Caractéristiques
- Titre : Bitch
- Réalisateur(s) : Marianna Palka
- Avec : Marianna Palka, Jason Ritter, Jaime King, Caroline Aaron, Eric Edelstein, Kingston Foster
- Genre : Drame
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 96 minutes
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Chienne de vie
Bitch. Derrière ce titre pour le moins clair et efficace, se cache l’une des société de production que les amateurs de cinéma de genre, voire carrément déviant ont appris à connaître. SpectreVision, fondé notamment par Elijah Wood, n’a peut-être pas produit que des films mémorables (The Boy nous a laissés sur notre faim), mais a au moins le mérite de prendre des risques. On se souvient encore du plutôt écœurant The Greasy Strangler, qui repoussait joyeusement les limites du mauvais goût. Cette fois-ci, voilà que la compagnie nous livre un film réalisé par une certaine Marianna Palka, que nous découvrons à l’occasion de L’Étrange Festival 2017.
Bitch s’intéresse à Jill, qui n’est pas ce que l’on pourrait appeler une femme épanouie. Son mari Bill la délaisse, ne pense qu’à son travail et la trompe sans le moindre scrupule, tandis que ses journées sont organisées autour de la gestion du quotidien de ses quatre enfants, qui s’éloignent de plus en plus. A bout, elle commence un beau jour à se comporter brusquement comme un chien. Son mari va alors devoir s’adapter à ce changement de situation, apprendre à s’occuper de ses enfants, mais aussi comprendre ce dont son épouse a besoin…
Satire autour du couple et des turpitudes de la vie de mère au foyer, Bitch s’appuie sur un point de départ absurde à souhait, dont la réalisatrice explore au maximum toutes les situations à même d’en découler. Le trait est volontairement grossi — le mari de Jill semble découvrir que sa belle-soeur est mariée depuis longtemps, et ignore le nom de l’école de ses enfants — et le ton souvent loufoque mais, au-delà de cette illustration assez frappante de la charge mentale pesant sur les femmes, où le mari volage et égocentrique est plus d’une fois tourné en ridicule, le film de Marianna Palka surprend surtout par ses ruptures de ton inattendues. Ainsi, une fois passé le périple (très drôle) du père de famille pour réussir à déposer ses enfants à l’école, Bitch se colore de scènes plus sérieuses, voire dramatiques. La performance de Jaime King dans le rôle de la soeur de Jill est pour beaucoup dans la crédibilité de ces scènes, puisque c’est elle qui saisit véritablement la gravité de la situation et vient mettre son beau-frère face à ses responsabilités.
Une intrigue burlesque au traitement inattendu
Dans son dernier acte, la farce familiale grotesque et cathartique prend ainsi des allures de thérapie de couple, où le mari accepte enfin de montrer ses faiblesses, reconnaître ses erreurs et apprend à communiquer avec sa femme — sous sa forme « sauvage ». Comme l’on peut s’en douter, l’humour est donc toujours présent, mais, au-delà du plaisir de voir Jason Ritter (le vrai mari de la réalisatrice) folâtrer à quatre pattes avec des chiens pour susciter une réaction chez son épouse, on sera agréablement surpris de voir une certaine émotion apparaître. Pas le genre d’émotion à tournebouler complètement le spectateur, mais suffisamment pour donner véritablement corps aux sentiments des personnages de ce drôle de film, assez inclassable en soi.
Devant la caméra, Marianna Palka ne craint à aucun moment de se ridiculiser et apparaît tour à tour pathétique lors de sa tentative de suicide ratée, drôle et inquiétante en chienne blessée et agressive recouverte d’excréments, et enfin émouvante. Central, le rôle de Jill reste relativement en retrait à l’image, permettant à la réalisatrice de se concentrer sur cette famille dysfonctionnelle, sur lequel elle pose un regard décalé et fantaisiste, à l’image de ces apparitions surréalistes d’un vrai toutou à l’écran, qui n’appartient pas aux personnages, mais campe devant chez eux en les couvant de son regard empli de tendresse. Parfois, personne ne remarque la brave bête, et lorsque tel est le cas, personne ne comprend vraiment ce qu’elle fait là… ou alors, ils ne s’en soucient pas ; tout un symbole, donc.
Présenté dès le premier jour de L’Étrange Festival 2017, Bitch apparaît donc comme une bonne surprise, drôle et délicieusement absurde, mais qui sait aussi faire preuve de davantage de sérieux et humaniser ses personnages volontairement très typés.