[Critique] Assassin’s Creed : des débuts compliqués pour Ubisoft au cinéma

Caractéristiques

  • Titre : Assassin's Creed
  • Réalisateur(s) : Justin Kurzel
  • Avec : Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jeremy Irons, Brendan Gleeson, Charlotte Rampling, Ariane Labed...
  • Distributeur : 20th Century Fox
  • Genre : Action, Science Fiction
  • Pays : Etats-Unis, France
  • Durée : 116 minutes
  • Date de sortie : 21 décembre 2016
  • Note du critique : 4/10

Ah, le sujet des adaptations de jeux vidéo au cinéma, voilà un thème qu’il faudra que l’on aborde plus en profondeur prochainement. Si certaines licences ont pâtit à la fois de moyens faibles et d’une absence de talent aux commandes (si Uwe Boll nous lit du fond de sa retraite…), d’autres ont eu au moins le mérite de gagner, au fil du temps, une certaine aura. Prenant le parti de ne pas réellement adapter l’une des histoires de la série, Assassin’s Creed a-t-il réussit à tirer son épingle du jeu ? Rien n’est moins sûr…

Tout d’abord, le récit d’Assassin’s Creed en lui-même réussit l’exploit d’être à la fois brouillon et anormalement décousu. Le film nous présente Callum Lynch (Michael Fassbender), descendant direct d’une confrérie de l’ombre : les Assassins. Seulement, ça va mal pour le bellâtre, car il est à deux doigts de se faire exécuter pour un crime qu’il a commis. C’est à cet instant précis qu’il est récupéré par la multinationale Abstergo Enterprise, une géante de la recherche génétique. Grâce au génome de Callum, le Docteur Sophia Rikkin (Marion Cotillard) compte bien localiser la fameuse Pomme, un Fragment d’Eden qui aurait le pouvoir de contrôler l’agressivité de l’humanité. E sein de l’Animus, une technologie qui plonge les patients dans le passé de leurs ancêtres, Callum va découvrir que son descendant, Aguilar de Nehra, a contribué à cacher l’artefact au temps de l’inquisition espagnole. Il va aussi se rendre compte qu’il est utilisé par les Templiers, les ennemis intimes de la confrérie des Assassins.

Bon, là on vous le fait dans les grandes lignes. Car à tout cela, Assassin’s Creed ajoute une demie-tonne d’intrigues secondaires traitées par-dessus la jambe. Les rapports entre Callum et son père (Brendan Gleeson), ceux entre Sophia et Alan Rikkin, le passif d’Abstergo Enterprise : on est prié d’adhérer sans qu’un seul élément ne nous prenne aux tripes. C’est si vrai que tout ce qui se passe au temps présent semble manquer cruellement d’âme, Justin Kurzel se contentant maladroitement d’accompagner son scénario gruyère par une réalisation tellement stylisée qu’elle en devient laborieuse. Aussi, on se demande encore ce qui a pu arriver au directeur de la photographie Adam Arkapaw, pourtant très bon sur Animal Kingom, pour nous pondre une lumière absolument contraire à l’intérêt du spectateur. On ne compte plus les plans totalement illisibles à cause d’un contrejour sur-exploité, brisant ainsi toute émotion due au jeu des comédiens.

Un film qui manque d’âme

image film assassin's creed

Si vous vous êtes un tant soit peu acoquinés à la licence Assassin’s Creed, vous savez parfaitement que la série a, au fur et à mesure, tiré un trait sur la méta-histoire, plus précisément ce qui se passe en-dehors de l’Animus. Le moment présent, donc. Si Ubisoft déclare, parfois, ne pas tirer un trait définitif sur cet élément, force est de constater que les joueurs ne sont pas mécontents d’une telle décision. En effet, la licence est clairement plus intéressante quand elle nous transporte dans le passé des différents avatars : c’est là que se situe l’action, le gameplay, les rencontres historiques etc. En fait, c’est là que repose l’intérêt d’Assassin’s Creed, quand le temps présent a tendance à briser le rythme. Dès lors, on ne comprend pas la décision de donner bien plus de temps de présence à l’histoire balourde des Templiers, et de balancer littéralement ce qui se passe du côté de l’inquisition espagnole.

Assassin’s Creed rate totalement le coche de l’adaptation vidéoludique, ce qui était un choix assumé par Ubisoft Motion Pictures depuis la mise en place du projet. Seulement, on attendait au moins un minimum de cohérence avec la série. Notamment dans la gestion de l’aspect primordiale des assassinats, qui se doivent d’être le plus discrets possible. Nous ne spoilerons rien de l’intrigue, sachez juste que le final, qui rappellera plus les films de Chang Cheh que la licence vidéoludique, nous a fortement déplu. Heureusement, les quelques séquences de parkour sont bien dans l’esprit d’Assassin’s Creed, même si elles restent rares et, surtout, épileptiques à souhait.

Film de poseur, Assassin’s Creed n’arrange pas son cas avec ce qui, pourtant, était l’une de ses principales forces sur le papier : le casting. Michael Fassbender est une erreur de casting, Marion Cotillard en fait des méga-tonnes et Jeremy Irons semble se demander ce qu’il est venu faire dans une telle galère. Par contre, il serait injuste de décrire leurs performances en-deça des espérances sans pointer du doigt la mise en scène de Justin Kurzel. On l’abordait plus haut, et clairement elle se révèle symptomatique du réalisateur qui manque d’osmose avec son sujet. Le montage parallèle, qu’il utilise afin de souligner les liens physiques entre Callum et Aguilar, donne au mieux des plans embarrassants. Il faut voir Michael Fassbender grimacer comme jamais, dans un rendu qui va au-delà du grotesque.

On aurait aussi pu aborder la vacuité incroyable des personnages secondaires, sous-développés au possible, ou encore appuyer sur l’inconsistance gênante du contexte historique. En effet, ne pensez pas rencontrer des personnages issus de notre passé commun : mis à part deux (pas de spoilers), l’un totalement passé à l’as scénaristiquement et l’autre présent à l’écran trente secondes maximum, vous en serez à vos frais. On aurait pu, aussi, parler de la tendance d’Assassin’s Creed à utiliser les images de synthèse n’importe comment, grossièrement, notamment pour introduire le voyage vers l’Animus. Ah, ce fichu aigle. Pourquoi  ne pas évoquer, aussi, l’OST qui en fait des tonnes pour pas grand chose ? Enfin, on aurait pu regretter la sous-utilisation des cascades, quand celles-ci ont été mises en avant lors de toute la campagne de promotion. Par exemple, que reste-t-il de la plus grande chute dans le vide jamais tournée, une fois cette dernière passée à la moulinette des effets spéciaux et du montage épileptique ? Rien. Mais on va surtout souhaiter à Ubisoft Motion Pictures de se reprendre avec ses prochains films, dores et déjà attendu au tournant : Splinter Cell (avec Tom Hardy), Watch Dogs, et même un Assassin’s Creed 2. Il va falloir se remonter les manches…

image michael fassbender assassin's creed

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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