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Chien blanc : Une adaptation qui manque de mordant

Caractéristiques

  • Titre : Chien Blanc
  • Réalisateur(s) : Anaïs Barbeau-Lavalette
  • Scénariste(s) : Anaïs Barbeau-Lavalette & Valérie Beaugrand-Champagne
  • Avec : Denis Ménochet, Kacey Rohl, K.C. Collins, Peter Bryant...
  • Distributeur : Destiny Films
  • Genre : Drame
  • Pays : Canada
  • Durée : 96 minutes
  • Date de sortie : 22 mai 2024
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 6/10

Primé au Festival du Film de Sept-Îles au Canada avec pas moins de trois récompenses – Meilleur film québécois, Meilleure réalisation et Film coup de cœur du public – Chien blanc est le nouveau long-métrage réalisé et co-écrit par Anaïs Barbeau-Lavalette.

Un drame décevant

Il s’agit de l’adaptation du roman autobiographique de Romain Gary, inspiré de son expérience aux États-Unis durant les émeutes de 1968. Martin Luther King vient d’être assassiné et les haines raciales mettent le pays à feu et à sang. L’auteur lauréat de deux Prix Goncourt, interprété par Denis Ménochet, et sa femme Jean Seberg (Kacey Rohl), actrice et icône de la Nouvelle Vague, vivent à Los Angeles et recueillent un chien égaré, dressé pour attaquer les Noirs : un “chien blanc”.  Alors que Romain Gary ne peut se résoudre à le faire euthanasier, il se heurte à l’incompréhension de Jean, militante pour les droits civiques et très active au sein des Black Panthers, au risque de mettre leur couple en péril…

Malgré ce synopsis alléchant, mettant en scène l’intimité d’un couple déchiré par un combat qui les dépasse, le long-métrage d’Anaïs Barbeau-Lavalette peine à convaincre pleinement. Le scénario est lent et sans surprises, et l’action ne décolle jamais vraiment, devenant même, par instants, ennuyeuse. Bien que les acteurs soient plutôt investis dans leurs rôles, on manque cruellement d’attache émotionnelle, et l’alchimie du couple Gary/Seberg n’apparaît pas comme une évidence. Leurs difficultés successives ne parviennent donc jamais à susciter l’empathie.

Le film se révèle assez répétitif dans sa structure, avec une alternance quasi-schématique de scènes au domicile de l’auteur et au refuge du chien blanc, combinées à des images d’archives en noir et blanc. Les transitions au noir récurrentes mettent d’ailleurs en évidence cette construction scolaire bien trop redondante. Quant au rôle d’écrivain de Romain Gary, il est finalement assez secondaire, la réalisatrice ne choisissant jamais vraiment d’en faire un sujet, et le reléguant à une simple voix-off assez artificielle.

image denis menochet chien blanc
Copyright Vivien Gaumand

Une mise en scène contemplative et poétique

Bien que décevant dans le traitement de son sujet, Chien blanc propose une mise en scène intéressante et élégante. Le film est plutôt contemplatif et comporte quelques séquences poétiques et impressionnistes. Anaïs Barbeau-Lavalette sait jouer sur le flou et travaille ses arrière-plans et la lumière naturelle. Elle filme la nature avec délicatesse : les rayons du soleil se posant sur une fleur, une toile d’araignée, les chiens dans le chenil…

La réalisatrice fait également le choix de coller ses personnages au plus près, utilisant de nombreux gros plans sur les visages de ses acteurs. Des visages qui fixent la caméra et cherchent à susciter l’émotion et l’empathie… Peut-être parfois de manière un peu trop impérieuse. Les images d’archives ponctuent régulièrement le film, témoignant des violences policières à l’encontre des manifestants afro-américains, et leur brutalité contraste fortement et habilement avec le calme apparent de la vie de Romain Gary.

Enfin, l’alternance de langues utilisées par les personnages – Français, Anglais sous-titré – s’avère rafraîchissante, tout comme la bande son, assez présente, faisant se succéder musiques d’époque et passages plus instrumentaux.

image kacey rohl chien blanc
Copyright Vivien Gaumand

Une réflexion intéressante mais peu subtile

En choisissant pour thème les luttes raciales – malheureusement toujours d’actualité, comme le montre le final du film – Anaïs Barbeau-Lavalette a donc à cœur de construire un drame social et politique, et d’ancrer le plus possible son long-métrage dans le réel. Peu de scènes se déroulent sans que le bruit de la radio ou de la télévision ne se fasse entendre en arrière-fond.

Si le message de tolérance et de solidarité est prégnant tout au long du film, il manque parfois de subtilité et de finesse. Les dialogues sont surexplicatifs et la démonstration de la réalisatrice est souvent appuyée et répétitive. Le parallèle dressé entre le comportement du chien blanc et le racisme humain est, par exemple, intéressant, mais la manière dont la réalisatrice l’exploite est parfois un peu grossière.

Le film a cependant le mérite de susciter bon nombre de réflexions et discussions très pertinentes : est-il possible de prendre part à une lutte qui n’est pas la nôtre ? Comment devenir un allié et participer au dialogue interracial sans tomber dans le complexe du Sauveur Blanc (White Savior) ? Existe-t-il un remède à la haine et a-t-on le pouvoir de changer les mentalités ? La réalisatrice ouvre le dialogue sur un sujet brûlant et nécessaire, prenant malheureusement le risque de négliger la sphère plus intime de son film et de ses personnages, auxquels elle ne parvient jamais à donner de profondeur.

Adaptation d’un roman autobiographique et drame social engagé, Chien blanc est un objet cinématographique intéressant mais inabouti. Servi par une mise en scène contemplative et poétique, il suscite un questionnement salutaire sur le racisme et la tolérance, mais manque souvent de profondeur et de subtilité.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucia Piciullina aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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