[Critique] L’Étrange Festival 2017 : Avant que nous ne disparaissions

Caractéristiques

  • Titre : Avant que nous ne disparaissions
  • Réalisateur(s) : Kiyoshi Kurosawa
  • Avec : Masami Nagasawa, Ryuhei Matsuda, Mahiro Takasugi, Yuri Tsunematsu...
  • Genre : Science-fiction
  • Pays : Japon
  • Durée : 2h09
  • Note du critique : 6/10

Après son expérience française étrangement ratée (Le secret de la chambre noire), Kiyoshi Kurosawa est de retour avec un film de science-fiction loufoque et métaphysique à la fois qui devrait lui permettre de regagner en partie les faveurs des amateurs de cinéma de genre pur et dur, qui ont pu se lasser, ces dernières années, de ses errements auteuristes pas toujours bien maîtrisés. Le point de départ d’Avant que nous disparaissions, tiré d’une pièce de théâtre parodiant la SF des années 50, a l’avantage d’être simple et efficace : des extraterrestres s’emparent de corps humains qu’ils occupent en tuant leurs hôtes façon L’invasion des profanateurs de sépulturesLeur but ? Envahir la Terre, pardi ! Pour cela, ils volent les concepts des hommes en rentrant directement dans leur psyché, laissant des être vides et désorganisés à mesure que ces visiteurs venus d’ailleurs s’humanisent. Comme ils ont besoin de guides au sein de la race humaine, ils jettent leur dévolu sur un journaliste désireux de réaliser le scoop du siècle et l’épouse de l’homme dont l’un d’eux occupe le corps…

Une farce SF autour de la notion d’humanité…

image film avant que nous disparaissions kiyoshi kurosawa

Avant que nous disparaissions s’ouvre sur une scène assez jubilatoire : nous suivons une sage lycéenne japonaise dans sa tenue d’écolière tandis qu’elle rentre chez elle, en tenant à la main un sac en plastique rempli d’eau contenant un poisson rouge. Quelques secondes plus tard, nous entendons des hurlements et découvrons tous les habitants de la maisonnée massacrés, à l’exception de la jeune fille, d’un étrangement calme, intriguée par l’épais sang visqueux qui recouvre sa main et ne lui appartient pas. Lorsqu’elle ressort, elle prend un malin plaisir à marcher au milieu de la route afin de provoquer des accidents rocambolesques, le tout sur une musique guillerette.

Ce retour à un ton plus léger chez le cinéaste fait plaisir, lui qui semblait se prendre un peu trop au sérieux dernièrement, et la suite de cette étrange invasion confirme plutôt cette bonne impression initiale. En propulsant ses deux principaux extraterrestres dans le corps d’adolescents japonais, Kiyoshi Kurosawa se permet des scènes comiques assez savoureuses, parsemées de répliques à tomber. La nonchalance des aliens, censés envahir la planète en trois jours seulement, est assez drôle en soi étant donné leur apparent manque d’organisation. Surtout, malgré la tendance de la pseudo-lycéenne à mitrailler en toute décontraction ceux qui se dressent en travers de son chemin, les envahisseurs ne sont pas présentés comme de grands méchants, plutôt comme une race désireuse de survivre et tentant pour cela de comprendre ce qu’est l’humanité à mesure qu’ils progressent. Pour l’un des trois extraterrestres, cette humanisation sera d’ailleurs plus profonde que les autres, et donnera lieu à des scènes touchantes autour de la nature de l’amour, qu’il tente de cerner.

… et une réflexion plus sensible sur notre condition


Cette réflexion sur ce qui définit notre humanité n’est bien sûr pas nouvelle dans le cinéma de genre, mais la fantaisie tour à tour burlesque ou plus sensible avec laquelle le cinéaste s’empare du sujet est véritablement intéressante, comme l’est sa représentation volontairement grotesque de l’instinct de vie qui nous pousse à nous battre même lorsque la fin est imminente. La confrontation à notre disparition, que ce soit par la mort ou simplement la désintégration de notre personnalité, de notre psyché, est centrale — et annoncée à travers le titre du film, donc — et Kiyoshi Kurosawa souligne toute l’absurdité de la condition humaine en équilibrant humour, romantisme et fatalité.

On regrettera malgré tout les longueurs qui diluent assez vite le rythme du film, mais aussi une partie de ses enjeux. Si les habitués pourront avoir le sentiment qu’Avant que nous disparaissions est bien dynamique contrairement aux dernières oeuvres du cinéaste, les autres pourront regretter ces longs tunnels remplis de dialogues ne possédant finalement qu’une importance toute relative pour la suite. Du coup, le spectateur pourra parfois avoir l’impression de devoir extraire le film au milieu de ces nombreux développements qui tendent à nous perdre momentanément. Ceci dit, malgré ce reproche, le dernier né de Kurosawa fourmille d’idées, aussi bien narratives que visuelles, qui emportent l’adhésion. Par ailleurs, l’enthousiasme qui se dégage de l’ensemble donne le sentiment qu’il a trouvé là une seconde jeunesse, et se soucie moins d’avoir quelque chose à prouver. Pour tout cela, ce film SF gentiment barré présenté dans le cadre de la compétition internationale de L’Étrange Festival 2017 après ses débuts cannois (dans la sélection Un Certain Regard) vaut le détour.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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