Caractéristiques
- Titre : Nocturnal Animals
- Réalisateur(s) : Tom Ford
- Avec : Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Isla Fisher, Armie Hammer, Laura Linney…
- Editeur : Universal Pictures Video
- Date de sortie Blu-Ray : 9 mai 2017
- Date de sortie originale en salles : 4 janvier 2017
- Durée : 116 minutes
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- Note : 7/10 par 1 critique
Image : 5/5
Comme souvent chez Universal, le master de ce Blu-Ray est impeccable, et retranscrit dans toute sa beauté, tour à tour froide, ténébreuse ou plus chaleureuse, les différentes atmosphères de ce film visuellement très travaillé. La définition est au top, tout en laissant transparaître juste ce qu’il faut le grain de la pellicule 35mm. Les contrastes sont quant à eux très bons, avec des noirs très profonds, tandis que la colorimétrie est respectée, rendant justice au travail du directeur photo Seamus McGarvey (The Hours, Avengers…). Enfin, le format 2:40:1 permet une bonne immersion dans le film, notamment en ce qui concerne les scènes les plus angoissantes.
Son : 5/5
Là encore, rien à redire pour la piste en version originale, disponible en DTS-HD Master Audio 5.1, dont la clarté, la profondeur et la précision restituent avec fidélité les différentes ambiances sonores (musique, dialogues, bruitages), avec une bonne répartition sur les différents caissons. Essentiel pour un thriller psychologique tel que Nocturnal Animals afin de garantir une immersion maximale.
Bonus : 3/5
De ce côté-là, c’est malheureusement assez léger : on trouvera seulement un making-of d’une dizaine de minutes réunissant des interviews de Tom Ford et du casting. Le point positif étant que ce supplément parvient à éviter le côté trop promotionnel de l’exercice pour fournir des éléments intéressants et enrichissants pour la compréhension du film, pour ceux qui souhaiteraient davantage creuser
Synopsis
Susan Morrow, s’ennuie dans l’opulence de son existence. Alors que son mari s’absente, Susan reçoit un colis inattendu : un manuscrit signé de son ex-mari Edward Sheffield dont elle est sans nouvelles depuis des années. Edwards se met en scène en père de famille aux prises avec un gang de voleurs de voitures ultra-violents, mené par l’imprévisible Ray Marcus. Après lui avoir fait quitter la route, le gang l’abandonne impuissant sur le bas-côté, prenant sa famille en otage. Susan, émue par la plume de son ex-mari, ne peut s’empêcher de se remémorer les moments les plus intimes qu’ils ont partagés. Elle trouve une analogie entre le récit de fiction de son ex-mari et ses propres choix cachés derrière le vernis glacé de son existence.
Le film
Presque 8 ans après la sortie de son premier long-métrage, le très remarqué A Single Man, Tom Ford est de retour avec ce Nocturnal Animals aussi poignant que ténébreux, adapté du roman d’Austin Wright, Tony et Susan, publié en 1993. L’histoire, assez simple en elle-même mais brillamment mise en oeuvre, est celle de Susan (Amy Adams, impressionnante et touchante dans un rôle qui aurait pu être antipathique), une galeriste new-yorkaise d’une quarantaine d’années mariée à un homme qui la trompe et dont la frustration existentielle l’empêche de dormir la nuit. Lorsqu’elle reçoit le manuscrit d’un roman écrit par son ex-mari, Edward Sheffield (Jake Gyllenhaal, à fleur de peau après Demolition, autre film sur le deuil), qu’elle n’a pas revu depuis 20 ans, elle le visualise instinctivement dans le rôle du héros de l’histoire, Tony Hastings, et se projette dans celui de l’épouse kidnappée en compagnie de sa fille. En effet, 20 ans auparavant, Susan avait été à l’origine de leur séparation très brutale, et elle a l’intuition que ce livre est une manière pour Edward de lui faire comprendre, de manière métaphorique, l’enfer qu’elle lui a fait traverser, et qu’elle a l’occasion de comprendre de l’intérieur pour la première fois…
Esthète jusqu’au bout des ongles, mais également très investi dans la dimension psychologique de l’intrigue, le styliste Tom Ford, libéré de ses obligations envers Yves Saint-Laurent, parvient à rendre palpables des parallèles entre l’histoire de Susan et Edward et celle du couple du roman qui auraient pu sembler très difficiles à faire passer à l’écran, et ce, sans jamais surligner à outrance quoi que ce soit, laissant une part suffisamment grande au ressenti et à l’interprétation personnelle du spectateur, ce qui ne fait que renforcer la puissance d’évocation du film. Nocturnal Animals, plus qu’une histoire de vengeance — qui est tout à fait symbolique dans la mise en abyme que propose le thriller, et n’est pas vraiment telle qu’on pourrait le croire — est surtout l’histoire d’une revanche sur la vie, et d’une longue reconstruction personnelle, celle d’Edward, abandonné par Susan qui ne croyait pas suffisamment en lui, son talent et son ambition et dû trouver en lui la force de surmonter cette séparation déchirante ayant porté un coup certain à son estime personnelle, le plongeant dans des abimes de culpabilité et de remords. Mais c’est, également, le réveil de Susan après ce qui semble être une longue période de sommeil, où elle semble s’être embourbée dans une existence ressemblant en tous points à ce qu’elle souhaitait éviter plus jeune. Si une issue positive à cette relation rompue depuis longtemps ne sera pas nécessairement possible, l’expérience se révèlera néanmoins cathartique.
Plutôt que d’opter pour une sur-psychologisation, Tom Ford préfère jouer sur la suggestion, grâce à un montage inspiré et des ambiances très travaillées, qui permettent d’obtenir un résultat organique, et assez viscéral, avec un onirisme justement dosé. Toute la partie mettant en scène la trame narrative du roman — et plus particulièrement la confrontation entre la famille Hastings et le gang de jeunes — est très clairement inspirée du Lost Highway de David Lynch, au moins d’un point de vue visuel : photo, cadrages, lumière, décors d’un no man’s land américain traversé par une route sans fin…. La personnalité des « méchants », capables de faire peser une menace sourde tout en faisant mine de plaisanter, peuvent quant à eux faire penser au Frank Booth de Blue Velvet ou au Bobby Peru de Sailor et Lula. Des références assumées, mais par lesquelles le styliste ne se laisse pas engloutir pour autant. S’il ne réinvente pas le thriller psychologique, loin s’en faut, il réussit ici à ne pas céder au simple mimétisme et à affirmer ses choix esthétiques. Que ce soit au niveau des costumes, bien évidemment, mais aussi des couleurs et de l’apparence glacée des scènes avec Susan dans le présent, on reconnaît définitivement sa patte, et le réalisateur a également su s’entourer des bons collaborateurs, à commencer par Seamus McGarvey, dont la photo participe pleinement à l’identité de Nocturnal Animals.
La mise en scène, le montage et la performance sans faille des acteurs viennent ainsi donner une épaisseur aux personnages et à l’intrigue quand bien même la relation Susan-Edward est développée de manière finalement très succincte à travers des flash-backs assez conventionnels, qui auraient pu rendre le tout schématique et artificiel. Si l’ensemble fonctionne aussi bien, au-delà du simple travail sur l’atmosphère, c’est également que l’approche elliptique de Tom Ford permet assez aisément au spectateur de projeter son propre vécu sur l’histoire de Susan et Edward et leurs parcours respectifs. Qui n’a pas, en effet, vu une personne à laquelle il tenait disparaître brutalement de sa vie, sans avoir la possibilité d’être simplement entendu et compris ? Ou qui n’a pas été, à un certain niveau, à la place de Susan, délaissant quelqu’un pour une incompatibilité quelconque avant de se rendre compte que notre jugement et notre attitude avaient sans doute été cruels ? De manière plus simple, nous avons également tous éprouvé, à un moment ou un autre, un sentiment de perte ou d’apathie.
Nocturnal Animals trouble car il joue sur cette dimension avec finesse, tout en prenant la forme d’une parabole autour de la création comme acte cathartique, dont la puissance d’évocation par le biais de symboles universels est telle que le romancier n’a guère besoin d’inclure d’éléments réellement autobiographiques pour que les parallèles entre fiction et réalité prennent son ex-femme à la gorge. L’étrangeté du générique d’ouverture, avec ses vieilles femmes obèses dansant nues et la simplicité de la fin, achèvent de faire du second long-métrage de Tom Ford une oeuvre confirmant son potentiel de réalisateur, plutôt que la simple lubie d’un créateur de mode piqué de cinéma.