[Critique] Le fils du pendu – Frank Borzage

Caractéristiques

  • Titre original : Moonrise
  • Réalisateur(s) : Frank Borzage
  • Avec : Dane Clark, Gail Russiell, Ethel Barrymore, Allyn Joslyn, Rex Ingram, Harry Morgan
  • Distributeur : Artus Films (DVD)
  • Genre : Film noir
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 86 minutes
  • Date de sortie : 5 novembre 1948 (Etats-Unis)
  • Note du critique : 7/10

Et la corde le guette

image film le fils du pendu

Si un genre était à la mode en 1948, c’est bien le film noir, et ce même si ce millésime n’est pas des plus remarquables côté qualité. Du moins, c’est ce que l’Histoire du cinéma semble nous raconter, mais un cinéphile aguerri sait qu’il suffit de gratter ce genre d’idée reçue pour démontrer le contraire. Si nous ne nous lancerons pas dans un travail d’archéologue, par pour le moment en tout cas, on doit bien constater que le film ici abordé, Le fils du pendu, édité en DVD chez Artus Films (L’étrange Mr Slade, Les 5 Survivants), est du genre à rappeler que le septième art regorge de bons films oubliés.

En butte, dès l’enfance, aux sarcasmes de ses camarades parce que son père a jadis été condamné à la pendaison, Danny Hawkins cause la mort de son rival amoureux au cours d’une rixe. Redoutant de finir comme son père s’il se dénonce, Danny cache le corps et tente de passer à travers les mailles du filet de l’enquête qui se resserre autour de lui.

Le fils du pendu, c’est d’abord l’œuvre de Frank Borzage, un réalisateur dont le talent n’a pas toujours été soutenu par la qualité de production de ses films. Des choix de carrière parfois un peu étranges, d’ailleurs celui qui accompagne ce long métrage est pour le moins courageux, tant l’ambiance du studio Republic, alors en bout de course, n’était pas des plus joviales. Pourtant, les premières secondes nous rassurent de fort belle manière : on a des mouvements de caméra osés, et un style expressionniste très marqué. La pendaison du père, toute en jeu d’ombres, se révèle percutante, assez pour que son écho suive Danny, le personnage principal, tout du long. C’était là un des objectif à atteindre obligatoirement, et le réalisateur réussit son coup avec grand talent.

Réalisation, photographie, casting : du solide

L’autre grande satisfaction, elle est au crédit du directeur de la photographie, un certain John L. Russell. Si ce dernier a principalement éclairé des séries, dont certains épisodes d’Alfred Hitchcock Présente, son talent a plusieurs fois contribué au succès de certaines œuvres bien connues. Si on vous dit Psychose ? Tout de suite, ça en impose. Mais pas seulement, puisqu’il est aussi crédité chez Samuel Fuller (Violences à Park Row). Seulement, qui analyse attentivement sa filmographie se rendra compte que ce technicien, très doué, n’a peut-être pas su se dépêtrer de la série B, voire Z, dans laquelle il a beaucoup exercé. Pas que ce soit dommage, ce type de production a besoin de bons artisans, mais son travail sur Le fils du pendu est si impressionnant, surtout dans la première partie, que l’on ne peut que se demander ce que l’artiste aurait pu donner s’il avait plus souvent vu les hautes sphères.

Le fils du pendu, c’est aussi un scénario pas banal. Plaidoyer contre la peine de mort et le harcèlement, une pratique qui ne date pas d’hier comme on peut le constater, ce long métrage délivre un message aussi intéressant qu’il peut, sur la fin, être un peu maladroit. Tout le sel du film consiste à construire une sorte de malédiction, qui suit Danny comme son ombre. C’est ici que l’œuvre gagne en puissance, en force noire, grâce à une sorte de jugement omniscient constant. Tout cela est voué à se retourner contre la société qui a construit ce genre d’atmosphère mortifère, notamment grâce à l’intervention d’une histoire d’amour. Celle-ci ne ralentit pas le long métrage, et l’on reconnaît le talent de Frank Borzage dans la mise en scène du mélodrame. Surtout, elle sait se faire symbolique, et le réalisateur l’utilise pour imposer des situations très signifiantes, comme celle de la grande roue, qui créée une véritable impression de vertige tandis que le personnage sombre dans la paranoïa. Seul le final semble assez raté, avec une ambiance étrangement guillerette, et pas spécialement justifiée par les événements. Dommage.

Pour bien transmettre les émotions, il fallait un casting solide, et soyez rassurés : c’est le cas. Sans grands noms ronflants, Le fils du pendu est habité par des regards qui croient en ce qu’ils voient, ce qui fait toute la différence. Et pourtant, on avait un peu peur, notamment de Dane Clark, lequel incarne Danny, pas toujours bon dans ce qu’on a vu de lui (comme Convoi vers la Russie). Ici, il réussit à prendre une posture très à-propos, rendant parfaitement tout le poids de son héritage sur ses épaules. Quant à la magnifique (et malheureusement décédée trop tôt, à 36 ans, d’alcoolisme chronique) Gail Russell, elle parvient à imprimer la pellicule de toute sa vulnérabilité. Voilà qui termine de faire de ce film une découverte que tout cinéphile devrait tenter.

Retrouvez aussi le test DVD de l’œuvre, éditée par Artus Films.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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