En effet, bien que Robin Des Bois soit sans conteste un film d’action en costumes, le ton adopté est étonnamment grave là où les versions précédentes mettaient l’accent sur l’aventure et le côté rusé et espiègle du personnage, qui tourne en ridicule les plus hautes figures du pouvoir. Le ton est donné dès le début lorsque Richard-Coeur-de-Lion, mettant à l’épreuve la franchise et la bravoure de Robin, lui demande s’il pense que Dieu sera satisfait de ce qu’ils ont fait… ce à quoi l’intéressé répond calmement que c’est impossible puisqu’ils ont, entre autres, massacré un village entier et assassiné femmes et enfants ! On comprend dès lors que l’on n’aura pas affaire à des personnages et des situations stéréotypées : Robin est peut-être un gentil et il deviendra bien ce que l’on nomme un “héros,” mais aucun héros n’a les mains propres lorsque celui-ci participe à une guerre… Et le roi Richard-Coeur-de-Lion, le roi “bien-aimé” en opposition à son frère Jean, qui lui succèdera, est très loin d’être un enfant de chœur. Autant pour les images Disney qui hantent notre esprit depuis notre enfance, donc ! Il y a ainsi, malgré de nombreuses scènes de bataille, moins de scènes véritablement héroïques que dans Gladiator, par exemple. Robin Longstride est un homme de caractère doué de ses muscles et de son arc, mais il n’est pas surhumain. Quant aux ennemis français, ils ne sont guère plus maléfiques que les Anglais, en somme (le roi Philippe étant même un homme raisonné et plutôt sympathique) et le personnage du “grand vilain”, inévitable à ce genre de films, est un Anglais à la solde de l’ennemi, pour des raisons qui ne nous seront jamais révélées.

Il s’agit bien du seul personnage que l’on pourrait qualifier de stéréotypé (bien qu’il demeure convaincant), chaque protagoniste de ce Robin Des Bois étant montré dans toute sa profondeur, à commencer par celui qui est d’habitude montré comme le grand méchant dans toute sa splendeur : le roi Jean. Il nous est montré au départ comme un souverain fainéant, ignorant, arrogant et capricieux sans être pour autant particulièrement cruel puis, à mesure que le film avance, il se transforme en homme de chair et de sang, qui parvient enfin à rassembler ses hommes et à faire preuve d’humanité, qui affronte sa peur malgré sa nature de prime abord lâche et peureuse… Bref, on est donc presque choqué et peiné lorsqu’à la fin, sitôt la bataille remportée grâce à Robin, il retourne sa veste de jalousie pour mieux piétiner les droits du peuple et s’en prendre à leur idole suprême, rebaptisé à l’occasion Robin des Bois. La lâcheté est également l’apanage du shérif, du roi Philippe, et de bien d’autres, qui sont ainsi ramenés à leur condition humaine plutôt que maintenus à leur place de “vilains pas beaux et cruels.” Dans ce XIIème siècle, tout un chacun lutte avant tout pour survivre et ceux qui abusent de leur pouvoir ne le font que parce-qu’ils en ont les moyens. Éjectés de leur piédestal de figures d’autorité, ce ne sont que des hommes fort communs.

Des héros de chair et de sang

Robin (Russell Crowe) armé de son fidèle arc A côté, c’est vrai que Robin, Marianne Loxley et son beau-père, pour ne citer qu’eux, sont des héros au courage sans faille, mais Ridley Scott fait néanmoins son possible pour qu’ils restent le plus possible à notre hauteur. De ces trois personnages, seul Robin fait preuve d’aptitudes physiques vraiment remarquables – voir la manière dont il atteint son ennemi à la fin avec sa flèche, seul acte héroïque too much du film, mais tout à fait assumé. Marianne (excellente Cate Blanchett, comme toujours) est une femme qui doit mettre la main à la pâte en l’absence de son mari (qui ne reviendra pas de la guerre) ; ce n’est pas une demoiselle en détresse, mais ce n’est certainement pas Xéna la guerrière ! Courageuse jusqu’au bout des ongles, elle se lancera elle aussi dans la bataille aux côtés de son nouvel amour, mais lorsqu’elle voudra venger son beau-père (magnifique Max von Sydow), elle se prendra une raclée faute de maîtrise et de force.

La manière dont les événements historiques du XIIème siècle sont intégrés à l’intrigue de ce Robin Des Bois est d’ailleurs un atout majeur du film. D’habitude, dans ce type de films, on s’en tient généralement aux grandes lignes : longues croisades (non expliquées, c’est juste la guerre au Moyen-Âge), roi cruel, peuple opprimé et affamé, justicier à la rescousse. Ici, Ridley Scott s’attache (comme dans l’excellent Kingdom of Heaven, à voir absolument dans la version director’s cut en DVD et non la  décevante version tronquée sortie au ciné) à nous donner une vision subtile de la situation. On aura beau dire (comme certains l’ont déjà fait) que le cinéaste veut toujours trop en mettre dans ses films et que ce contexte historique risque d’ennuyer ceux qui sont venus voir un gros film d’action, sans la justesse de ce contexte et de ses principales figures historiques, loin des clichés et de tout piédestal, ce Robin des Bois aurait été bien plus convenu.

Robin Des Bois se révèle, en définitive, un prequel qui, comme le Batman Begins de Christopher Nolan (2005), redonne un peu de vigueur à une figure incontournable en déjouant toutes les attentes (et les préjugés) que l’on pouvait avoir à son sujet. Et si la fin sonne comme un début, Robin Longstride devenant enfin Robin des Bois, le film de Ridley Scott est tout sauf une longue exposition pompeuse pour essayer de nous vendre une suite. C’est un film épique sans être lyrique, fort, émouvant mais sans pathos et divertissant sans être bourrin. Un film humain, qui nous donne une perspective intéressante parmi un flot de blockbusters pré-fabriqués. Il ne s’agit pas d’un grand film, ni même du meilleur film de son réalisateur, mais c’est en tout cas un excellent long-métrage, qui mérite largement d’ouvrir le Festival de Cannes (qui a vu bien pire…) et de conquérir le box-office, si le public accepte toutefois que l’on joue avec ses attentes. La bande-annonce, pompée sur Gladiator, est en ce sens assez mensongère, ce qui n’est jamais un bien pour un film de cette ampleur…

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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