article coup de coeur

[Critique] High As Hope : Florence + the Machine enfin en paix ?

Caractéristiques

  • Maison de disque/label : Barclay
  • Date de sortie : 28 juin 2018
  • Format utilisé pour la critique : digital (m4a, iTunes)
  • Autres formats disponibles : CD, vinyle, streaming
  • Site officiel de l'artiste : https://florenceandthemachine.net/
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10

L’album le plus épuré de la carrière de Florence Welch

2018 aura été une année-pivot pour Florence + the Machine : non seulement elle aura publié son premier livre de paroles et poésie (Useless Magic), mais elle nous nous aura surtout livré avec son 4e album High As Hope la collection de morceaux la plus épurée de sa carrière, parsemée de pépites à la puissance imparable. Après How Big, How Blue, How Beautiful, à travers lequel elle se remettait d’une rupture et d’années de consommation excessive d’alcool, la voilà qui se tourne enfin vers l’espoir et la résilience. Quelque chose a changé chez Florence Welch, et cela se ressent dès les premières notes de « June », qui ouvre High As Hope : après un long silence, la voix posée de la chanteuse résonne sur une simple ligne de guitare en arrière-plan. La rage, l’euphorie à tout crin qui lui ont fait composer quelques hymnes parfaits pour les stades (“Spectrum”, “Dog Days are Over”…) semble loin, de même que les arrangements (parfois trop) emphatiques. Même lorsque les choeurs arrivent dans la seconde moitié du morceau, ceux-ci ne sont jamais démonstratifs et restent discrets.

image florence welch avec un chignon à son bureau photo shoot high as hope

Si cette évolution avait été prudemment amorcée sur son précédent disque, cette fois-ci, Florence semble avoir compris que, souvent, less is more. Mais cela va au-delà des arrangements : le changement se retrouve aussi dans sa voix, qui semble ici libérée d’un fardeau. Comme si à 32 ans, après 4 albums et 3 tournées mondiales, Florence Welch avait lâché prise sur une souffrance sous-jacente à son œuvre. Si la mélancolie n’est pas pour autant absente de High As Hope, on a l’impression de découvrir une artiste apaisée ici, qui ne cherche plus à se dissimuler derrière des démonstrations vocales ou des arrangements à faire trembler la terre. Même si on aime bien entendu également Florence + the Machine pour la nature résolument exaltée de sa chanteuse, force est de reconnaître que par moments, notamment sur Ceremonials, son second album en 2011 après Lungs, les montées en puissance vocales et instrumentales trop rapides pouvaient donner une impression d’indigestion.


Ainsi, si la version acoustique de « Shake It Out » était bouleversante de simplicité, la version retenue pour l’album pouvait sembler assez indigeste par sa volonté d’en rajouter toujours plus dans le côté grand messe. Idem pour des titres pourtant absolument pas honteux tels que «No Light, No Light » ou « Heartlines ». Il y a toujours eu chez l’artiste une volonté de transcender la douleur pour célébrer nos faiblesses dans ce qu’elles ont de plus humain — ce qui rend son œuvre particulièrement touchante et lui garantit la fidélité de ses fans — mais cette nature excessive donnait parfois l’impression qu’en montant le volume, l’artiste espérait oublier sa souffrance. Après un titre comme « Various Storms and Saints » sur How Big..., chanson de rupture posée et douloureusement honnête, Florence Welch met cette fois-ci en sourdine ses paroles allégoriques pour des textes davantage frontaux, à l’image du single « Hunger », dans lequel elle parle du manque viscéral qu’elle ressent, et qui s’est caractérisé à l’adolescence par de l’anorexie — chose dont elle avait toujours refusé de parler jusque-là à ses proches, selon ses dires.

L’artiste lâche prise et gagne en puissance


« South London Forever », le troisième titre, semble répondre à « If Only for a Night » de Ceremonials : elle y parle de ses années d’étudiante en art insouciante, à faire la fête et boire en plein Londres avec ses amis. Mais là où « If Only… » (l’un de ses meilleurs morceaux) semblait se tourner vers une puissance supérieure pour retrouver ce temps béni, « ne serait-ce que le temps d’une nuit », ici, elle semble en paix et revit de manière paisible cette époque, bien qu’une pointe de mélancolie reste présente en fond. « Do I have to let it go ? », s’interroge-t-elle, une question à laquelle elle semble répondre par la positive quelques titres plus loin avec « The End of Love », l’une des deux grandes pépites de cet album, sur un amour manqué source de regret, incompréhension et souffrance. Pleine d’acceptation, elle semble visualiser cette histoire avec amour pour mieux la laisser « glisser » sur elle (« wash away »), le tout sur une instrumentation parmi la plus épurée de toute sa discographie, avec une montée d’autant plus puissante qu’elle reste simple et ne semble jamais forcée. Frissons.

Autre grand moment de High As Hope, « Big God », qui est le seul sur lequel l’artiste laisse éclater sa colère… en la retenant jusqu’à une éruption gutturale très katebushienne. Un homme décide de « ghoster » Florence, et elle s’interroge sur son amour pour cette personne qui s’impose à son esprit à chaque instant par son silence, un peu comme un Dieu. « Il te faut un Grand Dieu, suffisamment grand pour contenir ton amour, il te faut un Grand Dieu, suffisamment pour te remplir » (traduction), chante-t-elle. Gérant les baisses de rythme et les silences avec une rare maîtrise avant une montée en puissance contenue, Florence Welch signe là encore un morceau puissant, viscéral, qui fait l’effet d’un uppercut sans jamais en donner l’air. Au rayon des très bons morceaux, on retrouve ensuite « Sky Full of Song », ode au plaisir de la scène étonnamment aérien qui devrait également rester parmi les meilleurs exemples de son répertoire, tandis que « Grace » (en hommage à sa sœur, qu’elle a parfois « martyrisée ») et « Patricia » (en hommage à Patti Smith) se révèlent fort sympathiques sans pour autant être transcendants.

Si on ne retiendra pas forcément « 100 Years », trop réminiscent d’anciens titres, High As Hope se conclut de manière idéale avec « No Choir », ode au bonheur tranquille qu’elle semble enfin accepter. Ironiquement, on l’entend chanter (traduction ci-après) « Et il n’y aura pas de grand choeur pour chanter, aucun refrain n’éclatera, ni aucun ballet ne sera composé, tout ça sera entièrement oublié/(…) Les choses sont tellement instables mais au moins pendant un moment aurons-nous été capables de nous tenir immobiles ». Aucuns mots ne sauraient mieux résumer que ces quelques paroles la singularité et la beauté de ce nouvel album décidément très fréquentable.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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