[Critique] Doctor Who : Comment expliquer un succès qui dure depuis 60 ans ?

Caractéristiques

  • Titre : Doctor Who
  • Créé par : Sydney Newman
  • Show runner(s) : Russell T. Davies
  • Avec : Christopher Eccleston, David Tennant, Matt Smith, Peter Capaldi, Jodie Whittaker, Billie Piper, Pearl Mackie, Karen Gillan, Jenna Coleman...
  • Saison : 15
  • Année(s) de diffusion : 2005-
  • Chaîne originale : BBC
  • Diffusion françaisee : NRJ12

visuel 60 ans doctor who

Doctor Who est une série britannique de science-fiction, créée par Sydney Newman. Elle est diffusée pour la 1ère fois en 1963. À la suite d’une chute d’audience, la série ne sera pas renouvelée et s’arrêtera après 26 saisons et 155 épisodes en 1989. La chaîne de télévision FOX produira en partenariat avec la BBC un téléfilm Doctor Who : The Movie destiné à relancer la série. L’objectif de cette coproduction était de toucher un nouveau public n’étant pas familier avec le programme. Ce sera un échec étant donné la très mauvaise réception des anciens comme des nouveaux téléspectateurs, le film n’arrivant jamais vraiment à capter l’inventivité et le charme de ce qu’a été Doctor Who depuis ses débuts. Cela aurait pu sonner le glas de la série.

Heureusement, en 2005, un jeune auteur nommé Russell T. Davies est pris d’une envie de raviver cette vieille série de son enfance. Il décidera de ne pas repartir à zéro en omettant l’existence de l’ancienne série, mais bien de faire une suite au téléfilm de 1996. Le but de Davies est également de toucher une nouvelle audience plus jeune. Il va donc rendre la série plus dramatique et proche des jeunes adultes, en choisissant comme compagne du docteur Rose Tyler (Billie Piper), jeune femme de 18 ans. Il lui faudra également choisir un nouveau docteur le 9ème en la personne de Christopher Eccleston. Au Royaume-Uni, cette relance est un grand succès, séduisant les jeunes et nouveaux fans. En France le succès est plus modéré. Certains épisodes de la série classique seront diffusés dans Dorothée Dimanche traduit en français. Dans le cas de la nouvelle série la diffusion éparse des épisodes sur France 4 ne donnera pas un aperçu global de ce que peut offrir la série.

Après 13 nouvelles saisons, Doctor Who fête cette année ses 60 ans, qui sont célébrés en ce moment par la BBC jusqu’au 9 décembre. Nous essayerons de comprendre à travers cet article son succès et ce qui a permis à cette série une telle longévité et reconnaissance dans le milieu de la science-fiction.

Un concept sans fin aux possibilités infinies

Cette série est avant toute chose un incroyable concept aussi saugrenu que génial. Le principe étant qu’avec la machine à voyager dans l’espace et le temps, le TARDIS, les personnages peuvent évoluer n’importe où et n’importe quand. Cela donne aux scénaristes de la série des possibilités quasi infinies. A chaque nouvel épisode c’est une nouvelle aventure qui commence, une nouvelle planète à découvrir une époque lointaine à visiter.

Nous avons un habile mélange de genres : du biopic à la science-fiction jusqu’à la comédie. Cette diversité est selon nous essentielle à l’ADN de la série et permet aux spectateurs, pendant 40 minutes, de pouvoir être transportés à travers le temps et l’espace. Une sensation d’évasion que j’ai rarement ressentie dans une série. On nous permet d’échapper à notre quotidien dans un univers qui est rempli de créativités. Bien que parfois le budget n’arrive pas à suivre les envies des scénaristes, les acteurs et le high concept au cœur des histoires rattrapent le tout.

Plusieurs épisodes ont des synopsis très forts. Par exemple, certains monstres sont directement inspirés de nos peurs du quotidien : des ombres carnivores, des statues de pierre. Les ennemis du Docteur sont également extrêmement iconiques et garde la série présente dans la culture populaire. Les idées sont souvent très inventives.

cybermen doctor who

On peut rapidement citer les Cybermen, des humains bloqués dans des combinaisons mécaniques, qui bloquent leurs émotions. Ils font donc de très bons adversaires pour un personnage prêchant la gentillesse et la compréhension. C’est l’émotion contre l’apathie. Les peurs de la petite enfance seront traitées chez Steven Moffat de manière intéressante. Il prend toujours un concept ou une idée à première vue simpliste pour la transformer en vrai concept effrayant. L’épisode, la bibliothèque des ombres joue là-dessus, avec ces ombres carnivores nous rappelant à notre peur enfantine du noir. A travers cette idée c’est notre inconscient d’enfant qu’il vient toucher. Cela rend les monstres instinctivement terrifiants.

Nous avons également la régénération, qui permet au personnage du Docteur de changer d’apparence et de personnalité quand les acteurs veulent arrêter la série. On va donc changer l’acteur, mais également les traits de personnalité du Docteur. Chaque acteur sera donc libre de jouer le Docteur en y injectant un peu de sa personnalité. Ce système permettra de conserver une originalité certaine, mais également de toujours renouveler la série, ainsi que lui donner un univers quasi cohérent depuis 60 ans. Chaque docteur a les souvenirs de ses incarnations précédentes. Ce qui permet dans un 1er temps d’établir des références à des événements passés à plusieurs moments de la série et dans un 2nd temps de faire se rencontrer plusieurs incarnations du personnage. C’est ce qui se passe à chaque anniversaire tous les 10 ans.

david tennant et billie piper dans doctor who

L’impact que va avoir le changement d’acteur sur les spectateurs est aussi notable. On sait que l’acteur ne va pas rester le même éternellement et nous anticipons ce changement, surtout si nous avions tissé un lien particulier avec les traits de personnalité d’un acteur. C’est à double tranchant, certains fans s’arrêtant de regarder car ce n’est plus « leur docteur » bien que fondamentalement le personnage reste avec les mêmes souvenirs. Certains acteurs ont d’ailleurs été plus populaires que d’autres impactant les audiences globales de la série, Tom Baker (le 4ème docteur) et David Tennant (le 10ème docteur) ont tous les deux bénéficié d’une grande popularité dans l’ancienne et la nouvelle série, le second reviendra d’ailleurs pour 3 épisodes spéciaux marquant les 60 ans de la série. La production profite du 60ème anniversaire pour ramener un personnage aimé des fans, afin de faire monter les audiences. Cette stratégie marche comme le démontre la bande-annonce de l’épisode anniversaire atteignant les 3 millions de vues sur YouTube.

Mais cette nostalgie fait partie intégrante de la série. La régénération est d’ailleurs un véritable deuil pour beaucoup de fans, qui doivent accepter ce changement malgré tout. L’acceptation du changement est un des thèmes récurrents de la série que nous traiterons plus tard.

Ce qu’il y a de remarquable, ce sont également les compagnons du docteur. Si nous ne pouvons être le docteur, nous pouvons toujours nous identifier aux compagnons. Ceux-ci sont notre porte d’entrée dans cet univers. Ils questionnent et remettent en question le docteur sur des choix moraux discutables, ou le challenge sur son humanité quand il s’en écarte. Depuis la New Who (nouvelle série) ils ont plus de profondeur, sont développés et ont de véritables arcs de personnages. Cela renforce l’intérêt du spectateur pour elles. Oui en effet les compagnons du docteur sont souvent des femmes dont le rôle bien écrit et qui sont prêtes à prendre les choses en main autant que le héros principal. C’était déjà le cas il faut le dire avec par exemple l’introduction de Sarah Jane, Leela ou Romana sous la période de Tom Baker ou bien encore Ace avec Sylvester Mackoy. La série donne donc une belle place aux personnages féminins.

Elle n’est pas devenue soudainement féministe, comme le pousserait à croire certains fans après le casting de l’actrice Jodie Whittaker en 2017. Le féminin a toujours été une part intégrante de la série. C’est un énorme vecteur d’empathie, quand nous les voyons partir, quittant le TARDIS les uns après les autres pour des raisons diverses et variées. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Russel T Davies a mis l’accent sur une jeune femme de 20 ans en tant que 1ère compagne. En effet le succès populaire de séries comme Buffy contre les vampires ou de X-Files avec Scully outre-Atlantique a dû jouer dans sa décision de mettre en vedette une femme forte proche des adolescentes de l’époque où la série était diffusée.

Le thème du changement et du deuil à travers le personnage du docteur

Le deuil est un thème qui est présent dans la série depuis sa création, notamment grâce au concept de régénération ou de compagnon quittant le TARDIS. Mais, en 2005, quand la série fut reprise par Russel T. Davies, le deuil est devenu un point central de caractérisation pour ses deux docteurs (le neuvième et le dixième) en créant le concept de la guerre du temps, qui se passe entre la série classique et la nouvelle série. Quand les fans retrouvent le docteur il est plus sérieux, parfois sans pitié et plus dur avec ses ennemis. Cela est dû à cette guerre millénaire et aux Daleks, qui sont les ennemis des seigneurs du temps. Pour mettre fin à ce conflit il n’y a pas d’autres choix que de détruire son propre peuple en faisant exploser sa planète. Il commet donc un génocide.

Le personnage portera cette marque psychologique pendant les 4 premières saisons de la série. Il s’agit d’un ajout brillant qui donne beaucoup plus de profondeur au personnage, cela contribue à l’humaniser. Certains anciens fans pourront trouver ça out of character, disant que le docteur ne tue normalement jamais. De notre point de vue, c’était nécessaire pour donner une aura mystérieuse au personnage et pour ne pas tomber dans les travers d’un héros «trop bon». Les adultes se seraient moins intéressés à la série sans cela, car on aborde à travers ce prisme des thèmes matures, comme le traumatisme dû à la guerre, la vengeance, l’utilisation de la violence, ou la rédemption. Ces questions sont alors posées par le prisme du personnage principal de la série. L’arc de rédemption de la 1ère saison est particulièrement prenant à suivre. Il survient également en pleine guerre en Irak, dans laquelle la Grande-Bretagne prend part aux côtés des Etats-Unis. Ainsi, au-delà de son récit SF et de la mythologie qui lui est propre, la série se fait l’écho d’un conflit ô combien actuel. Et puis, évidemment, le 11 septembre était encore dans tous les esprits et les 4 premières saisons du reboot seront par la suite considérées comme faisant partie des séries “post-11 septembre” (Lost, Battlestar Galactica…), où le trauma de l’événement se traduit principalement en métaphores dans les oeuvres de genre.

Après la saison 4, la moralité du docteur continuera à être questionnée, même si avec le changement de showrunner, la guerre du temps est moins centrale aux saisons 5 à 13, à l’exception du 50ème anniversaire où elle est le sujet central de l’épisode. Nous allons toujours avoir des scènes où la façade du héros parfait se fissure, laissant ainsi voir quelque chose de plus humain et émotif. Cela donne aussi aux différents acteurs de plus grandes possibilités de jeu.

Cela a majoritairement été le cas avec le neuvième et le dixième docteur. Ils ont d’ailleurs été vivement critiqués car étant un peu trop humains. Après tout, le docteur n’avait jamais été très émotif, il se devait d’être l’archétype du héros aux yeux des plus jeunes dans la série classique. Depuis la nouvelle série, on montre un personnage plus sensible et proche des humains. Cela peut s’expliquer au sein du récit par la guerre du temps. Le show se devait également de montrer un modèle différent des autres pour les jeunes enfants. Il exprime ses émotions, prêche la gentillesse et la non-violence. Il est rare que le personnage principal d’une série familiale soit un vrai modèle pour plusieurs tranches d’âges. Bon nombre d’amateurs de la série ont accroché avant tout à son personnage principal et à ce qu’il représente.

Ce que la série représente pour moi

La série est une partie intégrante de ma vie. Elle peut apporter tellement à celui qui prend le temps de la regarder. Je n’ai pas tout de suite adhéré au concept. C’était tellement particulier, un mélange entre un certain kitch et une grande créativité. Ce qui m’a vraiment persuadé de continuer, c’est l’univers que la série développe et les personnages qui peuplent celui-ci.

L’aura de mystère qui enveloppe le Docteur dès les premiers épisodes, son charisme et sa gentillesse sont des qualités que j’ai tout de suite trouvées intéressantes. Ces points forts ont continué à se développer durant les saisons suivantes. Certaines caractéristiques du personnage ont raisonné avec des traits précis de ma personnalité, permettant une identification très forte. Les voir représentées à l’écran m’a permis de pouvoir m’assumer davantage, notamment concernant ces émotions qui sont parfois plus difficiles à exprimer pour un homme. Cette série m’a aidé à des périodes difficiles de ma vie où j’avais besoin d’évasion.

L’utilisation de thèmes plus adultes m’a parlé, en particulier le fait que la vie est un continuel changement auquel il faut se confronter. La série a accompagné une majeure partie de ma jeunesse, et je suis content d’avoir pu grandir avec. C’est une de ces séries qui reste avec nous longtemps après le visionnage et qui peut nous apporter beaucoup de choses sur un plan plus personnel.

La thématique du changement est, je pense, la plus forte et la mieux abordée. Nous devons continuellement faire face au changement durant notre vie, parfois de manière plus ou moins brutale. On capte ce changement de manière très personnelle et forte à travers les personnages, et même chez le docteur. A plusieurs étapes de notre vie, nous pourrons donc faire des parallèles entre nous-mêmes et la série. L’aide qu’elle m’a apportée est non négligeable, et j’espère donc qu’elle passionnera et aidera également beaucoup de téléspectateurs dans le futur.

Article écrit par

Etudiant de 21 ans, j'ai commencé à apprécier le cinéma quand j'ai participé au dispositif "Ecole et cinéma" en primaire, qui m'a permis de voir des films comme Le magicien d'Oz et Les temps modernes. J'ai ensuite continué mon parcours en choisissant un lycée avec option cinéma, puis des études supérieures à l'ESRA Nice. Je termine actuellement ma troisième année en stage chez Culturellement Votre.

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