[Étrange Festival 2016] Hime-Anole – Keisuke Yoshida

Caractéristiques

  • Titre : Hime-Anole
  • Titre original : Himeanôru
  • Réalisateur(s) : Keisuke Yoshida
  • Avec : Gaku Hamada, Ryusuke Komakine, Gô Morita
  • Genre : Romance, Thriller
  • Pays : Japon
  • Durée : 90 minutes
  • Note du critique : 6/10

Synopsis

Odaka, technicien de surface, aide son ami Ando à séduire Yuka, une jeune serveuse, en jouant les entremetteurs. Au café où travaille la jeune fille, Odaka rencontre par hasard Morita, un ami d’enfance que Yuka accuse de harcèlement.

La critique

Parmi les films les plus attendus de cet Étrange Festival 2016, Hime-Anole tenait sans aucun doute l’une des premières place. Du moins, chez les cinéphiles au fait du septième art nippon, qui ne pouvaient qu’être interloqués par ce projet fou : l’adaptation d’un manga violent (signé Furuya Minoru, mangaka dont le très bon Himizu n’est toujours pas licencié en France) par Keisuke Yoshida, un réalisateur spécialisé dans… les comédies romantique un brin (voire très) nunuches. On pouvait s’attendre à une véritable curiosité, ou au moins un essai courageux, et l’on n’a pas été déçu.

Hime-Anole est structurellement divisé en deux parties. Un concept difficile à maîtriser, on se souvient notamment de Martyrs de Pascal Laugier qui souffrait justement du passage d’une tonalité à l’autre (ce qui ne nous empêche pas de le tenir comme l’un des meilleurs films d’horreur français de tous les temps). Le film de Keisuke Yoshida débute comme une comédie romantique typiquement japonaise, par ailleurs avec des acteurs que l’on n’attendait pas dans ce genre de film (Morita Go, leader du boys band V6, tient le rôle principal). C’est drôle, plutôt frais quand on n’a pas l’habitude de ce genre de production nippone, parfois un peu trop appuyé mais cela se suit sans problème. Le réalisateur utilise cette première partie pour installer tous les éléments scénaristiques qui exploseront par la suite : l’amour éconduit et une amitié trouble qui resurgit d’un passé que le personnage principal avait complètement oublié. On voit les grosses ficelles se mettre en place, on peut même parfois être un peu embarrassé devant certaines cocasserie très lourdingues. Mais soudain, après près d’une heure de métrage, intervient… le générique de début de Hime-Anole.

image hime anole

Et ça fonctionne ! Le spectateur, qui s’enfonçait un peu dans un ennui poli avec cette histoire à l’eau de rose finalement assez classique fondamentalement, perd soudain tout repère. L’écriture des dialogues change, la lumière change, l’univers change : Hime-Anole devient alors un thriller ultra-violent aux séquences très saignantes. Tout part en vrille : l’histoire d’amour provoque tellement de jalousie qu’Okada et son ami Ando se disputent, la personnalité profonde des personnages éclate au grand jour et surtout l’ami d’enfance Morita devient de plus en plus menaçant, alors que ses motivations se précisent. De comédie sentimentale, on plonge dans une ambiance sombre, et une violence gore craspec qui régalera les amateurs du genre. Le réalisateur nous surprend à chaque minute, lui qui jusqu’ici filmait des amourettes pour ados ose par exemple un montage alterné entre un meurtre sauvage et une relation sexuelle bourrée de sens. On pourra peut-être regretter quelques flashbacks qui portent atteinte à un rythme qui s’essouffle parfois, mais rien de bien grave tant le récit, limpide, nous garde concentré.

En détruisant non seulement la première partie de son film, mais aussi de sa carrière, Keisuke Yoshida apporte à son film une tonalité (mais pas un visuel) résolument punk, même si le chaos n’est pas invité à la fête. La mise en scène est chiadée, le montage toujours très clair, Hime-Anole concentre se concentre sur sa volonté de briser les attentes, de les tordre avant de les achever d’un coup de marteau en plein crâne. Il est dommage que le final prenne du temps à se concrétiser, le metteur en scène jouant une carte philosophique pas vraiment en adéquation avec la force, l’audace de son point culminant. Le film est imparfait, soit, mais il constitue sans aucun doute l’une des belles surprises de cet Étrange Festival 2016.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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