Caractéristiques
- Titre : Napoléon
- Réalisateur(s) : Ridley Scott
- Scénariste(s) : David Scarpa
- Avec : Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby, Tahar Rahim, Ben Miles et Youssef Kerkour.
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Genre : Biopic, Historique, Aventure, Guerre
- Pays : Grande-Bretagne
- Durée : 148 minutes
- Date de sortie : 22 novembre 2023
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- Note du critique : 6/10 par 1 critique
L’intime et l’Histoire s’entremêlent
Nouveau long-métrage réalisé par Ridley Scott (House of Gucci, Le Dernier Duel) et biopic sur Napoléon Bonaparte, Napoléon s’attache à l’ascension et à la chute de l’Empereur. Le film retrace la conquête acharnée du pouvoir par Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie. Une réussite ? Disons que le film part avec un handicap majeur pour sa sortie en salles : le montage que nous avons là n’est pas la director’s cut de Ridley Scott, mais une version cinéma. Celle-ci affiche déjà 2h38, mais le problème vient surtout du fait que la version longue, d’une durée de 4h10 (!), sera quand à elle disponible fin 2023/début 2024 sur Apple TV +. C’est donc la version cinéma que nous allons ici juger;
Napoléon navigue donc entre deux histoires bien distinctes. La première est la relation entre Napoléon et Joséphine de Beauharnais. Cette partie de la romance entre le futur empereur et la future impératrice est plutôt bien développée. Leur histoire est présentée comme une relation d’amour et parfois de haine, et de choix qui feront l’histoire. Mais, surtout, le scénariste David Scarpa établit un parallèle entre cette histoire et l’ascension et la chute de Napoléon (et de fait du couple). Le tout pour montrer (et c’est littéralement dit dans le film) que Napoléon n’était rien sans Joséphine. C’est peu subtil, mais cela fonctionne assez bien. Cette partie permet aussi de mettre en avant l’histoire intime du personnage de Napoléon et de mettre en lumière le rôle de sa femme dans l’histoire de France. C’est clairement romancé, mais d’un point de vue purement dramatique, on y croit.
Des ellipses en veux tu en voilà
Le second point est plus délicat car, si l’histoire de l’ascension et la chute de Napoléon Bonaparte est racontée à travers les plus grands événements de sa vie (on commence lorsqu’il a 25 ans et on termine à sa mort lors de son exil sur l’île de Sainte Hélène), cela va clairement trop vite et finit par s’apparenter à un résumé Wikipédia bien filmé. Les ellipses sont trop nombreuses.
Par exemple, nous passons bien trop vite (en à peine 10 minutes) du moment où Napoléon devient consul à celui où il devient empereur ! Cela donne une narration qui, paradoxalement, va trop vite, mais qui devient vite ennuyeuse, voire indigeste. N’oublions pas que nous alternons entre l’intime avec la relation Napoléon/Joséphine et l’ascension et la chute de Bonaparte. Mais les gros soucis sont loin d’être finis…
Un manque de contexte géopolitique, le génie tacticien oublié
Il y a en effet de plus gros problèmes dans ce Napoléon, qui laisse de côté des éléments majeurs, à commencer par le tacticien hors pair qu’était l’empereur. Si le sujet est effleuré lors de la reprise de Toulon, pour les autres batailles, il n’en est rien. Pour un homme qui a conquis l’Europe, comprendre ses tactiques et son génie militaire aurait été une bonne chose. En second lieu, quasiment toute la géopolitique est mise de côté. Si, là aussi, le sujet est vaguement abordé à travers la relation entre l’empereur de France et Alexandre 1er, Tsar de Russie, et son second mariage avec Marie-Louise d’Autriche, c’est bien trop peu pour comprendre les enjeux. Aussi, certains personnages sont introduits, mais n’ont aucune influence sur l’intrigue avant qu’ils disparaissent complètement.
Enfin, et là, c’est peut-être le côté chauvin qui va parler, mais faire de Napoléon Bonaparte un boucher en égrainant, à la fin du film, le nombre de morts lors de ses différentes batailles, comme si toutes n’étaient que de son fait, cela nous paraît complètement disproportionné ! Pour le reste, gageons que, à part le dernier point que nous venons d’évoquer, les défauts que nous avons critiqués seront gommés avec la version longue, qui nous offrira 1h30 de narration en plus.
Le savoir-faire technique de Ridley Scott toujours présent
Côté technique, il y a peu à dire. Ridley Scott sait toujours faire des longs-métrages historiques. C’est sûrement là où il excelle le plus. Depuis Les Duellistes jusqu’au Dernier Duel en passant par Gladiator et Kingdom of Heaven, il n’a plus rien à prouver. Il apporte son savoir-faire, notamment dans la mise en scène des batailles que dans les scènes intimistes même si ici, le seul reproche que nous pourrions lui faire est que le résultat est moins sanglant qu’à son habitude. Pour le reste, la reconstitution des costumes (de David Crossman et Janty Yates) et décors (d’Arthur Max) sont vraiment magnifiques. Le tout est sublimé par la direction photo de Dariusz Wolski (qui fait la photo des films de Scott depuis dix ans) qui rappellera, parfois, à certains moments clés, les grandes peintures de l’époque.
Concernant les effets spéciaux, la plupart sont magnifiques, sauf lors des scènes à Moscou. On sent clairement que les décors en second plan sont en numérique, et cela gâche légèrement le moment. Déception pour la musique de Martin Phipps qui manque de puissance et d’un thème principal convaincant. Elle accompagne tout de même assez bien le film, mais pour un tel long métrage épique, on attendait clairement mieux. Enfin, et nous le disions aussi plus haut, mais le montage de cette version de Napoléon est un peu bâtard dans son rythme, car il est à fois rapide mais ennuyeux. Un paradoxe qui sera peut être effacé avec la version longue…
Une version peu convaincante ?
En ce qui concerne le casting, là aussi, il y a peu à dire. Joaquin Phoenix (Beau is Afraid) est convaincant en Napoléon Bonaparte. Le choix de ses rôles depuis une dizaine d’années sont toujours pertinents, et c’est aussi le cas ici. Il incarne l’empereur jusque dans ses moindres postures. La talentueuse Vanessa Kirby (Mission : Impossible – Dead Reckoning – Partie 1) est parfaite dans le rôle d’une Joséphine aux multiples facettes. De plus, l’alchimie entre Phoenix et Kirby provoque clairement des étincelles entre les deux personnages. Tahar Rahim, dans le rôle de Paul Barras, et Ben Miles, dans le rôle d’ Armand de Caulaincourt, offrent aussi de belles performances.
Vous l’aurez compris, il est donc assez difficile de juger Napoléon sans avoir vu la version longue. En l’état, si nous louons l’aspect technique du film, la prestation des acteurs, la reconstitution de l’époque, la mise en scène des batailles et le savoir-faire de Ridley Scott qui n’est plus à démontrer, ce montage possède trop de défauts narratifs et d’ellipses pour être vraiment convaincant. Peut-être ces derniers seront-ils gommés dans la version longue, les director’s cut de Ridley Scott étant toujours meilleures (on pense surtout à Kingdom of Heaven) que les versions cinéma. L’espoir subsiste…