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[Critique] Ogre : Nouvelle tentative du cinéma de genre

Caractéristiques

  • Titre : Ogre
  • Réalisateur(s) : Arnaud Malherbe
  • Scénariste(s) : Arnaud Malherbe, Sebastian Sepulveda
  • Avec : Ana Girardot, Giovanni Pucci et Samuel Jouy.
  • Distributeur : The Jokers/ Les Bookmakers
  • Genre : Drame, Fantastique
  • Pays : France
  • Durée : 103 minutes
  • Date de sortie : 20 avril 2022
  • Note du critique : 5/10

Un Ogre français


Fuyant un passé qu’on devine douloureux, Chloé (Ana Girardot) démarre une nouvelle vie d’institutrice dans le Morvan avec son fils Jules (Giovanni Pucci), 8 ans et atteint de surdité. Accueilli chaleureusement par les habitants du village, Chloé s’adapte peu à peu à l’ambiance du lieu et se trouve même un nouveau soupirant en la personne du médecin du village, Mathieu. Il n’en va cependant pas de même pour Jules qui lui, au contraire, angoisse rapidement, avec l’impression que quelque chose ou quelqu’un rôde la nuit autour de sa maison…

C’est peu dire que lorsque le cinéma français fait une incursion dans le film de genre, on a envie de le défendre, ne serait-ce que pour encourager ce genre d’initiative. Si Ogre d’Arnaud Malherbe, produit par le studio The Jokers Films et présenté au festival du film fantastique de Gérardmer, semble très intéressant sur le papier et bénéficie du réalisateur de la mini-série Moloch, force est de reconnaître que ses indéniables qualités sont à la hauteur de ses défauts.

L’exposition, classique, nous plante promptement le décor : un grand cadre rural, une vieille bâtisse, un passé trouble que fuit une mère et son fils, l’histoire d’une seconde chance et, surtout, une l’ambiance qui se délite peu à peu, avec des locaux pour certains de plus en plus agressifs ou pour le moins mystérieux, sans oublier, bien sûr, la rumeur d’une bête qui rôde dans les environs. Difficile de ne pas noter les références au loup-garou ou à la bête du Gévaudan sauf qu’ici, bien sûr, il s’agit d’un ogre, cet antagoniste hautement récurrent dans les contes pour enfants, mais assez peu traité au cinéma par rapport à beaucoup de ses homologues, ce qui est bien dommage et donne au métrage des allures de séance de rattrapage.

L’horreur psychanalysée 

Copyright The Jokers / Les Bookmakers

Si l’ambiance est au rendez-vous, du point de vue du scénario, on se retrouve un peu trop vite dans le cliché et on sent que le réalisateur a tenté de remplir le cahier des charges avec des gamins du village qui ostracisent rapidement le petit Jules de manière cruelle et totalement gratuite. Le médecin, nouveau soupirant de la mère, est vraiment exagérément mystérieux jusqu’à l’incohérence et le reste des villageois sont aussi fantomatiques que les magnifiques décors du Morvan qui suffisent largement à imprégner la pellicule d’une atmosphère fantastique. Pour ce qui est du fameux ogre du titre, là encore, le film s’avère intéressant et son monstre à l’image plutôt impressionnant, mais le réalisateur semble ne jamais vouloir prendre réellement un parti pris sur l’origine de son existence. Est-ce le fruit de l’imagination de l’enfant (on le voit souvent à l’écran qui lit une un manga assez sombre, avec justement une créature tapie dans les ténèbres comme antagoniste), les séquelles des traumatismes qu’il a vécus avec son père violent ou alors y a-t-il vraiment une bête qui rôde dans les environs?

Comme le film ne répond jamais formellement, son hésitation à nous livrer la clé de l’énigme rend l’ensemble, et la fin en particulier, extrêmement brouillonne et par conséquent décevante. Au lieu d’hésiter, il aurait été préférable que le réalisateur se montre simplement généreux à l’instant même où il avait décidé de faire un film de genre et qu’il embrasse clairement l’aspect fantastique. Ou maintienne une ambiguïté s’il le souhaitait, mais avec plus de subtilités, comme l’avait déjà fait Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro. Là, ça ressemble davantage à une tentative maladroite de psychanalyse qui alourdit l’ensemble et occulte le véritable but de ce genre de métrage : faire peur.

L’ogre des campagnes 

Copyright The Jokers / Les Bookmakers

Car oui, Ogre ne fait jamais réellement peur. La faute à un rythme trop peu soutenu et à un scénario qui privilégie l’ambiance visuelle et sonore, en utilisant les décors naturels du Morvan pour l’un et la surdité de l’enfant pour l’autre, en jouant avec les séquences où l’enfant ne cesse d’appuyer sur le bouton de son appareil pour couper le son ou le rallumer en fonction de ses humeurs – ce qui ajoute au mystère quand on s’aperçoit que l’enfant entend mieux la présence du monstre quand l’appareil est éteint, confirmant la nature insaisissable de la créature ou, au contraire, sa non-existence. Pourtant, bien que la forme soit efficace, il n’en va pas de même pour le fond et, si l’interprétation de l’actrice Ana Girardot est convaincante et celle de l’enfant plutôt bluffante, ils sont malheureusement les deux seuls personnages qui semblent avoir bénéficié d’une réelle écriture.

Le médecin et nouveau petit ami de la mère est trop mystérieusement caricatural pour parfaitement convaincre mais s’en sort encore pas mal comparé aux autres personnages secondaires du métrage qui, eux, sont tous décrits comme majoritairement désagréables, inhospitaliers, voire violents, et donnent une image négative fortement appuyée du Français des campagnes aussi inexacte que réductrice, à l’image de cette vaine tentative de créer un sous-texte sur le harcèlement scolaire ou la désertification rurale de façon trop diffuse et artificielle.

Un Ogre grillé 

image ana girardot ogre
Copyright The Jokers / Les Bookmakers

Si l’histoire d ‘Ogre sur le papier pouvait nous mettre en appétit, malheureusement le métrage nous laisse sur notre faim et ressemble davantage à un nouveau rendez-vous manqué qu’à une véritable réussite du cinéma de genre français. C’est regrettable, car il y avait de magnifiques décors, un duo de personnage principaux plutôt intéressant et un monstre peu vu à l’écran, et pourtant très impressionnant visuellement.

Cependant, le métrage s’étire inutilement et finit par surtout nous ennuyer, jusqu’à un final faisant référence au Phenomena de Dario Argento qui aurait pu être tout à fait passionnant si le réalisateur avait réellement été au bout de son propos et n’avait pas laissé une fin en queue de poisson qui, finalement, dessert grandement son propos. Un film que l’on peut néanmoins conseiller aux amateurs curieux pour ses qualités, mais en les prévenant de ne pas trop en espérer.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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