[Critique] The Danish Girl : La transsexualité vue par Hollywood

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Tom Hooper
  • Avec : Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Amber Heard, Ben Wishaw, Adrian Schiller, Emeral Fennell...
  • Distributeur : Universal Pictures International France
  • Genre : Drame, Biopic
  • Pays : Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne
  • Durée : 1h59
  • Date de sortie : 20 janvier 2016
  • Note du critique : 7/10

Basé sur le roman du même nom de David Ebershoff, The Danish Girl retrace le parcours de Lili Elbe, une artiste danoise née sous le nom d’Einar Wegener et qui fut la première personne transsexuelle à subir des opérations pour changer de sexe, au tout début des années 30. Ce biopic, qui s’appuie sur un récit romancé de l’histoire d’amour unissant Einar/Lili et sa femme Gerda est mis en scène avec classe et sobriété par le réalisateur oscarisé Tom Hooper, auquel on doit Le discours d’un roi.

Un film grand public sur une pionnière transgenre

Porté par l’interprétation sans faille d’Eddie Redmayne dans le rôle d’Einar/Lili, The Danish Girl devrait faire date, ne serait-ce que par le simple fait qu’il s’agit d’un film hollywoodien traitant de ce sujet sensible de la manière la plus classique qui soit là où, il y a encore peu, une telle histoire serait restée cantonnée à un cinéma d’auteur au ton plus cru, décalé, destinée à un public plus restreint. Si les personnes transgenres sont encore victimes de préjugés, force est de constater qu’il y a eu un véritable changement ces dernières années.

A l’heure de la médiatisation de Caitlyn Jenner (qui a fait, plus tôt dans l’année, la couverture de l’édition américaine de Vanity Fair) et du succès retentissant de la série Transparent, qui a triomphé lors des derniers Emmy Awards, les transsexuels sont décidément en vogue de l’autre côté de l’Atlantique. Alors qu’il y a encore quelques décennies, ils étaient souvent montrés comme des tueurs et des déséquilibrés mentaux dans les thrillers (comme dans le par ailleurs excellent Pulsions de Brian De Palma), les années 2000 et surtout 2010 auront vu fleurir les portraits complexes de personnes transgenres, dans des films interrogeant la notion d’identité : Boys Don’t Cry, Transamerica, Laurence Anyways

image alicia vikander the danish girl

Et voilà que, après tous ces films d’auteur, arrive The Danish Girl, œuvre classique s’il en est, que l’on pourrait qualifier assez facilement de film à Oscars. Un long-métrage tous publics et qui, en ce sens, sort le sujet de la marginalité dans laquelle il était jusque-là en partie confiné. Rien que pour cette raison, le film de Tom Hooper devrait être largement vu, débattu et devrait recevoir un nombre de conséquent de nominations aux diverses cérémonies de remises de prix. Mais rentrons à présent dans le vif du sujet : ce drame d’époque mérite-t-il une telle attention, au-delà de son traitement mainstream ?  La réponse est oui, bien que, comme nous le verrons, l’œuvre ne soit pas exempte de défauts.

Un couple atypique

Pour commencer, The Danish Girl est porté par un magnifique duo d’acteurs, Eddie Redmayne et Alicia Vikander, qui forment un couple résolument atypique si l’on considère que l’action se déroule dans les années 20 au Danemark. En effet, c’est Gerda, la femme d’Einar, qui commence par pousser celui-ci à se travestir en femme, allant jusqu’à concevoir avec lui un personnage à part entière, Lili, qui est en quelque sorte leur création, leur bébé, que Mme Weneger se plaît à présenter à la haute société comme étant la cousine de son mari lors de soirées mondaines. Lorsque le trouble, assez vite, s’empare du jeune peintre introverti, qui laisse de plus en plus affleurer ses émotions féminines, son épouse, anticonformiste, est tout d’abord excitée et se plaît à faire l’amour avec son mari alors que celui-ci porte une nuisette en soie qu’il lui a subtilisé.

image eddie redmayne the danish girl

Bien entendu, lorsqu’il s’avère que Lili semble “prendre son indépendance” et devient plus qu’un simple personnage pour Einar, les relations de couple deviennent plus problématiques. Mais, d’un bout à l’autre, Gerda est aux côtés de son époux, qui adopte bientôt l’identité de Lili de façon permanente, reléguant Einar et ce qui fut leur vie de couple marié au rang de souvenir. La relation entre les deux personnages est traitée avec une justesse de chaque instant et l’interprétation d’Eddie Redmayne et Alicia Vikander force le respect.  La réalisation, quant à elle, se met au service de l’histoire et, si elle reste classique d’un bout à l’autre, on ne peut que reconnaître la beauté visuelle de l’ensemble et la minutie de la reconstitution historique.

Film à Oscars ?

Alors oui, The Danish Girl est un film à Oscars et comporte quelques défauts ou travers propres à ce type de films : une musique emphatique qui tire parfois du côté du mélo, une performance d’Eddie Redmayne un brin trop appuyée par moments, notamment lorsque son personnage est en proie au doute ou au déchirement, quelques petites longueurs lors de la dernière partie et, enfin, un dénouement qui, sans tomber dans le pathos, n’évite pas complètement de sortir les violons. Ce côté un peu appuyé se traduit par certaines répliques et images symboliques dont le but affirmé est d’émouvoir le public qui, pourtant, est déjà en empathie avec les personnages.


Cependant, malgré ces petites réserves, The Danish Girl émeut véritablement et se révèle un film prenant d’un bout à l’autre. L’évolution psychologique d’Einar, qui se mue progressivement en Lili, apparaît fort convaincante et, si certaines voix s’élèveront sans doute pour dénoncer le traitement classique du sujet (finalement pas si différent d’un film comme Un homme d’exception), ce drame élégant et discrètement engagé mérite un beau succès.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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