Caractéristiques
- Titre : Bienvenue à Marwen
- Titre original : Welcome to Marwen
- Réalisateur(s) : Robert Zemeckis
- Avec : Steve Carell, Leslie Mann, Janelle Monae, Eiza Gonzalez, Leslie Zemeckis, Merritt Wever...
- Distributeur : Universal Pictures France
- Genre : Comédie dramatique
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h56
- Date de sortie : 2 janvier 2019
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Zemeckis revient à la motion capture et nous bluffe
Après le très mauvais Alliés, Robert Zemeckis nous revient en pleine forme avec Bienvenue à Marwen, pour lequel il dirige pour la première fois Steve Carell. Après s’être imposé comme l’un des pionniers de la motion capture avec sa trilogie Le train du Pôle Express, Beowulf et Le drôle de Noël de Scrooge (des films au succès public et critique malheureusement mitigé), le cinéaste s’attache ici à mêler motion capture et prises de vue réelles avec une maestria qui laisse pantois. Car en s’inspirant de la vie et l’oeuvre du photographe Mark Hongamcamp (que beaucoup ont découvert à travers le documentaire Marwencoll en 2010), il ne pouvait passer à côté de personnages fort compliqués à animer sur le papier : des poupées mannequins en plastique.
En effet, après avoir été victime d’une grave agression qui l’a laissé traumatisé et totalement amnésique, Hongamcamp, qui était jusque là dessinateur de comics, s’est tourné vers la photo en construisant dans son jardin un monde peuplé de nombreuses poupées situé dans la Belgique de la Seconde Guerre Mondiale. Lui-même se projette dans la seule poupée masculine de cet univers, tandis que les poupées féminines sont toutes inspirées de femmes de sa vie. Pour transcender sa douleur, il invente ainsi à ces personnages de plastique toute une vie et de nombreuses péripéties qu’il photographie avec son appareil. Ainsi, dans Bienvenue à Marwen, les poupées ont toutes le visage des acteurs du film, qui ont enregistré leurs scènes en motion capture avant d’être modélisés en poupées. Si Toy Story 3 — qui mettait notamment en scène Ken et Barbie, mais ne reposait pas sur ce procédé — est passé par là en 2010, adopter le principe de la motion capture pour des scènes d’action et de guerre se devant d’être du plus grand réalisme possible était une toute autre paire de manches. Le résultat, bluffant, nous scotche dès les premières minutes, d’autant plus que Zemeckis sait parfaitement employer l’humour au bon moment et jouer de la maniabilité de ces poupées.
Une allégorie autour du traumatisme et de la résilience d’une belle force émotionnelle
Reçu de manière mitigée aux Etats-Unis en raison de son ton singulier, Bienvenue à Marwen tire pourtant toute sa force de cette oscillation permanente entre rire, fantaisie et drame. Souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique aigu qui l’oblige à prendre des médicaments (plus que de raison) pour anesthésier sa détresse, Mark a imaginé une poupée sorcière aux cheveux bleus (Diane Kruger), symbole de son mal et de sa dépendance, qui poursuit son alter-ego de ses assiduités et gâche toujours sa vie amoureuse lorsque tout semble aller pour le mieux. En jouant en permanence sur les deux tableaux — les affects de Mark, qu’il a du mal à exprimer dans la vraie vie, se retrouvent dans le monde de Marwen de manière plus ou moins décalée — entre fantasme et réalité, Zemeckis donne un impact émotionnel fort à son histoire, même dans ses moments les plus burlesques.
Fétichiste, Mark apprécie de porter des talons aiguilles afin de se sentir plus proche de la puissance sexuelle des femmes qu’il aime tant (c’est d’ailleurs la raison derrière son agression), et son alter-ego de plastique, Hoggie, se réfère à ces jolies demoiselles comme étant des « babes », ou poulettes en français. Pourtant, si certaines voix se sont élevées pour regretter cette approche du personnage « pas assez féministe », le personnage de Mark joue avec ses poupées avec la candeur d’un enfant ; il s’agit d’ailleurs des seuls moments où il réussit à échapper à sa souffrance en la transcendant. La violence fictive devient exutoire et sa poupée tue ainsi des nazis (qui reviennent inlassablement) à tour de bras tandis que ses amies pansent (littéralement et au figuré) ses plaies. Cependant, lorsqu’une nouvelle charmante voisine arrive (Leslie Mann), Mark est intrigué mais se renferme sur lui, et nous comprenons que le monde de Marwen, tout en l’aidant, le maintient aussi dans son monde. Ou plutôt, la vilaine sorcière fait en sorte que son rapport avec l’extérieur soit limité. Mais Nicol va chambouler sa vie, et les frontières entre les deux mondes se feront de plus en plus poreuses.
Bienvenue à Marwen est donc, au-delà d’un clair rêve de gosse — Zemeckis n’avait encore jamais animé de poupées — une très belle œuvre autour de la résilience et une ode au pouvoir de l’art, de l’imagination et de l’amitié. Hilarant par moments, et bouleversant à en coller des frissons à d’autres, le nouveau Zemeckis signe le grand retour du cinéaste, et offre à Steve Carell, toujours aussi drôle et touchant, un rôle en or, qui ne serait pas sans rappeler une version plus tragique (sans le côté mégalo, égocentrique et raciste) de son personnage déjanté de The Office. L’un des meilleurs films de 2019, déjà ?