[Critique] Aya et la Sorcière : Un essai raté

Caractéristiques

  • Titre : Aya et la sorcière
  • Titre original : Earwig and the Witch
  • Réalisateur(s) : Gorō Miyazaki
  • Avec : Au casting de la version française, on retrouve Elina Solomon, Sylvia Bergé et Thierry Hancisse.
  • Distributeur : Wild Bunch Distribution/Netflix
  • Genre : Animation, Aventure, Fantastique
  • Pays : Japonais
  • Durée : 82 minutes
  • Date de sortie : 18 novembre 2021 sur Netflix
  • Note du critique : 4/10

Ghibli en doute

Le studio Ghibli est devenu au fil du temps et de ses œuvres légendaires (Princesse Mononoke, Le Château dans le Ciel, etc.), une marque de confiance, un label de qualité. La déception que l’on ressent en visionnant Aya et la Sorcière n’en est par conséquent que plus grande.

Certes, le métrage n’est en réalité qu’un téléfilm avec les limitations budgétaires qui vont avec, mais la pauvreté de la narration laisse à penser que Gorö Miyazaki n’a pas la même ferveur créatrice que son illustre paternel. En réalisant le premier métrage intégralement en images de synthèse du studio et en adaptant le livre pour enfants Aya et la Sorcière (Earwig and the Witch) de Diana Wynne Jones, il y avait pourtant matière à combler le manque de moyens par une belle histoire atypique.

Hélas, il n’en est rien et cela pour plusieurs raisons…

Une narration statique

Tout d’abord, l’intrigue d’Aya et la Sorcière se situe en Angleterre dans les années 90 et place les événements dans un registre plus contemporain qu’à l’accoutumée du studio. Une initiative qui aurait pu être intéressante si nous ne perdions pas aussitôt le charme intemporel des œuvres précédentes, sans parler des thématiques récurrentes comme l’écologie ou la fascination pour le merveilleux qui passent complètement à la trappe.

Mais le pire arrive lorsqu’au bout d’un certain temps, on s’aperçoit que la situation initiale du récit n’évolue quasiment jamais de tout le métrage. La petite Aya, fille de sorcière, se fait recueillir par une autre sorcière qui veut en faire son esclave alors que la petite fille (ou peste, ça marche aussi), cherche à contrôler les habitants de son nouveau foyer. Et durant 1 h10, c’est un peu comme si vous aviez acheté un manoir et que vous restiez coincé dans le placard à balais. En un mot : la frustration est de mise.

Ultime audace mal placée : ce n’est que dans les dernières minutes que l’aventure semble enfin démarrer, avant que le générique de fin n’apparaisse. Si on hésitait encore à penser que ce téléfilm n’était qu’un amuse-bouche (peu digeste) à une série où d’autres opus, le doute n’est à présent plus permis.

Une réalisation indigne de Ghibli

Soyons clairs : si Aya et la Sorcière était réalisé par un obscur studio japonais, cela n’arrangerait pas ses qualités visuelles, mais on serait indulgent. Mais ici, c’est la marque Ghibli qui est apposée et Aya et la Sorcière remporte sans conteste la palme du dessin animé le plus laid de la firme.

Visuellement, l’univers s’avère plutôt coloré et agréable au début mais bien vite, on s’aperçoit que le niveau de détails apporté par la 3D, que ce soit au niveau de la plupart des personnages ou des décors, est risible. Cela est d’autant plus flagrant dans la maison de la sorcière, qui était riche en possibilités, mais qui s’avère très terne au final. Ajoutons à tout cela des animations rigides, ainsi qu’une mise en scène souvent peu inspirée, alternant plongées et plans fixes et vous comprendrez pourquoi l’indulgence est difficile dans le cas présent.

Mandrake et les autres

image thierry hancisse aya et la sorcière

Dans Aya et la Sorcière, un seul et unique personnage parvient à tirer son épingle du jeu : Mandrake, un démon surpuissant doté d’un caractère irascible qui cache un romancier raté. Plus drôle dans ses excès que le chat noir Thomas (pourtant clairement désigné dans le rôle), plus inquiétant que la sorcière quand il perd le contrôle, plus touchant quand il s’épanche et comble de tout, il est doté d’une animation plus aboutie que les autres. A croire que tout le budget est passé dans Mandrake…

La sorcière elle, ne parvient jamais à sortir de son registre de marâtre acariâtre et la petite Aya ne soulève guère d’empathie, tant la morale de l’histoire rappelle celle de l’enfant roi pourri gâté. Cependant, comme nous l’avons dit précédemment, si la qualité des personnages est inégale, aucun d’entre eux ne connaît une réelle évolution dans le récit.

Et le générique fit l’histoire…

A la fin d’Aya et la Sorcière, le réalisateur nous gratifie d’un générique aux dessins nettement plus beaux et traditionnels, typiques du studio, qui met en scène les protagonistes dans des situations qu’on aurait aimé voir au lieu de s’ennuyer ferme pendant plus d’une heure. A se demander si Gorö Miyazaki ne nous fait pas une blague de mauvais goût pour conclure un métrage extrêmement frustrant et décevant.

La 3D s’avère ratée, principalement à cause d’un budget qu’on imagine microscopique en comparaison de portages plus réussis comme celui de Lupin 3.

En l’état, il n’y a pas grand chose à sauver de Aya et la Sorcière, si ce n’est le personnage de Mandrake et un univers qui plaira presque systématiquement aux plus jeunes. C’est trop peu et indigne d’un studio d’animation aussi glorieux que Ghibli qu’on espère voir revenir en force prochainement avec le métrage Comment vivez-vous ? animé dessin par dessin par le maître Hayao Miyazaki lui-même.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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