Caractéristiques
- Titre : Le Signe du Païen
- Réalisateur(s) : Douglas Sirk
- Avec : Jack Palance, Jeff Chandler, Ludila Tcherina
- Editeur : Elephant Films
- Date de sortie Blu-Ray : 3 Mai 2016
- Date de sortie originale en salles : 8 Avril 1955
- Durée : 92 minutes
- Note : 7/10 par 1 critique
Image : 4/5
Un travail difficile que celui de la restauration de ce Signe du Païen. Le film étant totalement invisible depuis des années (diffusé n’importe comment sur France 3 en 2006), il est clair que les ravages du temps ont pris soin de s’installer. Le master HD est, cependant, propre au maximum de ce qu’il pouvait proposer, et ce même sur les quelques plans au flou perturbant.
Son : 4/5
Le Signe du Païen est proposé en version originale sous-titrée français, dans une piste DTS-HD Master Audio 2.0 propre malgré un tout petit souffle loin d’être gênant. L’équilibre est parfait, jamais les voix ne se font trop présentes au profit des autres composantes du master audio.
Bonus : 3/5
Une présentation du Signe du Païen par l’intestable Jean-Pierre Dionnet, longue d’une vingtaine de minutes, et qui distille bien des informations comme toujours avec ce grand cinéphile. Une ribambelle de bandes-annonces viennent compléter ce tableau un peu juste mais riche en anecdotes qui nous en disent bien plus sur le film que de plus longs discours.
Synopsis
En 450, les Huns venus de l’Asie sous le signe du paganisme conduits par le plus inhumain des conquérants, le fléau de Dieu1, Attila, ravagent les frontières de l’Empire romain décadent. Les deux capitales Rome et Constantinople sont affaiblies par les rivalités entre les empereurs Valentinien III et Théodose II. Un centurion romain, Marcian, qui portait un message de Valentinien à Théodose est capturé par les Huns. Attila apprécie sa vaillance et l’épargne, pour qu’il apprenne aux Huns la façon de combattre des Romains. Marcian s’évade, gagne Constantinople pour informer l’empereur Théodose du projet d’Attila : détruire la ville de Rome…
Le film
Un péplum signé par Douglas Sirk, l’un des plus grands réalisateurs de mélodrames, voilà qui ne pouvait qu’attiser la curiosité. Surtout si l’on ajoute que ce film, l’un des plus méconnus de son époque hollywoodienne, est aussi le plus invisible. Totalement oublié jusqu’à ce que l’incontournable éditeur Elephant Films décide d’aborder Sirk, Le Signe du Païen est pourtant une œuvre atypique et fondamentale dans la filmographie de son réalisateur.
Douglas Sirk est un auteur, dans le sens où la carrière de ce réalisateur est traversée de thématiques, d’obsessions. Avec Le Signe du Païen, Sirk ne veut pas tant faire un péplum que tordre ce genre, lui faire prendre la forme qui lui est utile pour son discours. ainsi, le spectateur ne doit pas s’attendre à un film de gladiateurs, ni à une carte postale de l’empire romain telle qu’on se l’est imaginée grâce à ses représentations au cinéma. Le Signe du Païen débute par la capture de Marcian, un centurion très agile au combat, et qui se voit “offert” à l’interrogatoire d’un Attila le Hun là aussi loin de son image reçue. Pas de grandeur des décors, ceux-ci sont certes imposants mais jamais réellement mis en valeur, le réalisateur préférant coller à ses personnages, à leurs dialogues, ce qui fait du Signe du Païen une œuvre à part dans le genre. On est plus dans les complots de palais, les discussions diplomates, que dans l’action tous azimuts. Douglas Sirk cherche à décrire des personnages avant de les balancer dans des situations, et le résultat de cette volonté est bien éloignée de ce qu’un péplum classique peut faire ressentir comme dose d’héroïsme.
D’ailleurs, Le Signe du Païen quitte vite la décadence de Rome pour s’attarder sur celui qui est la véritable attraction du film : Attila le Hun. Barbare violent, qui n’hésite pas à tuer l’un de ses alliés si celui-ci a osé lui tenir tête, on découvre aussi un envers du décors surprenant. Sa relation avec sa fille, Kubra, est au centre de ses intérêts alors que le spectateur sent bien qu’un drame plane au-dessus des têtes. Le ton mélodramatique est bien présent, même si Sirk est ici plus intéressé par le sujet du rapport à Dieu, avec un Attila complètement possédé par la Croix, atteint jusqu’à affirmer la voir en rêve. Celle-ci est présente tout au long de son parcours, jusqu’à la rencontre avec le Pape, moment suspendu du Signe du Païen, où le représentant de la divinité chrétienne est décrit jusque dans sa façon de bouger comme un personnage éminemment sage et aussi mystique qu’effrayant. Attila et sa peur de la Croix, de ce qu’elle a de plus didactique comme emprise sur lui, ne peut plus que faire face à son échec programmé, jusqu’à sa propre chute.
Le Signe du Païen est un bien étrange péplum, plus sombre qu’à l’accoutumée, et qui n’hésite pas à ne pas aborder la religion unique comme une réussite. Pour trouver le ton qui lui sied, notamment en faisant d’Attila une sorte d’URSS fédératrice de l’après seconde guerre mondiale, Douglas Sirk balaie l’envie d’exactitude historique. Que les cinéphiles professeurs d’histoire n’en soit pas surpris : Le Signe du Païen ne cherche aucunement à recréer le contexte mais à utiliser ses multiples conflits pour mieux décrire des personnages, leurs angoisses et leurs faiblesses en priorité. Résultat, ce péplum est avant tout un film à protagonistes et à dialogues, soutenus par des acteurs au sommet. C’est simple, on est sous le charme de cette vraie gueule de cinéma qu’est Jack Palance. Quelle présence physique ! Son maquillage est certes trop prononcé, mais son jeu (bien plus subtile que sont adversaire Jeff Chandler) s’avère subtil, mélange de grâce, d’intelligence quand il faut comprendre son ennemi et de bestialité quand il faut l’attaquer.
Le signe du Païen est donc un Douglas Sirk d’intérêt, étrangement invisible voir mal traité depuis nombre d’années, qui se retrouve enfin en cours de réhabilitation grâce à Elephant Films. Loin des codes du péplum, Sirk ne façonne pas un film de guerre mais un mélodrame d’époque, prend son pied à y trouver une matière plus dramatique, voir pessimiste, que l’étalage de bons sentiments qui est souvent la sève (agréable, dans un autre style) de ces productions. Le Signe du Païen est un film exigeant, certes, mais jamais vain.