[Test – Blu-ray] Soudain les monstres – Bert I. Gordon

image blu-ray soudain les monstresCaractéristiques

  • Réalisateur : Bert I. Gordon
  • Titre original : The Food Of The Gods
  • Avec: Marjoe Gortner, Pamela Franklin, Ralph Meeker, Jon Cypher, Ida Lupino, John McLiam, Belinda Balaski…
  • Éditeur : Movinside
  • Date de sortie Blu-Ray : 28 février 2017
  • Durée : 89 minutes

Image : 4/5

On tient là un master HD (1080p tout du long) très satisfaisant, l’exemple typique d’un travail surtout axé sur le confort immédiat : colorimétrie, contrastes, définition, à ce niveau on est plus que satisfait. Quelques cicatrices sont tout de même visibles, et quelques baisses de régime peuvent parfois se faire sentir : évidemment les effets spéciaux d’époque, qui misent tout sur le trucage, en prennent un petit coup derrière l’oreille. Rien de gênant cependant, et l’on ne peut que souligner que Soudain les monstres est ici dans sa finition visuelle la plus aboutie sur le marché.

Son : 3,5/5

Les deux pistes, françaises et originale sous-titrée dans la lange de Molière, sont proposées dans un Dual Mono DTS-HD un peu terne, un peu couvert, surtout pour la VF. Cette dernière propose le doublage d’époque, d’une bonne qualité d’interprétation. Cependant, on conseille tout de même la VOSTFR, pour son meilleur équilibre de mixage, et surtout pour le travail des acteurs sur les voix. Notamment, les cris de douleurs rendent beaucoup mieux…

Bonus : 2,5/5

On a droit à une présentation de Soudain les monstres par Marc Toullec (qui co-dirige la collection Trésors du fantastique avec Jean-François Davy), journaliste bien connu des cinéphiles (il fut notamment co-rédacteur en chef de Mad Movies, et actuellement il se consacre à l’acquisition de droits de films). Long de sept minutes, ce module manque peut-être un peu de temps pour être plus complet. On apprécie les anecdotes de notre hôte, et si l’on aurait apprécié plus de détails sur la participation d’Ida Lupino, on constate tout de même qu’on apprend beaucoup de chose.

Synopsis

Morgan, un joueur de football professionnel et son ami Davis ont décidé de passer quelques jours de détente sur une île canadienne quasiment déserte. Rapidement, Davis disparaît mystérieusement. Morgan décide alors d’examiner les alentours et se fait attaquer par un poulet géant. S’étant sorti difficilement des ergots acérés du gigantesque volatile, notre héros fait la connaissance d’une fermière des environs qui lui fait une bien étrange révélation. En effet, la terre de l’île recèle une étrange matière oléagineuse (“la nourriture des dieux”) qui, mélangée aux aliments, a la particularité de faire grandir tout animal qui l’absorbe. Morgan, comprenant vite que l’île est infestée de bêtes aux proportions inimaginables va tenter, en compagnie des autochtones, touristes et autres financiers peu scrupuleux désirant exploiter la substance extraite du sol, de survivre aux assauts des bestioles affamées devenues très agressives.

image movinside soudain les monstres

Le film

Cousin éloigné du roman La nourriture des dieux de H. G. Wells, Soudain les monstres est un film que l’on désirait découvrir depuis longtemps. Tout d’abord parce qu’une adaptation, qu’elle soit cinématographique ou autre, d’un grand écrivain est toujours attirante, et ce même si l’adage veut que ce genre d’initiative ne soit pas toujours couronné de succès. Le film ici abordé est d’autant plus intéressant qu’il adapte un livre de l’auteur sans doute moins connu que ses grands classiques (La machine à explorer le temps, L’homme invisible, La guerre des mondes), mais intéressant de par la tonalité qui s’en dégage. En effet, H. G. Wells y dévoile une intrigue beaucoup moins terre-à-terre que ce qu’il eût l’habitude de livrer, non pas chez les personnages mais leurs bourreaux. Ici, des monstres devenus gigantesques à cause d’un liquide pour le moins dopant.

Et pour adapter ce livre, c’est Bert I. Gordon que l’American International Pictures, société spécialisée dans le film de série B, a dégoté. Ce réalisateur est clairement le bon choix pour cette production au budget très modeste, lui qui a débuté sa carrière sous le prisme du gigantisme (King Dinosaur, The Cyclops). Quelques 21 ans après cette naissance consacrée à ce véritable sous-genre au sein du genre, Bert I. Gordon peut (re)prouver son aisance avec ce style, même si l’on ne peut pas éviter de mentionner un ou deux ratés. Mais tout d’abord, mentionnons ce qui domine au sortir de ce métrage : le sentiment d’avoir assisté à une œuvre de bien belle qualité, marquée du sceau du respect pour ces films de monstres titanesques.

Si le scénario de Soudain les monstres s’éloigne tout de même beaucoup du roman de H. G. Wells, notamment dans l’écriture des personnages, c’est pour mieux le moderniser, et force est de constater que cela fonctionne. Fini le duo de scientifiques, place à deux amis, dont l’un est footballeur (américain) professionnel. En refaçonnant ces protagonistes, Bert I. Gordon peut d’ailleurs utiliser la figure du scientifique cinglé plus librement, avec un personnage qui embrassera cet archétype avec brio, dans un mélange de cupidité et d’individualisme forcené. Soudain les monstres est ouvertement critique avec un thème en particulier : l’irrespect de la Nature. Celle-ci est attaquée de toutes parts : les scientifiques, qui ne comprennent pas que certaines limites ne doivent pas être franchies, mais aussi les religieux extrêmes qui voient, en toute possibilité offertes par notre Terre, le signe de Dieu. Au milieu, les gens simples et modérés semblent devoir subir les effets, sans pour autant que l’on ressente une quelconque leçon de vie de la part du réalisateur.

image soudain les monstres

Car ce qui reste l’objectif clair de Bert I. Gordon, c’est faire de Soudain les monstres un bon divertissement, au-delà de tout acharnement idéologique (non, le cinéma n’est pas que politique, détendez-vous). En tant que film de genre, et de série B, l’œuvre se débrouille rondement bien, en assurant une intrigue efficace, et un rythme maîtrisé. On pourra être plus surpris sur certains éléments du scénario, comme cet instant assez hallucinant où le personnage principal constate l’existence de poules grandes comme des autruches, sans pour autant aller en piper mot au premier commissariat venu. Certes, l’action se déroule sur une île, mais tout de même. La situation de l’action est d’ailleurs l’un des atouts de Soudain les monstres, créant certes le petit soucis sus-cité mais offrant un cadre parfait pour l’action. On pensera, d’ailleurs, à L’île du Docteur Moreau, un ouvrage écrit par… H. G. Wells, qui faisait là une description toute autre du concept de monstruosité.

En écrivant à propos de monstruosité, il faut bien évidemment aborder celle qui a cours dans Soudain les monstres. En bon amateur de gigantisme au cinéma, de toutes les époques et de toutes les tailles (et pas spécialement fan de ce qui est fait aujourd’hui de ce sous-genre, comme l’effroyable Godzilla de Gareth Edwards), on attendait la première rencontre avec l’une des bêbêtes avec une certaine impatience. Et là, ce fut un choc, malheureusement pas dans le bon sens. Les guêpes géantes font peine à voir, il s’agit plutôt d’effets sur pellicule assez informes, et ce même si cette attaque accouche d’une séquence bien troussée. Heureusement, il s’agit là du passage le plus problématique de cette adaptation courageuse, car par la suite Bert I. Gordon maîtrise bien mieux le mélange opéré : prise de vue d’animaux réels et de maquettes miniatures, utilisation d’animatroniques pour le moins précaires, ainsi que d’acteurs déguisés (et finement utilisés). Alors certes, il faudra être ouvert à ce genre de tambouille, certains plans font vraiment bricolés, mais on est plusieurs fois surpris par la réussite visuelle qui se dessine sous nos yeux, notamment lors du final.

Soudain les monstres est typiquement ce genre de séries B réussie qui filent une sacrée énergie, et qui provoquent une certaine nostalgie d’un temps où elle n’était pas cantonnée à du DTV rarement intéressant. Plutôt sanglante pour une œuvre de cette époque, et bien servie par un casting robuste. D’ailleurs, impossible de terminer cet article sans signaler la présence de la grande, magnifique, ultra-douée Ida Lupino (La cinquième victime, et réalisatrice de talent avec Outrage), qui trouvait là son avant-dernier rôle au cinéma. Voilà donc une raison de plus de découvrir ce Soudain les monstres décidément conseillé.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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