Magic in the Moonlight de Woody Allen (2014) : critique du film

Caractéristiques

  • Titre : Magic in the Moonlight
  • Réalisateur(s) : Woody Allen
  • Avec : Colin Firth, Emma Stone, Eileen Atkins...
  • Distributeur : Mars Distribution
  • Genre : Comédie, Romance
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 98 minutes
  • Date de sortie : 22 Octobre 2014
  • Note du critique : 6/10

Après un Blue Jasmine (2013) mélancolique et tout en nuances, Woody Allen s’accorde une récréation bien méritée avec ce Magic in the Moonlight, vraie-fausse comédie romantique pleine de charme et de fraîcheur emportée par l’improbable (mais très probant) duo Colin FirthEmma Stone.

Depuis Match Point en 2005, Woody Allen ne cache pas son amour pour l’Europe. On ne s’étonnera guère alors, après l’Angleterre, Paris, Barcelone ou encore Rome,de le voir poser sa caméra dans le sud de la France de la fin des années 20.

Stanley (Colin Firth) est un fringant prestidigitateur de renom, plus connu sous les traits du chinois Wei Ling Soo. Cartésien, intellectuel, bougon et assez arrogant, voire odieux, Stanley a un plaisir dans la vie : démasquer les charlatans qui se font passer pour des mediums et abusent de la naïveté de personnes fragiles. En maître de la mystification, il n’a aucun mal à repérer les moindres « trucs » de ces escrocs et à révéler la supercherie. Aussi, quand son meilleur ami, lui aussi magicien, lui propose de venir démasquer une charmante jeune femme (Emma Stone) qui a été prise sous son aile par une riche famille, il ne peut résister. Sauf qu’il peine à trouver une faille chez cette dernière et, face à ses prouesses, il va se sentir peu à peu chavirer…

Un beau successeur à Minuit à Paris

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A quelques exceptions près, chaque année, on sort du dernier Woody Allen ravi mais vaguement déçu, en disant « ce n’est pas son meilleur ». Sans chercher à concurrencer les sommets que sont Manhattan, Match Point ou La rose pourpre du Caire, pour ne citer que ceux-là, le cinéaste américain réussit ici à retrouver un enchantement comparable, bien qu’un peu moins surprenant, à celui que procurait Minuit à Paris (2011). On y retrouve la France, le romantisme, la fraîcheur, l’écriture aiguisée, le tout teinté du cynisme allenien, ici incarné par le personnage de Colin Firth.

Le traitement de celui-ci participe d’ailleurs grandement à la réussite du film. Arrogant et irritant par bien des aspects, il est aussi diablement attachant et son regard perdu à mesure que la jeune Sophie démontre ses prouesses est tout simplement indescriptible. C’est comme si la terre s’ouvrait sous ses pieds et, à son grand damne, allait enfin peut-être lui révéler un message, à lui le athée convaincu. Tous ses questionnements sont inscrits sur ce visage de Droopy mais ceux-ci ne font guère le poids face au sourire de Sophie.

La visibilité des failles de l’homme sous la carapace rendent Stanley aussi drôle qu’attachant et on voit alors émerger chez lui une seconde personnalité, plus fleur bleue, pleine de candeur. Le personnage va alors pouvoir se laisser emporter par cette fameuse « magie au clair de lune » et l’affrontement entre Colin Firth et Emma Stone, au diapason, en devient assez jouissif, d’autant plus que Woody Allen ne cède jamais à la facilité du romantisme premier degré.

magic in the moonlight emma stone colin firth

A l’exception de la fameuse scène au clair de lune d’ailleurs, tout en retenue, le cinéaste s’ingénie à casser tout élan romantique dès que celui-ci semble pointer le bout de son nez par des dialogues caustiques. Stanley chavire ? Plutôt que de faire des compliments à Sophie et flatter son ego, il préfère lui dire qu’elle n’est pas « déplaisante » à regarder à la lumière déclinante de l’été, éclairée comme un de ces éléphants qu’il fait disparaître lors de ses tours de prestidigitation.

Magie, cinéma, amour : le principe d’illusion

 

Magic-in-the-Moonlight-Emma-Stone.jpgComme dans tous les Woody Allen, on parle beaucoup et bien. Toujours aussi angoissé face à la mort, le cinéaste livre ici, par le biais du personnage de Stanley, des réflexions truculentes sur le but (ou absence de but) de la vie sur Terre et la part de duplicité qui existe au sein de chaque relation, amoureuse ou non. Et s’il demeure dans un premier temps pessimiste, en opposant à son héros la jeune américaine Sophie, il propose au final une alternative, loin de toute naïveté ou mièvrerie : une part de mensonge, d’illusion peut-elle rendre la vie plus belle ?

Si le personnage de Stanley, très cartésien, veut vivre du côté de la vérité, l’ironie est que pour quelqu’un qui vend du rêve aux gens, il est en fin de compte assez malheureux, privé de toute espérance, mais se raccrochant à ses convictions. Tout l’aspect jouissif réside dans la manière dont Sophie va ébranler celles-ci.

Pourtant, après nous avoir révélé tous les failles et défauts de ses personnages, le cinéaste veut continuer à croire à la magie des relations, même si celles-ci comportent une part de manipulation, de jeux de dupes. Après tout, le grand prestidigitateur, qui trouve la perspective de confondre un imposteur pluspalpitante que des vacances dans les îles avec sa compagne n’attendait-il pas, au fond de lui, à partir dans une grande aventure rocambolesque ? N’en avait-il pas besoin ? A la fin, l’illusion n’est peut-être plus de mise, pourtant, toute magie ne s’est pas évaporée et c’est ce qui rend le film aussi attachant.

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Au fond, en allant voir un spectacle de magie comme en nous rendant au cinéma, nous voulons tous être bernés. Conscients du principe d’illusion qui domine, nous voulons malgré tout y croire. Et, pour Woody Allen, ceci est également valable en ce qui concerne l’amour. Comme en magie, on se doute bien dès le début qu’il y a un « truc », et si celui-ci est un peu trop prévisible, au final, cela n’importe guère : Allen arrive à emporter le morceau avec une facilité déconcertante, porté par les situations, des dialogues aussi drôles que brillants mais aussi une tendresse certaine pour ses personnages que son cynisme existentiel ne saurait masquer et ce, même si chacun en prend pour son grade. 

Caustique et candide à la fois, Magic in the Moonlight emballe par son charme et sa fraîcheur et se révèle un « Woody Allen mineur » de toute beauté, qui n’a pas à rougir face à ses prédécesseurs et formerait même un joli dyptique avec Minuit à Paris.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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