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Sleep : Que vaut le Grand Prix du Festival de Gerardmer ?

Caractéristiques

  • Titre : Sleep
  • Titre original : Jam
  • Réalisateur(s) : Jason Yu
  • Scénariste(s) : Jason Yu
  • Avec : Kim Kum-Soon, Yu-mi Jeong, Sun-kyun Lee...
  • Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
  • Genre : Epouvante-horreur, Thriller
  • Pays : Corée du Sud
  • Durée : 95 minutes
  • Date de sortie : 21 février 2024
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 6/10

Il y a quelques semaines, le Jury de la 31e édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer, présidé par Bernard Werber, entouré de Caroline Anglade, Mélanie Bernier, Clovis Cornillac, Charlotte Gabris, Jean-Paul Salomé, Mathieu Turi et Sébastien Vaniček, a décerné son Grand Prix au film Sleep du réalisateur sud-coréen Jason Yu. Révélé par le court-métrage The Favor et connu pour avoir été assistant réalisateur de Bon Joon-Ho sur le film Okja, Jason Yu réalise ici son tout premier long-métrage. Dans Sleep, l’on suit un jeune couple harmonieux dont la vie se retrouve bouleversée lorsque le mari Hyun-Su (Lee Sun-Kyun) devient somnambule et risque de mettre en péril la sécurité de leur foyer.

Horreur et comédie romantique

Jason Yu accorde à la relation de Hyun-Su et de sa femme Soo Jin, interprétée par Yu-Mi Jung, une place de choix. Plus qu’un film de genre, il considère son œuvre comme un film sur l’amour et le mariage et décide de suivre le quotidien paisible de ce couple attachant, sur le point de fonder une famille. On les suit au retour du travail, discutant de l’arrivée prochaine de leur enfant puis, durant les premiers jours après la naissance, et rien ne semble pouvoir ébranler ce bel équilibre… sauf, peut-être, quelques légers troubles du sommeil.

Le réalisateur introduit alors un élément perturbateur qui vient court-circuiter la tranquillité du ménage. L’étrange et l’horreur font irruption dans leur vie lorsque Hyun-Su se met à agir de manière incohérente, à se lever la nuit pour se nourrir de viande crue ou tenter de se jeter par la fenêtre. Le rythme plutôt lent de ce quasi huis-clos connait alors une interruption brutale et le climat devient dérangeant, à la frontière entre horreur et comédie.

image sun kyun lee sleep
Copyright The Jokers Films

Une mise en scène qui peine à convaincre

Bien que la parasomnie ne soit pas particulièrement originale au cinéma, l’angle d’approche du réalisateur est intéressant : lorsque la menace s’incarne en la personne aimée, celle que l’on a le plus envie de protéger, comment réussir à fuir ou à se battre ? Soo Jin éprouve pour son mari un amour qui la force à rester auprès de lui et elle sombre elle-même peu à peu dans la folie, après de nombreuses nuits d’angoisse. Pourtant, Sleep ne parvient pas à convaincre pleinement.

Le long-métrage a beau user de nombreux stratagèmes pour effrayer – musique angoissante, jumpscare, et gros effets de lumières et de son – il ne fait tout simplement pas peur, et c’est là que le bât blesse. Les personnages, bien que dépeints de manière réaliste, ont des réactions stupides face à l’horreur, et la mise en scène de Jason Yu est souvent trop appuyée, grandiloquente, à la limite du grotesque par instants.

Par ailleurs, ces effets hyperboliques ne compensent pas une réalisation assez classique durant la majeure partie du film, avec un découpage en chapitres, des fondus au noir et de nombreux champs contre-champs. Quant au scénario, il est souvent assez prévisible, même si la toute fin se révèle heureusement assez surprenante.

Copyright The Jokers Films

Des réflexions intéressantes mais inabouties

Même si Sleep se révèle plutôt décevant dans sa gestion de la peur, il propose en sous-texte quelques réflexions pertinentes autour des violences conjugales, grâce notamment au personnage de la voisine, qui tente à plusieurs reprises de mettre en garde Soo Jin contre de possibles mauvais traitements. La charge mentale des femmes est également évoquée, lorsque l’horreur change de camp et bascule du côté de la protagoniste, harassée par ces nuits d’insomnie passées à gérer les crises de son mari et la sécurité de son enfant.

A travers le personnage de Hyun-Su, qui cherche une issue à ses soucis de santé, le film aborde le paradoxe de la société coréenne qui, d’un côté, dispose d’une médecine très avancée, et de l’autre, accorde une forte importance aux croyances occultes. Nombreux sont ceux qui se tournent encore vers les chamans pour interpréter leurs vies et les guider, et la peinture que Jason Yu fait de ces deux mondes totalement opposés et pourtant inextricablement liés est particulièrement intéressante. Malheureusement, il ne s’agit que d’ébauches de réflexions qui ne trouvent jamais de suite dans le long-métrage, et qui tombent finalement un peu à plat.

De même, le choix du réalisateur d’osciller entre horreur et humour aurait pu être une excellente manière de dynamiter les codes du film de genre, mais, là encore, Jason Yu ne va pas au bout de son idée et finit par décevoir nos attentes.

Sleep est donc un long-métrage plein de potentiel, bourré de bonnes idées et fort d’un casting très investi, avec la dernière apparition à l’écran du regretté Lee Sun-Kyun. Cependant, il ne concrétise pas l’essai, la faute à une mise en scène hésitante et à une exploration trop timide des thématiques fortes convoquées par son sujet.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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