[Critique] La Momie : Sage début pour le Dark Universe d’Universal

Caractéristiques

  • Titre : La Momie
  • Titre original : The Mummy
  • Réalisateur(s) : Alex Kurtzman
  • Avec : Tom Cruise, Russiell Crowe, Annabelle Wallis, Sofia Boutella, Jake Johnson, Courtney B. Vance, Marwan Kenzari….
  • Distributeur : Universal Pictures France
  • Genre : Fantastique, Aventure
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 110 minutes
  • Date de sortie : 14 juin 2017
  • Note du critique : 4/10

Critique

En salles le 14 juin 2017, La Momie d’Alex Kurtzman inaugurera la série Dark Universe d’Universal, soit une collection de films de monstres inspirés des grands classiques des années 30 à 50 du studio tels que La Fiancée de Frankenstein, La créature du lac noir ou encore L’Homme invisible et qui, en s’inspirant du principe de La ligue des gentlemen extraordinaires ou Penny Dreadful, mêlera plusieurs d’entre eux au sein de chaque opus, tout en se concentrant plus particulièrement sur une créature célèbre qui prêtera son nom à chacun des films. Le choix de La Momie pour amorcer cette nouvelle franchise n’est pas innocent : le film de Karl Freund avec Boris Karloff, sorti en 1932, avait déjà fait l’objet d’un « remake » en 1999, avec Brenda Fraser et Rachel Weisz en têtes d’affiche. Un blockbuster fort bien accueilli aussi bien par le public que la critique, mais qui n’était pas vraiment parvenu à réitérer l’exploit à travers ses deux suites en 2001 et 2008. Et comme Tom Cruise avait été un temps pressenti pour tenir le rôle finalement revenu à Fraser, pourquoi ne pas le choisir afin de porter le projet ? Qu’on le considère opportuniste à l’heure des franchises de super-héros ou enthousiasmant, le projet d’Universal possédait sur le papier un certain potentiel. Renouer avec un cinéma fantastique et d’aventures à grand spectacle avec un côté bon enfant aurait pu en effet venir combler un certain manque alors que de nombreuses personnes ayant grandi dans les années 80-90 n’en finissent pas de regretter les grands jours de Spielberg et George Lucas, pour ne citer qu’eux ; une époque où le cinéma de studio était capable de divertir tout en proposant des oeuvres de qualité, avec une véritable ambition artistique et une narration reprenant avec brio les schémas des grands mythes. Hélas ! Universal semble ici avoir davantage misé sur le côté bankable de l’entreprise, en s’adaptant d’avance à un public biberonné aux films Marvel et aux oeuvres ne demandant qu’une concentration limitée. Alors certes, il peut y avoir du bon dans les films de super-héros, mais, lorsqu’on joue avec des personnages aussi légendaires que tous ces célèbres monstres rentrés depuis bien longtemps dans l’imaginaire collectif, on est en droit de s’attendre à un film plus abouti, notamment au niveau du scénario, assez simpliste ici, qui donne parfois l’impression d’avoir été bâclé, pour ne pas dire fortement charcuté au montage.

Une princesse égyptienne quelque peu maltraitée…

image sofia boutella la momie 2017 alex kurtzman
© Universal Pictures France

Si le fait de proposer un film d’une durée raisonnable au regard des standards des blockbusters actuels, souvent artificiellement gonflés, est tout sauf un mal, on ne peut s’empêcher de grincer des dents devant la belle occasion manquée que constitue le développement du personnage de momie égyptienne campé avec un charisme certain par Sofia Boutella. Clairement inspiré de la souveraine égyptienne Hatchepsout, qui régna officiellement en tant que co-régente — et officieusement en tant que pharaonne au même titre que son neveu Thoutmôsis III — de 1478 avant J.-C. à 1457 avant J.-C., Ahmanet en est une simplification assez embarrassante à tous points de vue. Si pour le réalisateur Alex Kurtzman — producteur des derniers Star Trek, dont il s’agit du deuxième long-métrage en tant que réalisateur après Des gens comme nous en 2012 — l’intention était que le spectateur ressente de la compassion pour ce personnage, sa présentation très schématique laisse à désirer. Pour rappel, Hatchepsout (qui a récemment inspiré le manga Reine d’Égypte) a longtemps été la favorite de son père lui succéder au trône, mais ce privilège revint finalement à son demi-frère, lui laissant le rôle d’épouse royale puisqu’elle dû épouser ce dernier, avant de finalement régner à la mort de son époux trois ans plus tard, puisque son héritier n’avait alors que deux ans. Elle est souvent considérée comme la première souveraine ayant marqué l’Histoire. Son règne d’une vingtaine d’années se déroula à priori sans heurts, hormis un conflit avec les prêtres d’Osiris, mécontents du manque de déférence de la reine envers leur dieu, et que les historiens suspectent d’être à l’origine du martèlement de son nom sur son tombeau et à différents endroits à sa mort, dans une tentative de l’effacer de l’Histoire.

image sofia boutella tom cruise la momie
© Universal Pictures France

Le parti pris du scénario de David Koepp (Inferno, Le monde perdu : Jurassic Park) et Christopher McQuarrie (Edge of Tomorrow, Usual Suspects) de simplifier à outrance cette figure assez complexe ayant en effet conservé une part de mystère passe mal car l’histoire et la personnalité d’Ahmanet sont réduites à la portion congrue au sein du film, en faisant une méchante dont on devine qu’elle pourrait recéler une certaine complexité, mais qui se trouve tout bonnement sacrifiée sur l’autel d’un rythme effréné. Ainsi, la princesse égyptienne n’accèdera jamais au trône mais pactisera avec le Diable… euh, pardon, le dieu Seth, justement connu pour avoir assassiné son frère Osiris. Après que son plan ait été contrecarré et qu’elle ait été momifiée vivante, elle reviendra bien entendu causer des dégâts dans le présent lorsque le héros incarné par Tom Cruise provoquera l’excavation accidentelle du temple où se trouve son tombeau. Malheureusement pour nous, son personnage, au-delà d’une ou deux répliques placées ici et là, ne sera pas développé outre mesure, malgré le potentiel évident que les scénaristes auraient pu trouver là. Cependant, le charisme de Sofia Boutella joue en sa faveur et permet en effet au spectateur de comprendre un tant soit peu cette momie particulièrement puissante et manipulatrice. Par ailleurs, si la vision des mythes et du Mal au sein de ces derniers reste au ras des pâquerettes, le rebondissement final de ce premier opus laisse espérer que les films suivants se serviront de cette base pour pousser un peu plus loin cette dimension mythologique, en apportant davantage de cohérence et de pertinence à l’ensemble. Il faudra donc attendre le prochain volet de la franchise, La fiancée de Frankenstein, qui devrait être réalisé par Bill Condon (La Belle et la Bête en live action) et sortir en février 2019, pour vérifier ce point.

Rythme frénétique et humour potache

image tom cruise annabelle willis la momie
© Universal Pictures France

Pour le reste, tout en restant un divertissement qui se laisse regarder agréablement et sans ennui, La Momie échoue à véritablement marquer les esprits. Les fans de Tom Cruise auront bien entendu l’occasion de l’admirer dans quelques cascades dont il a le secret, à commencer par la scène du crash aérien, réalisée à bord d’un avion en chute libre, ou encore d’admirer sa plastique toujours irréprochable le temps d’une scène où il se retrouve presque nu. La star, qui a joyeusement enchaîné les films d’action ces dernières années — le précédent étant Jack Reacher : Never Go Back — s’amuse de son image de héros séducteur et incarne un insouciant mercenaire, goujat sans être réellement salaud, ce qui donnera lieu à toute une série de blagues et de gags plus ou moins lourds, plus ou moins réussis d’un bout à l’autre. Le principal soucis avec cette dimension humoristique, c’est que les scénaristes semblent s’en servir pour se moquer de l’intrigue du film, contribuant à en donner une image simpliste en murmurant au spectateur : c’est l’histoire d’un type qui n’a pas rappelé son coup d’un soir et devra (re)conquérir son humanité en prouvant sa valeur à la belle et au monde entier. Ca fonctionne certes plus ou moins au premier degré, mais reste assez léger pour une problématique censée faire partir une franchise de la sorte sur de bons rails. Et ce malgré le charisme et le capital sympathie évident de Tom Cruise, qui en fait quand même un peu beaucoup par moments, bien qu’il semblerait presque sobre comparé au cabotinage frénétique de son side-kick Jake Johnson (Nocturnal Animals, Digging for Life). Leur duo sera bien entendu prétexte à une volée de sous-entendus homosexuels pas forcément très fins, qui devraient se poursuivre dans les prochains volets.

Un grand spectacle trop impersonnel

image jake johnson annabelle willis tom cruise
© Universal Pictures France

Côté action et fantastique, on pourra trouver certains mérites à quelques scènes-clés, comme la course-poursuite à travers Londres, divertissante et amusante, qui est sans doute la plus mémorable du lot, mais la sauce a du mal à prendre dans l’ensemble, en raison d’une réalisation peu inspirée, pour ne pas dire impersonnelle. La Momie est un film qui en fait beaucoup, voire trop, mais qui n’arrive que trop rarement à véritablement faire monter la tension ou aboutir à un résultat épique. La première scène d’action d’importance, en ouverture, présente ainsi des effets spéciaux assez gênants par leur manque de réalisme lors du bombardement aérien. Les choses s’améliorent avec l’excavation du tombeau d’Ahmanet, dont la transformation de momie rabougrie à monstre séduisant au regard hypnotique est bien rendue, sans compter que Sofia Boutella est tout à fait crédible en méchante, puisqu’elle sait insuffler la juste dose de menace dans son jeu. Mais, à l’exception de quelques plans, on retire assez peu de choses de ces scènes d’action une fois sortis de la salle, ce qui est bien dommage. On devra par ailleurs attendre que le Dr. Jekyll se retrouve au centre de l’attention du Dark Universe pour voir ce que cette nouvelle version du personnage, ici incarné par Russell Crowe (Robin des Bois), a dans le ventre. L’acteur australien semble ici assurer le minimum syndical, mais son personnage étant assez peu développé dans ce premier volet, on ne peut pas vraiment lui en tenir rigueur. Ce qui n’empêche pas de ressentir une véritable gêne devant sa seule et unique transformation en Mr. Hyde, qui tombe complètement à plat, autant à cause du scénario que d’effets visuels grossiers n’inspirant pas vraiment la crainte escomptée. On pourra toujours essayer de se convaincre en se disant qu’Universal rend peut-être ainsi hommage aux films de monstres originaux, dont le budget était autrement plus limité, mais si tel est le cas, ce parti pris n’est pas clairement affirmé et aurait mérité une approche un peu plus franche et imaginative. Et puis, si La Momie a coûté plus de deux fois moins cher qu’un Captain America : Civil War, son budget de 125 millions de dollars reste trop imposant pour jouer sur le côté « fauché » et artisanal des effets visuels, sachant que le film de 1932 avait coûté en tout et pour tout l’équivalent de 196 000 dollars actuels — une somme qui restait bien entendu colossale pour l’époque. Par ailleurs, le film de Kurtzman ne possède pas d’identité visuelle à proprement parler, et ses effets numériques souvent plats ne possèdent en rien le charme des Universal Monsters originels, ni celui des films des années 80 auxquels il fait des clins d’oeil parfois appuyés.

image tom cruise la momie
© Universal Pictures France

Vous l’aurez deviné, La Momie d’Universal mouture 2017 ne nous a pas vraiment galvanisés. Qu’il s’agisse de sa réalisation plan-plan en dépit d’un rythme frénétique ou de son scénario encore trop simpliste, le film d’Alex Kurtzman ne se révèle pas vraiment mémorable, tout en restant globalement divertissant et plaisant à regarder en tant que blockbuster estival. Malgré ces réserves, l’issue de ce premier opus du Dark Universe suscite suffisamment de curiosité pour avoir envie de voir comment le studio développera la franchise par la suite. Il y a là un véritable potentiel et l’on veut bien laisser le bénéfice du doute à la firme, malgré l’annonce du nom de Bill Condon, aimable artisan au service des studios, pour la réalisation du second opus. Après tout, Universal possède entre ses mains suffisamment de matière pour développer un peu plus en amont la dimension fantastique et mythologique de cette nouvelle saga cinématographique, après avoir joué la carte de la sécurité afin de brasser suffisamment large auprès du public. Il faudra alors faire preuve de de patience pour voir si le studio entendra la prière des cinéphiles…

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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