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[Critique] The Power of the Dog : Un western intime et implacable

Caractéristiques

  • Titre : The Power of the Dog
  • Réalisateur(s) : Jane Campion
  • Scénariste(s) : Jane Campion, d'après le roman de Thomas Savage
  • Avec : Benedict Cumberbatch, Jesse Plemons, Kirsten Dunst, Kodi Smit-McPhee...
  • Distributeur : Netflix
  • Genre : Drame, Western
  • Pays : Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni
  • Durée : 2h06
  • Note du critique : 9/10

Jane Campion adapte le roman de Thomas Savage

Adapté du roman de Thomas Savage du même nom, publié en 1967 et oublié jusqu’à sa réédition en 2001, The Power of the Dog de Jane Campion mélange une ambiance de western dans le Montana des années 1920, quelques années avant le krach boursier de 1929, à celui d’un drame intime où notre perception des personnages et des rapports de force qui les unissent est appelée à changer.

Distribué par Netflix et superbement mis en image, The Power of the Dog est à la fois lent et intense et, comme souvent chez la cinéaste, cette tension permanente n’en rend les scènes où les personnages se révèlent véritablement que plus belles et marquantes. Ici, la figure centrale est celle de Phil Burbank, un cowboy rustre et viril qui exploite d’une main de fer un immense ranch dans le Montana en compagnie de son frère George, plus doux et sensible.

Lorsque ce dernier s’éprend de Rose, qui vit seule avec son fils, un jeune homme moqué pour sa sensibilité et son physique malingre et l’épouse, la tension est palpable. Phil ne se cache pas pour montrer à l’épouse de son frère, intimidée et perdue, qu’il ne l’apprécie pas. Une bascule va s’opérer lorsque son fils, Peter, vient les rejoindre durant ses vacances, Phil prenant progressivement le jeune homme sous son aile pour lui apprendre à devenir “un homme” après l’avoir rudoyé. La nature de chacun sera révélée de manière inattendue. Mais, dans ce monde encore sauvage de plus en plus guetté par le progrès, qui a véritablement raison et qui est le plus cruel ?

kodi smit-mcphee et benedict cumberbatch à cheval dans the power of the dog de jane campion

Une exploration troublante et intense des rapports de force et de la masculinité

The Power of the Dog continue d’explorer des thématiques chères à la cinéaste. Ici, elle se penche plus particulièrement sur la notion de masculinité, mais aussi sur la différence entre nature et culture, entre ce qui est “sauvage” ou “civilisé”. Avec la finesse dont elle sait si bien faire preuve, elle confronte les spectateurs à leurs propres conceptions, leurs propres biais à ce propos grâce à un astucieux pivot en milieu de métrage et à une fin ouvertement ambivalente, qui ne donne aucune réponse facile et laisse plutôt le soin à chacun de s’interroger.

Benedict Cumberbatch était un excellent choix pour le rôle de Phil Burbank : il alterne à merveille entre l’homme à poigne potentiellement violent couvert de boue et une sensibilité contenue qui affleure quand il baisse la garde. Jane Campion, en plus d’avoir réalisé des œuvres véritablement féministes, nous a également proposé au fil des ans une superbe galerie de personnages masculins loin des clichés, interrogeant les rapports entre les sexes, le désir et ce que signifie être un homme. Ici, malgré le personnage (touchant, puis un brin irritant) interprété par Kirsten Dunst, il est véritablement question d’hommes, où le plus cultivé est sans doute celui qui paraît le plus rustre et où la virilité est toujours teintée d’une nécessaire part de vulnérabilité, quand bien même celle-ci serait cachée, contenue. Le film prend également le risque de nous rendre de plus en plus ambivalents voire en partie irritants et antipathiques ceux-là mêmes auxquels nous nous étions identifiés pendant une heure pour nous montrer une autre perspective.

kirsten dunst dans the power of the dog de jane campion

Un film à la beauté terrible, cruel et ambivalent

Habité par les performances d’un casting 5 étoiles, The Power of the Dog est un film aussi beau et terrible que courageux, qui aurait peut-être pu déclencher une polémique de fond s’il n’était pas l’adaptation d’un roman américain des années 60 et s’il n’avait pas été réalisé par la grande cinéaste qu’est Jane Campion, qui a su créer de magnifiques portraits de femmes. Film de frontière où la nature, plus grande que tout, écrase les hommes de sa splendeur, le dernier film de la réalisatrice trouve un écho puissant à notre époque où deux conceptions (tradition et progrès) s’affrontent de manière dramatique. Sans jamais tomber dans la moralisation, elle nous interroge à la fois sur ce qui tient de la force et de la faiblesse, et sur ce qui aura mené les personnages à cette fin implacable. Le non-dit, comme une trace des restes d’un monde violent où il faut en imposer pour survivre ? L’instinct de survie, plus fort que tout, y compris chez ceux qui paraissent de prime abord plus “faibles” ? D’autoconservation contre ce qui nous bouleverse et nous dépasse ? Le désir de protection envers les siens ?

Ouvertement ambivalente, cette conclusion nous hante longtemps, tandis que les superbes images de Jane Campion (le troupeau dans le ranch, le ciel toujours aussi imposant, les plans contemplatifs et sensuels de Phil Burbank allongé dans la prairie et contemplant un papillon…) restent gravées dans notre mémoire.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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