Caractéristiques
- Titre : Le Comte de Monte Cristo
- Réalisateur(s) : Matthieu Delaporte & Alexandre De La Patellière
- Scénariste(s) : Matthieu Delaporte & Alexandre De La Patellière
- Avec : Pierre Niney, Bastien Bouillon, Anaïs Demoustier, Anamaria Vartolomei, Laurent Laffite, Pierfrancesco Favino, Patrick Mille...
- Distributeur : Pathé Films
- Genre : Aventure, Drame historique
- Pays : France
- Durée : 2h58
- Date de sortie : 28 juin 2024
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Le nouvel opus du Alexandre Dumas Cinematic Universe
Après le diptyque des Trois Mousquetaires, c’est au tour d’Edmond Dantès alias Le Comte de Monte Cristo de subir un lifting sous la direction de Matthieu Delaporte et Alexandre De la Patellière. Appuyés par un budget avoisinant les 43 millions d’euros (de loin le plus gros budget français en 2024) et une durée de près de trois heures pour développer son récit, on peut dire que cette production a su se donner les moyens.
Pour autant, est-ce suffisant pour s’attaquer à un colosse de la littérature comme Le Comte de Monte Cristo ? N’aurait-il pas mieux valu scinder l’histoire en deux comme Les trois mousquetaires: D’Artagnan et Les Trois Mousquetaires : Milady pour adapter l’œuvre avec toutes ses subtilités ?
Edmond Dantès, trahi par ses proches, emprisonné injustement pendant près de 15 ans au château d’If pour finalement revenir exercer sa vengeance à travers moults manigances et masques en tous genres, n’est-t-il finalement pas un peu à l’étroit dans cette nouvelle adaptation ? Comme bien souvent, la vérité est qu’il y a du pour et du contre. Reste à établir lequel emporte ici le morceau.
Du faste et des paillettes
D’emblée, Le Comte de Monte Cristo prouve dans une scène de naufrage en mer visuellement impressionnante que son budget n’a pas été utilisé pour grossir les comptes d’emplois fictifs. La bande originale de Jérôme Rebotier aux accents de Hans Zimmer donne immédiatement le ton : faire du Comte de Monte-Cristo une production digne d’un blockbuster hollywoodien. Naturellement, après cette séquence, comme on n’est pas non plus en train de visionner Bad Boys 5, le récit va ralentir pour poser ses personnages.
Néanmoins, cette intention de vouloir en mettre plein les mirettes au spectateur demeurera, tout au long du métrage, clairement dans le cahier des charges de la production. On se régale évidemment d’admirer le palais parisien du comte de Monte-Cristo, que ce soit ses extérieurs ou l’aspect exotique de la décoration intérieure, sans parler bien sûr des extraordinaires reconstitutions, que ce soit au port de Marseille ou dans les rues parisiennes. On sent bien qu’il y a eu un réel souci du détail dans les décors comme dans l’aspect visuel.
Maintenant, cette bonne intention comporte également son lot de défauts. Par exemple, à force de vouloir un peu trop en faire dans le côté grandiloquent, le film montre l’entrée du Trésor des Templiers avec un escalier en pierre descendant le long de la côte et une magnifique statue gardant l’entrée. C’est joli, mais ça nous fait nous demander immédiatement comment cela se fait que personne n’a jamais eu l’idée d’aller jeter un coup d’œil depuis toutes ces années.
Autre détail : lorsque Dantès s’échappe du château d’If, il doit y avoir environ 1,5 kilomètres d’eau le séparant de la côte.Or, à trop vouloir placer un grand plan large iconique (musique à l’appui), on a l’impression qu’il se retrouve au beau milieu de l’océan à des lieux de toute forme de terre. D’autres petites négligences ponctuent le film, comme le manque d’explication au fait que l’ Abbé Faria a réussi à se procurer des bougies dans sa cellule ou que personne ne reconnaît d’emblée Edmond Dantès après son évasion – y compris une domestique qui le connaissait bien avant, alors qu’il a tout juste plus de barbe (félicitations d’ailleurs à la crème anti-rides vendue au marché noir du château d’If, probablement un bonus pour l’achat d’un lot de dix bougies !).
Bien sûr, tous ces détails pourraient relever du pinaillage mais, en fin de compte, ils font partie d’un ensemble attestant que ce Comte de Monte-Cristo veut tellement faire dans le flamboyant qu’il en oublie parfois que le roman est aussi et surtout une œuvre intimiste, une œuvre de couloirs, d’intrigues, de manigances, de trahisons, et c’est sur ce point que le métrage butte sur un écueil sans couler pour autant.
Il peut être difficile d’adapter au cinéma une histoire aussi longue avec autant de personnages secondaires sans se perdre, mais c’est aussi ce qui fait tout son attrait et, lorsqu’on connaît le roman d’origine, on ne peut que noter l’énorme quantité de raccourcis opérés par le film, ne laissant finalement que l’essentiel. Mais l’essentiel dépourvu de ses oripeaux n’est-il pas comme un Edmond Dantès séparé de sa bien-aimée (on aurait pu dire également de sa fortune par cynisme) ? Un bel écrin qu’on a garni d’un fil rouge et de beaucoup de tape à l’œil, sauf concernant le casting.
Un casting affuté
Il est bon de s’attarder sur les compositions du Comte de Monte Cristo et ce pour deux raisons.
D’abord, parce que l’auteur de ces lignes n’est clairement pas un grand adepte de Pierre Niney, qu’il considère dans la plupart de ses rôles comme beaucoup trop fallot pour donner de la substance à ses personnages. Inutile donc de dire que, malgré que certains travers demeurent, il fut une bonne surprise dans le rôle du Comte de Monte-Cristo, car il a clairement su donner de la profondeur et du charisme à son personnage.
Ensuite, parce qu’autour de lui, le casting évite pratiquement toute fausse note. Du côté des personnages qui composent l’entourage d’Edmond Dantès, l’interprétation d’Anaïs Demoustier dans le rôle de Mercedes est correcte, même si elle est peut-être un peu trop effacée. Les jeunes acteurs font en revanche très bonne impression, que ce soit Anamaria Vartolomei dans le rôle de la jeune Haydée, Vassily Schneider dans celui d’Albert de Morcerf, le fils de l’ennemi juré de Dantès ou Julien de Saint-Jean dans le rôle d’Andréa, un des plus grands appuis du Comte, qui a lui-même une affaire personnelle à régler avec les antagonistes.
Parlons-en d’ailleurs de ces trois lascars qui se taillent la part du lion dans le métrage tant ils rivalisent de malveillance – chacun pourtant avec des motivations et sous des aspects différents.
Si, dans cette version, le personnage de Fernand de Morcerf incarné par Bastien Bouillon est un peu moins mis en avant que dans les adaptations précédentes, il n’en reste pas moins celui qui, par amour pour celle qu’il convoite, n’hésite pas à trahir son meilleur ami. A partir de là, il n’est pas nécessaire d’ajouter quoi que ce soit à son CV, même si le film ne s’en prive tout de même pas – et Bastien Bouillon assume parfaitement ce personnage aussi vil que pathétique, en un certain sens. Dans le rôle du baron Danglars, l’acteur Patrick Mille était peut-être le moins attendu des trois et compose néanmoins un personnage haut en couleurs aussi dangereux quand il a affaire à Edmond Dantès que naïf lorsqu’il est face à Monte-Cristo car, comme il le dit si bien, il se méfie de tous les étrangers et, quand le Comte relève le fait qu’il en est lui-même un, il répond, goguenard : « Vous, ça ne compte pas, vous êtes Comte », avant de s’esclaffer lui-même de sa propre plaisanterie.
Et enfin, le personnage de Laurent Lafitte, Gérard de Villefort, le procureur du Roi, qui décroche sans doute la timbale dans l’ignominie, tant par ses actes que par ses motivations. Laurent Lafitte parvient à apporter des nuances intéressantes à un personnage qui est pourtant totalement pourri et, rien que pour cela, cette composition mérite d’être signalée.
Signalons pour finir également la bonne interprétation de Pierfrancesco Favino dans le rôle capital de l’Abbé Faria, et cela terminera sans doute de vous convaincre que, s’il y a bien une raison pour laquelle vous pouvez aller voir cette version de Monte-Cristo, c’est bien pour son casting.
Le Comte y était presque
Oui le film est beau, plutôt bien réalisé et, soyons honnête, plus accessible en l’état pour de nouvelles générations que s’il était trop littéralement adapté. Néanmoins, il faut aussi parfois savoir s’imposer et si, sur l’aspect extérieur et l’acting, le métrage remplit le cahier des charges, on peut néanmoins clairement lui reprocher un manque d’ambition scénaristique. Copier le cinéma U.S. pour adapter nos œuvres phares a une limite, surtout quand on a vu la version 100% américaine, La vengeance de Monte Cristo en 2002 avec Jim Caviezel et Guy Pearce, un naufrage total.
En l’état, il faut éviter de trop condamner cette nouvelle version. Certes, Pierre Niney, malgré ses efforts, n’a pas le charisme de Jean Marais et le métrage, trop court pour son sujet, n’a pas la précision du téléfilm de 1979 avec Jacques Weber – sans parler du roman d’origine, toujours aussi indépassable. Mais, pour autant, l’effort est louable et si à la prochaine adaptation, les qualités de celui-ci s’avèrent appuyées, à la fois par une réelle ambition scénaristique et une volonté de reproduire l’élan épique et romanesque des films d’antan alors oui, cette fois, le Comte sera bon.