Caractéristiques
- Titre : The Family
- Réalisateur(s) : Rosie Jones
- Avec : Jordan Fraser-Trumble, Anne Hamilton-Byrne...
- Genre : Documentaire
- Pays : Australie
- Durée : 1h38
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Une secte quasi-inconnue en France
C’est une histoire terrifiante et assez incroyable que Rosie Jones nous raconte à travers The Family, documentaire à charge contre la secte fondée dans les années 60 par l’Australienne Anne Hamilton-Byrne, ancienne prof de yoga et gourou New Age marquée par une existence tragique et qui endoctrina adultes et enfants volés pour palier son manque de reconnaissance et assouvir sa mégalomanie. Une histoire quasi-inconnue en France, retracée ici avec beaucoup de force et présentée pour la première fois en France lors de cette 23e édition de L’Étrange Festival.
La Santiniketan Park Association, comme elle la nommait, prétendait ne prêcher que l’amour à des êtres d’exception, des fidèles sous influence, drogués au LSD durant des semaines, jusqu’à ce que, sous l’effet des hallucinations, ils reconnaissent cette femme charismatique comme étant la réincarnation de Jésus Christ. Un traitement inhumain qui fut également infligé à pas moins de 28 enfants, parfois nés au sein du culte et « donnés » par leurs parents à Hamilton-Byrne après que celle-ci les aient convaincus qu’ils n’étaient pas aptes à s’en occuper, et tout simplement volés dans d’autres cas ; des crimes couverts par des faux papiers d’adoption remplis par son avocat.
Une enquête à charge accablante
The Family revient sur l’histoire de la secte et l’enquête à charge qui fut menée contre son leader et son second mari de 1987 à 1993, date à laquelle ils furent extradés en Australie pour ne recevoir, pour seul « blâme », qu’une peine de 5000 dollars d’amende, leur laissant toute latitude pour continuer leurs sévices avec les quelques membres demeurés fidèles au cours de ce procès très médiatisé. Rosie Jones a utilisé de nombreuses images d’archives, mais a également pu recueillir les témoignages des anciens membres de la secte, dont des enfants qui ont réussi à s’en sortir par la suite, ainsi que celui du policier en charge de l’enquête, marqué à vie par cette affaire qui tourna pour lui à l’obsession.
Le résultat est accablant pour Anne Hamilton-Byrne, mais également pour la justice, qui n’a pas vraiment été rendue au final, puisque la seule charge retenue contre la mystificatrice fut la falsification de papiers d’adoption de jumeaux. La réalisatrice entend démonter le long et insidieux processus d’emprise exercé par le culte sur ces enfants à l’histoire volée, qui durent par la suite reconquérir leur identité saccagée. Car les crimes du gourou ne se bornaient pas au vol d’enfants ni à l’administration de drogues hallucinogènes : elle donnait son amour d’une main pour mieux le reprendre de l’autre, n’hésitant pas à faire battre les enfants qui n’étaient pas suffisamment dociles, à les affamer ou à les séquestrer dans leur chambre.
Poussés à ravaler le moindre élan de rébellion, il n’était alors pas rare que ces derniers retournent la violence contre eux (il y eut plusieurs suicides à l’extérieur) ou contre des animaux domestiques. Sur ce point, la démonstration est aussi puissante que pertinente, et Rosie Jones parvient à trouver la bonne distance, notamment lors des entretiens, pour ne pas sombrer dans la complaisance. Il est évident qu’elle a réussi à créer une relation de confiance avec ses témoins, et elle ne trahit celle-ci à aucun moment, coupant au bon moment lorsque l’émotion devient trop intense de leur côté.
Le seul reproche que l’on pourrait adresser au documentaire serait sans doute sa forme un poil trop conventionnelle, voire télévisée, alternant images d’archives, entretiens exclusifs et reconstitution classique, le tout commenté par une voix-off. On remarquera également que le film se contente de résumer dans les grandes lignes les « enseignements » de la Santiniketan Park Association, dont on sait seulement qu’il contenait un mélange de spiritualité chrétienne, orientale et New Age, le tout parsemé de références apocalyptiques. Cela ne retire cependant en rien son intérêt à The Family, ne serait-ce que par le regard sans concession qu’il porte sur la personnalité aussi complexe que perverse d’Anne Hamilton-Byrne, et l’emprise qu’elle exerça sur ces enfants. Pour aller plus loin, on pourra se tourner vers l’essai du même nom que la réalisatrice a co-écrit avec le journaliste d’investigation Chris Johnson.