article coup de coeur

[Critique] Halloween : l’indétrônable classique de John Carpenter

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : John Carpenter
  • Avec : Jamie Lee Curtis, Donald Pleasance, Tony Moran, P.J. Soles, Charles Cyphers, Kyle Richards, Nancy Stephens...
  • Genre : Horreur
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h31
  • Date de sortie : 14 mars 1979 (France)
  • Note du critique : 9/10

Un slasher précurseur

S’il y a bien un film d’horreur, aux côtés de L’Exorciste et Massacre à la tronçonneuse, qui est resté un classique indétrônable, donnant lieu à toutes sortes de suites ou reboot de qualités diverses, c’est bien Halloween, la nuit des masques de John Carpenter. Plus de trois décennies après sa sortie en salles, l’image de Mike Myers et son masque blanc continue de hanter l’imaginaire des cinéphiles du monde entier, et des nombreux cinéastes qui ont lorgné du côté du maître de l’horreur ; à commencer par un certain Wes Craven, qui a ressuscité le slasher dans les années 90 avec sa trilogie Scream.

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Le film de Carpenter était une grosse référence de la saga d’horreur post-moderne, aussi bien visuellement qu’en termes de clins d’œil explicites dans les dialogues, à tel point que de nombreuses personnes de ce que l’on a nommé “la génération Scream” connaissait Halloween, la nuit des masques sans l’avoir vu. Dans bien des cas – y compris celui de votre humble servitrice – les films de Craven ont permis à la jeune génération de découvrir l’oeuvre de John Carpenter.

Lorsqu’on regarde Halloween aujourd’hui, la question est donc la suivante : après avoir été pillé de part et d’autre durant plus de 30 ans, ce grand classique fonctionne-t-il toujours aussi bien du point de vue de nos sensibilités modernes ?

La réponse est oui. Qu’il s’agisse de la musique inimitable composée par Carpenter lui-même, de la composition bluffante des plans ou de la tension, on se laisse emporter avec un plaisir jubilatoire par ce film réalisé à une époque où film d’horreur ne rimait pas encore avec éclaboussures gore.
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Évidemment, lorsqu’on a grandi avec les Scream – l’auteure de cet article avait 12 ans en 1998 à la sortie de Scream 2 – découvrir Halloween pour la première fois a toujours quelque chose de particulier puisque de nombreux éléments ont été repris par Wes Craven, Kevin Williamson & cie, au point de sauter aux yeux. Ainsi, la maison de Jamie Lee Curtis est quasi-similaire à celle de Sydney Prescott, dans un quartier de banlieue très ressemblant. Il y a également une scène dans une cuisine avec un téléphone blanc (téléphone déjà visible dans le premier téléfilm de Carpenter), une scène où Laurie se trouve dans une salle de classe, etc. Visuellement, les ressemblances sont frappantes, mais les personnages d’Halloween sont beaucoup moins glamour.

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Le film en lui-même joue en grande partie sur les ressorts typiques du genre : le tueur, Mike Myers (ridiculement renommé Michel Meyer en VF) est présenté comme un être dépourvu d’âme et de conscience, un animal sanguinaire à l’état pur dont le corps sert de vaisseau au Mal incarné lui-même. Contrairement aux Scream et autres films du genre qui jouent sur
le whodunit, nous connaissons son identité dès la scène d’ouverture, lorsque les parents rentrent chez eux et enlèvent le fameux masque blanc au petit garçon de six ans, armé d’un couteau de cuisine, et qui vient de massacrer sa grande sœur.

Le mobile du meurtre est connu dès le départ lui aussi : le tueur en herbe n’avait pas supporté de voir sa frangine de 16 ans faire l’amour avec son petit-ami. Échappé de l’asile dix-sept ans plus tard, il n’aura bien sûr de cesse de punir tous ces vilains adolescents qui ne pensent qu’à faire crac-crac sans se douter qu’une effroyable machine à tuer les guette.

Une maestria visuelle inouïe

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L’intrigue a beau être archi-connue et cousue de fil blanc, le film fonctionne très bien car John Carpenter a le génie pour rendre l’environnement dans lequel évoluent ses personnages ultra-flippant par le biais d’une mise en scène des plus brillantes. Si le cinéaste est célèbre pour composer des plans très travaillés donnant l’impression d’emprisonner ses personnages au sein d’un espace oppressant, cette maestria de composition n’en demeure pas moins toujours aussi époustouflante à chaque nouvelle vision.

Le réalisateur parvient ainsi à transformer son tueur à la démarche aussi pataude qu’un zombie en fantôme apparaissant et disparaissant à l’envie avec une facilité déconcertante. Son reflet apparaît de manière subtile et furtive, tel un rayon de lune, sur la vitre d’une porte ou d’une fenêtre juste derrière un personnage pour disparaître aussitôt.

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Résultat : Mike Myers (Tony Moran) est doté d’une aura impressionnante et la tension est à son maximum dès qu’il rôde dans les parages, alors que les scènes où il se faufile chez des adolescentes avaient pourtant tout pour être stéréotypées et attendues. Les quelques meurtres du film en deviennent du coup très marquants, car le réalisateur manie ce jeu du chat et de la souris avec une rare finesse. Si l’on peut bien entendu apprécier la mise en scène des deux premiers Scream, force est de reconnaître que celle-ci paraît des plus pataudes comparée à l’inventivité inouïe de Carpenter.

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Enfin, dans les rôles traditionnels du type obstiné qui traque le tueur et de l’adolescente innocente dans toute sa splendeur qui va se montrer plus coriace que prévu, Donald Pleasance et Jamie Lee Curtis s’avèrent très bons. Cette dernière apparaît comme une Sydney Prescott en plus ingénue, et surprend par la manière dont elle n’est absolument pas sexuée contrairement à ses deux copines de classe (qui mourront bien évidemment), chaudes comme la braise.

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Évidemment, c’est le physique androgyne particulier de l’actrice qui intéressait le cinéaste, mais, même si celle-ci a acquis par la suite le surnom de “The Body”, devenant un sex symbol des années 80, John Carpenter ne joue pas vraiment d’ambivalence sur ce point précis. Les réalisateurs derrière les suites développeront cette évolution du personnage mais, pour l’heure, Laurie se fiche éperdument du sexe, ce qui la sauvera, bien entendu, elle qui passe son temps à garder son petit-frère et la petite sœur d’une de ses amies; des gamins, qui, comme il se doit, perçoivent le danger représenté par le “croque-mitaine.”

En définitive, Halloween la nuit des masques reste un summum du genre à tous points de vue. Alors que de nombreux tâcherons se contentent d’effusions de sang et de jump scares faciles, Carpenter, lui, fait confiance à sa mise en scène, centrée sur un rendu claustrophobique de l’espace et une tension sourde qui vous prend aux tripes. Résultat : malgré une intrigue cousue de fil blanc, le film n’a pas pris une ride et reste diablement efficace. On se laisse donc piéger par ce jeu du chat et de la souris avec un plaisir non-dissimulé.

Note : Critique mise à jour le 28 octobre 2017.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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