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[Critique] Toy Story 4 : Vers l’infini et au-delà ?

Caractéristiques

  • Titre : Toy Story 4
  • Réalisateur(s) : Josh Cooley
  • Avec : (les voix Frances de) Richard Darbois, Jean-Philippe Puymartin, Audrey Fleurot, Pierre Niney, Jamel Debbouze, Frank Gastambide...
  • Distributeur : The Walt Disney Company France
  • Genre : Animation, Famille, Aventure
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h40
  • Date de sortie : 26 juin 2019
  • Note du critique : 5/10

Une suite justifiée à Toy Story 3 ?

Toy Story 4 est un film que l’on attendait autant que l’on redoutait. Après trois films d’une rare perfection — notamment un Toy Story 3 qui atteignait des sommets de rire et d’émotion — l’utilité d’une suite se posait. Après tout, le 3 bouclait admirablement la boucle lorsque Andy, le propriétaire des jouets, partait à l’université et léguait Buzz, Woody et leurs amis à la petite Bonnie.


En rajoutant un opus, ne risquait-on pas de tomber dans l’intrigue prétexte ou, tout simplement, de répéter une formule éprouvée ? Pixar avait-il encore vraiment quelque chose à nous raconter sur l’univers des jouets et, à travers eux, sur notre part d’enfance ? Toutes ces questions se bousculaient lorsque nous sommes entrés dans la salle de projection et, pourtant, nous avions également hâte à la perspective de retrouver ces personnages, un peu comme des amis de longue date que nous n’aurions pas vus depuis longtemps.

Le résultat, malheureusement, a confirmé nos craintes. Alors certes, Toy Story 4  n’est pas un mauvais film, loin s’en faut. Le moins bon des Pixar restera toujours supérieur à bien des œuvres qui alimentent nos salles à intervalle régulier. Néanmoins, on ne peut pas passer outre le fait que ce quatrième volet — le moins bon de la saga — était loin d’être nécessaire.

Un fil rouge mal exploité

image fourchette woody dans toy story 4 pixar

Pourtant, Toy Story 4 ne manque pas de bonnes idées. Le problème ? Il ne les exploite pas vraiment, trop occupé à enchaîner les péripéties à un rythme qui se veut trépident, mais qui ne fait que masquer le fait que le tout manque de cohésion. Chose d’autant plus regrettable — voire incompréhensible — quand on sait qu’il y a, malgré tout, un fil rouge reliant les histoires des différents personnages centraux.

Ainsi, Woody se sent inutile car la petite Bonnie préfère jouer avec Jessie, son alter ego féminin, Fourchette (le nouveau venu, fabriqué par la petite fille) se prend pour un déchet, Bo la bergère a monté un groupe avec les jouets perdus et Gaby Gaby, la poupée vintage défectueuse, rêve de connaître le bonheur qu’un enfant joue avec elle, tandis que les deux peluches attachées ensemble par la paluche souhaitent également connaître cette joie. Le sort des jouets abandonnés, usagés ou délaissés est ainsi clairement au centre du film… Sur le papier du moins.

Car ce qui aurait dû faire la sève et le moteur du film se voit devancé ici par un enchaînement de péripéties centrées autour d’un unique objectif : retrouver Fourchette. Alors certes, en 1995, Woody s’élançait à la poursuite de Buzz et s’efforçait de le convaincre qu’il n’était pas un astronaute mais un jouet, et le résultat était merveilleux. Malheureusement, ce qui marchait dans Toy Story premier du nom, et que l’équipe Pixar tente de reproduire ici — Woody tente de convaincre Fourchette qu’il n’est pas un déchet — ne fonctionne pas en raison d’une structure déséquilibrée, qui multiplie les pistes et les idées en allant rarement jusqu’au bout.

Une structure déséquilibrée qui enchaîne les pistes

image bunny ducky woody et buzz l'éclair dans toy story 4

Pourtant, tout commençait plutôt très bien avec une ouverture alliant action et émotion. A la faveur d’un flashback préparant le retour de Bo la bergère, nous voyions le sauvetage de la voiture télécommandée d’Andy par Woody et ses adieux déchirants avec la jolie lampe, destinée à changer de propriétaire. Découpage, suspense, intensité des émotions, et raccord sur le présent, qui permet de faire un lien direct avec la dernière scène de Toy Story 3 : tout était au diapason pour nous faire passer un superbe moment.

Malheureusement, à partir de là, on a un peu l’impression que le film ne sait pas vraiment où aller, car les fausses pistes se multiplient, rendant la structure très brouillonne. De prime abord, le film de Josh Cooley se concentre longuement sur la petite Bonnie et son entrée à la maternelle. Nous pensons alors que Toy Story 4 explorera le lien des jouets avec leur nouvelle propriétaire, beaucoup plus jeune qu’Andy au moment du premier film de John Lasseter en 1995. Sauf que, en réalité, le personnage ne semble être là que pour créer Fourchette (ou presque) : elle disparaît ainsi plus ou moins du métrage (à l’exception de quelques courtes apparitions) au bout de 20 minutes.

Des personnages étrangement sacrifiés

image woody et fourchette marchent au bord de la route dans toy story 4

L’apparition du personnage doublé dans la VF par le comédien Pierre Niney est intéressante : alors que Woody, Buzz, Jessie, Monsieur Patate, Rex ou Monsieur Cochon sont d’authentiques jouets, ce drôle de protagoniste est en réalité une fourchette en plastique usagée que Bonnie a transformé en jouet en la customisant avec des yeux, une bouche, des bras et des pieds. Doté de vie grâce à l’attachement que lui voue la fillette, il n’en demeure pas moins, dans son esprit, un simple déchet appartenant à la poubelle. D’où un running gag assez rigolo au début, et un peu lassant sur la fin du premier acte.

Le problème majeur concernant ce nouveau personnage, c’est qu’il est très vite sacrifié, narrativement parlant, alors que l’intrigue tourne tout entière autour de son sauvetage. Devenu le confident d’une inquiétante poupée, il se contente de lui donner la réplique, sans jamais avoir de moment de bravoure. En réalité, son développement s’arrête à la fin du premier acte, là où celui de Buzz continuait d’évoluer jusqu’à la fin de Toy Story.

On pourrait d’ailleurs en dire autant de la plupart de nos héros préférés : hormis Woody, qui reste la figure centrale ici, Buzz l’Eclair, Rex, Monsieur et Madame Patate, ainsi que Bayonne sont quasiment absents. Si Buzz se détache malgré tout du groupe avec un excellent running gag digne, pour une fois, des critères d’excellence de la saga Pixar, on regrettera qu’il n’ait pas réellement d’utilité au sein de l’action.

Oui, les jouets en tant que groupe prêteront main forte au cowboy lors de la conclusion, mais leur participation demeure à bien des égards anecdotique, y compris celle de Jessie, nouveau jouet préféré de Bonnie.

Bo, de bergère à guerrière

image woody et bo la bergère dans toy story 4

C’est alors que réapparaît Bo, la jolie lampe bergère, et on se dit, l’espace d’un instant, que Toy Story 4 va enfin prendre une direction claire. Le personnage, devenu une battante, pour ne pas dire une guerrière, est intéressant et son développement véritablement étoffé. Le fait qu’elle dirige un groupe retrouvant les jouets perdus pour leur permettre de jouer avec des enfants tout en gardant leur indépendance est intéressante et pose, là encore, la question du devenir des jouets une fois ceux-ci perdus ou abandonnés.

Ce point aurait mérité que l’on s’y attarde véritablement, ce qui  n’est pas le cas ici. A peine a-t-on le temps d’être intrigués par Bo et l’organisation de son groupe que tout ce petit monde se relance à la poursuite de Fourchette, piégé chez un antiquaire.

Passons sur la redite et le recyclage des éléments des trois premiers films (la garderie du 3 devient ici un antiquaire) : ce qui pose problème dans les deux derniers actes du métrage, c’est la suite quasi-ininterrompue de scènes d’action qui se veulent mémorables, mais paraissent trop souvent artificielles. Du sympathique cascadeur canadien Duke Kaboom (mais qui ne peut rivaliser avec Ken en termes de drôlerie) au duo de peluches farfelues, Pixar cède pour la première fois à la facilité, autant dans l’action que dans l’humour, et, si le résultat n’est pas catastrophique, le niveau d’écriture est bien en-deçà de ce à quoi le studio nous avait habitués.

De plus, le découpage et le montage ne sont pas toujours lisibles lors de ces scènes qui veulent nous en mettre plein la vue. On a beau essayer de se consoler avec les références cinéphiliques présentes, cela ne suffit pas à nous faire retrouver la jubilation des meilleurs moments de la saga.

Gaby-Gaby : la poupée qui sauve (presque) le film

image gaby gaby et pantins dans toy story 4

Malgré tout il y a aussi, heureusement, de très beaux moments : l’introduction de la poupée Gaby-Gaby et ses pantins vintage, qui évoque Shining, ainsi que de nombreuses scènes mettant en scène ce nouveau personnage féminin qui tient ici un rôle assez proche de celui de l’ours Lotso dans le 3.

Responsable des moments de frisson comme des plus grands moments d’émotion du film, Gaby-Gaby est une poupée à la boîte vocale défectueuse qui attend depuis des décennies qu’un enfant joue avec elle. Pour cela, elle serait prête à tout… La scène où elle s’entraîne à boire le thé en regardant la petite-fille de la propriétaire de la boutique constitue, rien qu’à elle, un trésor d’émotion que ne parviendra pas à égaler la conclusion de sa trame narrative. Idem pour son monologue face à Woody.

Car, et c’est un autre problème de Toy Story 4 : alors que l’émotion des précédents films découlait des situations, ici, à plusieurs reprises, Josh Cooley et les scénaristes cherchent à la pousser de manière quelque peu artificielle, surtout à la fin. Non seulement l’histoire de Woody sera bouclée en 2mn montre en main, mais celle de Gaby-Gaby est à l’origine d’un deus ex machina assez grossier dont le but avoué est de nous faire pleurer. Il n’y a donc pas la même pureté d’émotion que dans Toy Story 3 — ou même Toy Story 2 et son très beau flashback autour de Jessie sur une chanson de Sarah McLachlan. Cela est d’autant plus regrettable que le personnage de Gaby-Gaby reste le mieux exploité du film avec celui de la bergère.

Au final, Toy Story 4 de Josh Cooley reste un film tout à fait sympathique, qui remportera sans doute l’adhésion du public en raison de l’attachement que nous éprouvons pour les personnages. Néanmoins, c’est la première fois, au sein de la saga initiée par John Lasseter (ici seulement cité pour l’histoire originale, qui devait au départ être un prequel), que Pixar cède à la facilité et nous livre un film par moments assez décousu, lançant plus de pistes qu’il ne peut en suivre, et globalement déséquilibré. C’est d’autant plus dommage que le fil rouge sur le devenir des jouets était intéressant. Une petite déception donc, même si les quelques très belles scènes du film, ainsi que la qualité inégalée de l’animation, permettent malgré tout de passer un agréable moment.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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