La première des grandes séries animées Disney
Alors que la plus appréciée des séries animées Disney a droit à un reboot diffusé depuis hier sur la chaîne Disney XD aux États-Unis (retrouvez notre critique de l’épisode 1), un retour sur l’oeuvre originale s’imposait. La Bande à Picsou (Duck Tales en V.O.) débarque ainsi sur les petits écrans dès 1987 en Amérique, pour le plus grand bonheur des amoureux de l’univers Disney. Développé par Jymn Magon, le dessin nous conte les aventures mouvementées de Picsou et ses neveux Riri, Fifi et Loulou, dont la garde lui a été confiée par Donald, qui doit partir travailler loin de Donaldville.
Les épisodes s’inspirent à la fois des bandes-dessinées de Carl Barks (qui a créé Picsou dans les années 40 et a dessiné des centaines de BD Donald de 1941 à 1968) et de Don Rosa, mais aussi de nombreuses légendes et chefs d’oeuvres du cinéma et de la littérature, auxquels la série rend un hommage malicieux. On retrouve d’ailleurs cet aspect référentiel dès le titre original des épisodes, ouvertement parodiques : « Duck in the Iron Mask » (« Le canard au masque de fer »), « Much Ado About Scrooge » (jeu de mots autour de la pièce Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare), « Dr. Jekyll & McDuck » ou encore « Duck to the Future » (jeu de mots autour de Retour vers le futur) en sont quelques exemples.
Au total, ce sont pas moins de 100 épisodes répartis sur 3 saisons qui seront produits par Walt Disney Television Animation. Le succès est tel qu’un film dérivé, La Bande à Picsou : Le trésor de la lampe perdue, voit le jour en 1990. Surtout, cette réussite permet à Disney de lancer une pleine poignée de séries animées dont on se souvient encore : Tic et Tac – Rangers du risque, Myster Mask, Super Baloo… En France, la série sera diffusée dans un premier temps dans l’émission Disney Channel de FR3, avant de rejoindre le Spécial Disney, puis le Disney Club sur TF1. Si vous êtes un enfant des années 80-90, il est donc plus que probable que vous ayez vu et revu la série entre 1988 et 1997. Les plus jeunes ont également pu la découvrir en 2009 sur Disneymagic et Canal + Family, ou bien à travers son édition partielle en DVD.
Une série qui n’a pas pris une ride, foi de canard !
Si, du haut de notre petite trentaine, il est facile de regretter cette époque bénie où les bons dessins animés se comptaient par dizaines, une question demeurait : La Bande à Picsou a-t-elle bien vieilli lorsqu’on la revoit aujourd’hui ? La réponse est définitivement oui. Tout en gardant une intrigue relativement simple (quoique parfois plus complexe en fonction des épisodes) et pleinement lisible, ainsi qu’une structure quasi-immuable d’un bout à l’autre, la série animée parvient à retrouver la magie des bandes-dessinées Disney riches en gags et en aventures fantastiques, tout en collant avec sa période de production.
Ainsi, Picsou et ses neveux, accompagnés de leur gouvernante Mamie Baba, mais aussi de Géo Trouvetout ou encore de Flagada Jones, font la rencontre d’extraterrestres (« Micro-canards »), de dinosaures (« Le monde perdu »), se frottent à une étrange malédiction (« La malédiction du manoir Picsou »), à un faux fantôme (« L’hôtel Strangeduck ») ou encore à des robots géants contrôlés par les frères Rapetou (« Les robots déchaînés »). Avec toujours, en fil rouge, l’opportunisme de Picsou, prêt à tout pour faire prospérer son empire, et son obsession de perdre son argent. Celui-ci, convoité par ses nombreux ennemis, que l’on retrouve au grand complet (Gripsou, Miss Tick, les Rapetou…), a ainsi une fâcheuse tendance à se volatiliser, avant de regagner son coffre en fin d’épisode.
L’humour de la série tourne d’ailleurs beaucoup autour de la relation que le richissime canard entretient avec l’argent, et les épisodes sont ponctués de répliques tordantes (qu’on imagine mal retrouver aujourd’hui dans un programme jeunesse) sur cette thématique : dans « L’argent, ça va ça vient », par exemple, Picsou propose à Riri, Fifi et Loulou de compter son argent avec lui, et leur souhaite bonne nuit en leur disant de ne pas « rêver de l’inflation ». Bien évidemment, on ne compte pas les innombrables scènes où le milliardaire à plumes nage dans son coffre-fort rempli de pièces d’or comme dans une piscine, faisant même quelques sauts du haut de son plongeoir.
Un Picsou plus tendre que dans les BD
La parodie du capitalisme n’empêche cependant pas la série animée de prôner des valeurs positives, en mettant la famille, l’intelligence et la générosité en avant. Picsou y est certes dépeint comme un homme d’affaires un peu avare sur les bords, mais le personnage est en définitive bien plus sentimental que dans les premières bandes-dessinées où il apparaissait dans les années 40, à tel point qu’il n’hésite pas à faire passer sa famille avant l’argent, et à se répéter qu’il peut repartir de zéro à chaque fois qu’il pense avoir perdu son immense fortune. A certains moments, on serait tentés de dire que le personnage est presque trop gentil, mais sa ruse inégalable pour faire du profit, ainsi que ses répliques hilarantes, font en sorte que Picsou reste bel et bien Picsou.
Par ailleurs, les intrigues sont très bien écrites, et bien mieux développées que de nombreux programmes jeunesse actuels. Tout en restant bon enfant, et assez intemporelles, elles évoquent clairement dans l’esprit les grandes aventures dessinées Disney telles que « Le fantôme de la grotte » et « Le mystère du vieux château » de Carl Barks, publiées en format comics en 1948 (et disponibles dans le tome 22 de la Dynastie Donald Duck), ou encore les BD de Don Rosa, dont certaines intrigues seront en partie reprises.
Chercheurs d’or et fantômes au menu des meilleurs épisodes
Parmi les meilleurs épisodes de la Bande à Picsou, « La ruée vers l’or » fait réapparaître le personnage de Goldie, le premier amour de Picsou, en profitant pour réécrire l’intrigue de la BD de Carl Barks « Retour au Klondike » (1953) : le personnage n’est plus une voleuse ayant trahi le futur milliardaire, mais une chanteuse de cabaret victime de la duperie des bandits du saloon au même titre que lui. Malgré ce retournement plus conventionnel, les retrouvailles entre les deux canards, au moment de la Saint-Valentin, seront très mouvementées : Goldie lâche son ours de compagnie, puis poursuit Picsou armée d’un fusil qu’elle manie fort bien. Si l’on ajoute à ça la dimension western de l’intrigue, qui nous replonge au temps des chercheurs d’or, on obtient un épisode qui n’a pas pris une ride.
Autre grand épisode, « L’hôtel Strangeduck » parodie quant à lui les histoires de maisons hantées, ou plutôt d’hôtels hantés, dans ce cas très précis, avec de petits clins d’oeil, à la fois au « Mystère du vieux château » de Carl Barks, mais aussi au court-métrage The Mad Doctor (1933) mettant en scène Mickey Mouse aux prises avec un scientifique fou et des squelettes animés dans son laboratoire rempli d’éprouvettes. Tout le brio de cet épisode, au déroulement proche d’une aventure de Scooby-Doo — avec un mystère à éclaircir — est de jouer sur le suspense de manière fort habile, en intégrant une dimension enquête façon Cluedo à l’intrigue, en plus de son atmosphère délicieusement fantastique, fortement inspirée des vieux films. L’excellente réalisation contribue à faire de cet épisode l’un des sommets de la série.
Des épisodes parodiant les classiques de la culture populaire
Il serait difficile de citer tous les autres épisodes notables, tant La bande à Picsou se montre globalement très inspirée, en dépit de quelques dessins un peu plus redondants. On remarquera cependant que les aventures animées du riche canard et ses neveux tendent à se diviser en deux catégories : celles tournant en premier lieu autour de l’univers de Picsou et sa fortune, et celles davantage inspirées de la culture populaire et parodiant plus ou moins directement des genres cinématographiques ou des oeuvres précises.
Dans la première catégorie, on trouvera par exemple « Bien mal acquis ne profite jamais », où Miss Tick tente de voler le sou fétiche de Picsou en donnant aux Rapetou l’apparence de Riri, Fifi et Loulou, tandis que dans la seconde, très féconde, on pourra notamment citer « Docteur Jekyll et Monsieur Picsou », une parodie de l’oeuvre de Robert Louis Stevenson, où Picsou, rendu fou par une potion, distribue son argent à tout va. A noter aussi que certains épisodes mettent à l’honneur certains personnages récurrents comme Géo Trouvetou, qui devient « Le chevalier Géo de Trouvetou » dans l’épisode éponyme, inspiré de la légende du roi Arthur. Dans cette aventure, l’inventeur maladroit impressionne tellement le royaume de Quackelot que Merlin lui-même le jalouse !
Si vous avez prévu de regarder le reboot de La bande à Picsou, au ton et au style résolument différents, nous ne pouvons donc que vous encourager à revoir la série originale, qui n’a pas pris une ride et étonne par sa qualité constante, aussi bien du point de vue de l’écriture que de son animation. Un moment de nostalgie qui vous fera replonger en enfance et vous donnera fortement envie de ressortir vos vieux numéros du Journal de Mickey, qui fait d’ailleurs l’objet d’une expo au Mini-World de Lyon.