[Critique] Prisoners of the Ghostland : Un OVNI Inclassable

Caractéristiques

  • Titre : Prisoners of the Ghostland
  • Réalisateur(s) : Sion Sono
  • Scénariste(s) : Aaron Hendry & Reza Sixo Safai
  • Avec : Nicolas Cage, Sofia Boutella, Nick Cassavetes, Bill Moseley, Tak Sakaguchi ...
  • Distributeur : OCS/ M6 Vidéo
  • Genre : Action, Thriller, Epouvante-horreur
  • Pays : Américain
  • Durée : 103 minutes
  • Date de sortie : 30 décembre 2021 sur OCS / 23 février 2022 en DVD, Blu-ray et VOD
  • Note du critique : 6/10

L’univers de Sion Sono

Le retour du plus inclassable des réalisateurs japonais, favori des festivals de cinéma de genre en France et déjà auteur de métrages atypiques comme Tokyo Tribe, Love en peace ou Tokyo Vampire Hotel  (pour ne citer que ceux-là) avait déjà de quoi réjouir. Mais si on ajoute à la recette la présence dans le rôle principal de l’inénarrable Nicolas Cage, alors le suspense devient soudain insoutenable.

Le résultat s’avère complexe car, si le réalisateur et son acteur sont bien au rendez-vous et apportent leur folie respective, le métrage lui-même, malgré de grandes qualités esthétiques, peine à convaincre totalement. La faute à un univers presque trop riche et paradoxalement trop sage par rapport aux habitudes de son réalisateur Sion Sono qui font de Prisoners of the Ghostland un ovni esthétiquement plein d’idées, mais dépourvu d’un fil rouge narratif solide.

Une histoire de rédemption

image nicolas cage prisoners of the ghostland

Après un braquage de banque qui tourne au drame, Hero, un criminel brutal mais honorable, se retrouve convoqué à Samourai Town, une ville aux inspirations orientales étranges à la botte du Gouverneur. Sa petite-fille Bernice vient de s’enfuir et l’on vient de perdre sa trace dans le « ghostland » du titre, une terre de malédiction d’où l’on ne revient jamais. À Hero revient la tâche impossible de la ramener sous peine de voir son costume exploser morceau par morceau, y compris au niveau des testicules (!). Si on était taquin, nous pourrions dire que c’est à cet instant que le métrage part en couilles. Néanmoins, malgré cette note d’humour, il y a une véritable profondeur dans la quête de Hero, qui va l’obliger à se confronter à ses propres démons tout en sauvant un peuple de damnés semblables à lui.

Impossible également d’occulter la critique acerbe du cinéaste japonais sur l’impérialisme américain en la personne de ce gouverneur occidental qui inféode un peuple à sa loi et se moque des laissés pour compte.

Cependant, il est regrettable de constater que, malgré ses bonnes intentions, le métrage se réserve trop de passages narratifs à vide ou de séquences incongrues privilégiant l’esthétisme au fond, qui finissent par lasser alors que c’est justement dans ses « à côtés » que sa vraie richesse se révèle.

Nicolas Cage Superstar

Il est vrai que le titre de ce chapitre peut paraître réducteur, car Nicolas Cage n’est bien sûr pas le seul nom célèbre au casting, mais c’est lui qui insuffle au métrage la vision fantasmagorique du réalisateur, le souffle nécessaire à la vision débridée d’un auteur inclassable. Totalement en roue libre comme dans la plupart de ses œuvres récentes et c’est tant mieux, car en un sens c’est comme ça qu’on l’aime actuellement.

A ses côtés, Sofia Boutella campe une Bernice suffisamment vulnérable et combative pour convaincre, tandis que Bill Moseley incarne avec brio un Gouverneur aussi menaçant que pathétique à la fois. Néanmoins, personne d’autre ne rend autant hommage à un univers « borderline » qu’un Nicolas Cage en quête de rédemption fixé sur ses testicules. C’est ridicule, mais ça s’inscrit brillamment dans l’œuvre de Sion Sono.

Une imagerie extrêmement inspirée

image sofia boutella prisoners of the ghostland

C’est sur le foisonnement et la variété de son imagerie que Prisoners of the Ghostland se démarque clairement. Imaginez un peu un mélange de western et de Mad Max, avec des décors inspirés du Japon féodal, le tout saupoudré d’un soupçon d’Alice aux pays des merveilles, et vous commencerez à avoir une petite idée de ce que le métrage vous réserve.

Malgré une production manifestement fauchée, le film tente de pallier ce défaut à l’aide d’une inventivité constante, remplie d’idées visuelles comme ce campement de marginaux s’acharnant à ralentir le cours du temps en tirant sur les aiguilles d’une horloge géante, ou bien ce désert atomique peuplé de spectres barbares, sans parler du quartier des plaisirs de Samouraï Town bouillonnant d’agitation. Les costumes et maquillages ne sont pas en reste, avec les « Ratmen » ou ces statues vivantes composées de morceaux de masques, fascinantes d’étrangeté.

La réalisation, quant à elle, peut sembler brouillonne, en particulier dans des scènes d’action souvent ternes, mais elle se rattrape par une énergie débridée et des duels au sabre mieux chorégraphiés – sans doute grâce à la collaboration du célèbre chorégraphe Tak Sakaguchi.

Paradoxalement, la violence visuelle du métrage, ainsi que la folie de ses personnages, demeurent plus timorés que ce à quoi le réalisateur nous avait habitués avec ses précédents films.

Aussi fascinant que déstabilisant

Prisoners of the Ghostland s’avère une expérience qui ne plaira pas à tout le monde. Débordant d’une énergie folle d’autant plus inattendue que le réalisateur se remettait à peine d’une crise cardiaque (la thématique de la vie après la mort n’en est que plus troublante dans le film) et pourtant plus timide que les autres métrages de Sion Sono, le tout oscillant sans cesse entre un grotesque assumé, une esthétique richement tape à l’œil et l’action débridée.

Tout ce foisonnement n’empêche hélas pas le récit de tomber à plat et de se résumer à un enchaînement de vignettes de bande dessinés à l’originalité visuelle indéniable, mais dépourvu d’un réel fil rouge qui aurait permis à l’ensemble d’être autre chose qu’une belle coquille vide.

Demeure la composition hallucinée d’un Nicolas Cage en état de grâce, et dont la seule présence à l’écran suffit parfois à pallier les défauts de l’ensemble.

Dommage, Prisoners of the Ghostland n’est pas indigeste, mais s’avère en deçà de nos attentes.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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