Caractéristiques
- Titre : La Belle et le Clochard
- Titre original : Lady and the Tramp
- Réalisateur(s) : Charlie Bean
- Avec : Thomas Mann, Kiersey Clemons, Yvette Nicole Brown et les voix originales de Tessa Thompson, Justin Theroux, Janelle Monae, Benedict Wong...
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Genre : Famille
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h43
- Date de sortie : 7 avril 2020 sur Disney +
- Note du critique : 5/10 par 1 critique
Le premier film original de Disney +
Depuis 2015, Disney a pris l’habitude de recycler (ou revisiter, c’est selon), ses classiques à travers des versions live action destinées à réunir adultes nostalgiques et enfants dans les salles : Le livre de la jungle, Cendrillon, Peter et Elliott, La belle et la bête, Aladdin, Le Roi Lion… Il était donc somme toute logique que le géant américain décide de donner une nouvelle jeunesse à La Belle et le Clochard, son chef d’oeuvre de 1955.
Cependant, le studio a cette fois changé de stratégie en décidant de réserver cette adaptation à sa nouvelle plateforme de streaming Disney + plutôt qu’à une sortie en salles. Sorti en novembre dernier aux Etats-Unis, la version de Charlie Bean est arrivée ce mois-ci en France dans un relatif silence. Disney a beaucoup communiqué autour de l’arrivée de sa plateforme chez nous, mais finalement très peu autour de ce film, préférant mettre l’accent sur la nouvelle série dérivée de Star Wars, The Mandalorian. Si bien que l’on se demanderait presque s’il ne s’agit pas là d’une volonté de faire oublier un film en demi-teinte…
A la vision du long-métrage, cette hypothèse paraît plausible même si, disons-le tout de suite, La Belle et le Clochard 2019 n’est pas un ratage complet. Un constat s’impose malgré tout : à l’instar de La Belle et la Bête et d’Aladdin, on ne voit pas vraiment quel était l’intérêt (autre que purement financier) de produire un remake de la sorte.
La nostalgie d’une Amérique fantasmée
En effet, le film de Charlie Bean reprend la structure de l’oeuvre originale et la plupart des scènes-clés (dont le fameux dîner dans la cour du restaurant italien), tout en apportant ça et là quelques modifications pour s’inscrire dans l’air du temps et parler plus directement à la jeune génération.
Parmi ces modifications, on ne peut s’empêcher de remarquer que Disney, visiblement gêné à l’idée de reprendre la tonalité ouvertement nostalgique d’une oeuvre s’inscrivant dans l’Amérique du début du XXème siècle (pas vraiment progressiste), a décidé de faire un pas de côté en adoptant le parti pris de l’utopie pure et dure. Ainsi, l’intrigue se déroule à la même époque que l’original, mais au cœur d’un passé fantasmé : l’Amérique telle qu’elle aurait dû être et non telle qu’elle était aux environs de 1910.
Le couple Darling devient ainsi un couple mixte (Mrs Darling est afro-américaine) et la ville de banlieue assez chic dans laquelle ils vivent ne semble pas connaître la ségrégation. Cela n’a évidemment aucune importance pour l’histoire en elle-même qui ne se veut pas, de base, particulièrement réaliste ; et d’autant moins si l’on considère que l’original idéalisait clairement ce passé où tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Cela n’en reste pas moins, derrière ces intentions tout à fait louables, symptomatique des multiples précautions que prend aujourd’hui Disney avec ses anciens classiques par peur de choquer ou froisser la jeune génération, comme si le public n’était pas capable (et c’est malheureusement parfois le cas de certains) de prendre du recul par rapport aux représentations propres à une autre époque ou, ici, propres au contexte historique de l’époque à laquelle se déroule l’histoire. Sur Disney +, la plateforme indique ainsi, pour certains dessins animés, qu’ils peuvent contenir des « stéréotypes culturels » ou encore « des personnages qui fument ».
Des changements artificiels qui n’apportent pas grand chose
Ce qui est véritablement gênant, en revanche, c’est lorsque cette volonté de n’offusquer personne donne lieu à une absurdité comme remplacer une chanson aussi célèbre qu’inoffensive (celle des Siamois, en l’occurrence) par un nouveau numéro sans saveur ni aucune musicalité. Alors oui, dans le dessin animé, la mélodie avait des accents asiatiques, les chats étaient des siamois et on les voyait à un moment avec un chapeau chinois sur la tête et des baguettes entre les pattes pour essayer de dévorer le poisson… On peut trouver ça stéréotypé mais, aux yeux des millions d’enfants qui ont vu et revu le film, il n’y a là rien de bien méchant. Ce n’est en fin de compte qu’une fois qu’on réalise – bien plus tard – que le film est sorti en 1955 en pleine Guerre Froide que l’on se dit, effectivement, que le choix des studios dirigés alors par Walt Disney n’était sans doute pas innocent pour représenter ces deux drôles d’intrus qui s’immiscent dans un paisible foyer américain pour semer la pagaille…
Si une alternative intéressante avait été proposée aux spectateurs, nous n’en aurions probablement pas fait tout un foin. Malheureusement, il y a une constante dans ce remake : les nouveaux éléments (ou les scènes modifiées) n’apportent rien et ne sont souvent pas du meilleur effet. Au-delà de la scène des Siamois (qui devient plate et sans intérêt), on regrettera donc que les scénaristes se croient obligés d’expliquer la moindre blague à travers les dialogues – pourtant, aucune n’est potentiellement offensante ou difficile à comprendre – et que le personnage du Jack Russell (Jack dans l’original, Jacqueline ici), perde en caractère au profit d’un running gag pas forcément efficace sur les plus de 6 ans.
Après, si l’on va au-delà de cette réserve, cette nouvelle version se laisse malgré tout regarder et parviendra à attendrir et divertir la cible principale : les enfants. Parmi les points positifs, on saluera le parti pris, pour les scènes où les héros à quatre pattes ne parlent pas, de recourir à des animaux en chair et en os absolument craquants. Cela est rafraîchissant à notre époque du tout numérique et apporte une certaine qualité à l’ensemble.
Après, force est de reconnaître que la transition est parfois rude quand, le plan suivant, l’un des toutous (en version numérique cette fois-ci) se met à parler en ouvrant la gueule comme un humain : ce qui marche pour un dessin animé n’est pas toujours du meilleur effet dans un film photo-réaliste…
De manière générale, ce reboot de La Belle et le Clochard ne réinvente pas la roue, mais parvient malgré tout à revisiter son histoire de manière fluide et rythmée. Si les adultes regretteront que ce live action ne possède pas la même qualité émotionnelle que l’original, les enfants seront sans doute ravis et rêveront d’avoir un petit cocker spaniel comme Lady qui vienne dormir dans leur lit à l’issue du visionnage.