Caractéristiques
- Titre : Crush
- Titre original : Shattered
- Réalisateur(s) : Luis Prieto
- Scénariste(s) : David Loughery
- Avec : Cameron Monaghan, Sasha Luss, John Malkovich, Lilly Krug, James C. Burns...
- Distributeur : Dark Star Presse
- Genre : Thriller
- Pays : Etats-Unis
- Date de sortie : 24 mars 2022 (VOD)
- Note du critique : 5/10 par 1 critique
Une série B décomplexée
Réalisé par Luis Prieto, qui s’est principalement illustré à la télé, et co-produit par John Malkovich qui apparaît dans un rôle secondaire, Crush est le genre de série B que l’on prend plaisir à découvrir en festival. Sorti directement en VOD chez nous, ce troisième long-métrage se laisse plutôt apprécier dans l’intimité de son salon, malgré une première demi-heure trop mollassonne et des incohérences narratives qui nous empêchent d’attribuer une meilleure note à ce quasi-huis clos à la violence décomplexée.
Crush commence comme un thriller (trop) classique : le riche et jeune créateur d’une appli s’ennuie ferme dans son immense demeure aux baies vitrées, achetée grâce à l’argent reçu pour avoir vendu sa création. En instance de divorce, éloigné de sa femme qui s’est mise en couple avec un autre et de sa fille, il tourne en rond comme un poisson dans son aquarium lorsqu’il rencontre dans le quartier la jeune et belle Sky, blonde mannequin désargentée qui vit en coloc avec une amie dépressive et travaille en temps que serveuse dans un café. Les deux flirtent et se rapprochent, jusqu’à ce que Monsieur se fasse agresser devant la belle qu’il tente de défendre par un voyou qui tentait de cambrioler sa voiture. Sérieusement blessé aux jambes, il peut malgré tout compter sur une infirmière parfaitement dévouée en la personne de Sky. Jusqu’à ce que la colocataire de celle-ci soit retrouvée assassinée. Le jeu de massacre peut alors commencer…
Un huis-clos déjanté plombé par une introduction ennuyeuse
La première demi-heure du film de Luis Prieto, bien que justifiée d’un point de vue narratif, est aussi ce qui l’handicape le plus. En effet, Crush ne dure qu’1h30, et ce premier acte apparaît bien trop long, morne et (disons-le) ennuyeux de ce point de vue-là. L’intention est compréhensible – montrer que la vie du héros, Chris, est elle-même morne et ennuyeuse en dépit de sa situation socialement privilégiée – mais le parti pris risqué, car on risque de perdre le spectateur d’emblée, qui a l’impression, au départ, de regarder un thriller un peu cheap et cousu de fil blanc avant le retournement (trop) attendu : il vaut mieux se méfier des blondes brindilles. Sky joue les poupées Barbie ingénues, mais elle serait plutôt en réalité une poupée psychotique à la Chucky (la dimension fantastique en moins) sous ses apparences inoffensives. Une poupée vénale qui aurait décidé de piquer au fiancé idéal tout son argent en se servant de son arme principale : son physique et la séduction – Sky laissant entrevoir au héros un horizon radieux en se conformant avec un malin plaisir à toutes ses attentes.
A partir de là, le film part dans le bis décomplexé, avec une certaine dose d’humour ironique qui fonctionne plutôt bien et une réalisation qui emprunte l’énergie meurtrière de sa méchante à défaut d’être transcendante. Il y a quelque chose d’assez jubilatoire (et résolument très cartoonesque) à voir Sky – dont il ne s’agit bien entendu pas du vrai nom – à se saisir d’un immense katana pour aller massacrer un allié potentiel de notre riche créateur esseulé avec un sourire sadique aux lèvres. Le film affiche une violence décomplexée et une intrigue aux rebondissements ouvertement invraisemblables dans laquelle on accepte de rentrer en connaissance de cause, même si certains éléments (et c’est là notre seconde réserve) sont tellement gros qu’ils nous font parfois un peu sortir du film, à l’image de la gamine de 7-8 ans qui tire comme une pro au revolver sans se rater et sans avoir le moindre mouvement de recul.
Un scénario trop bancal et des personnages trop peu développés
Surtout, Crush, plutôt que de creuser le personnage de femme fatale de Sky, fait le curieux choix de vouloir insérer, sans trop y croire, une vague critique sociale à laquelle on ne peut pas adhérer un seul instant tant elle est mal exploitée et amenée par un personnage hors-sujet (le “beau-père” de la jeune femme), dont le rôle réel est de nous amener le seul élément sur le passé de Sky qui permette un temps soit peu de comprendre son comportement et de la rendre plus humaine – comme toute femme fatale qui se respecte… Sauf que, au-delà d’une seule et unique scène et de la dernière réplique de Sky sur un beau gros plan, le personnage (comme les autres, d’ailleurs) n’est pas creusé davantage.
Cela n’intéressait visiblement pas Luis Prieto et on peut le comprendre, mais dans ce cas, il aurait peut-être mieux valu qu’il assume davantage son parti pris de série B enjouée qui ne se prend pas la tête. En l’état, l’œuvre est assez sympathique dans sa dernière heure, mais il s’agit surtout d’un exercice de style un peu bancal que l’on pourra prendre plaisir à regarder entre amis, sans plus. Malgré quelques images marquantes, il ne s’agit pas forcément d’un métrage sur lequel on aurait envie de revenir et c’est assez dommage. Il n’en demeure pas moins que si vous cherchez un film de genre pour vous détendre le week-end sans culpabilité, Crush reste une option devant laquelle vous n’aurez pas à rougir à défaut d’être aussi mémorable qu’on l’aurait souhaité.