Caractéristiques
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Test effectué sur :
- PlayStation 5
- Titre : Silent Hill 2 Remake
- Développeur : Bloober Team
- Editeur : Konami
- Date de sortie : 8 octobre 2024
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- Note : 8/10 par 1 critique
Une longue attente
Presque 20 ans que les fans de la saga Silent Hill attendaient un nouvel opus. L’attente fut longue et le chemin de croix douloureux, en particulier depuis l’annulation du Silent Hills d’Hideo Kojima en 2015.
Quelle ne fut donc pas notre surprise lorsque l’éditeur et développeur japonais Konami décide de relancer la franchise avec le remake du deuxième opus par Bloober Team. Certes, l’avantage de cette idée est qu’en plus d’être sans doute l’épisode le plus culte de la saga, il est également indépendant du fil rouge de la plupart des autres opus (la secte, la résurrection du démon…).
Néanmoins, son scénario ainsi que sa direction artistique sont tellement restés dans les mémoires que l’exercice confinait presque à un suicide, surtout que des portages sur des plateformes modernes avec une HD collection ont déjà été faits il y a de ça quelques années mais, malgré des bandes sons travaillées et les nouveaux doublages, l’ensemble du travail était trop bâclé pour convaincre vraiment les puristes de la première heure.
Autre inquiétude : le développeur Bloober Team, malgré quelques succès comme les Layers of Fear ou le jeu d’horreur cyberpunk Observer, n’était à première vue pas le meilleur choix pour proposer un produit solide.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore James Sunderland, un homme apparemment banal mais qui semble au bout du rouleau depuis le décès de son épouse Mary trois ans plus tôt d’une maladie, l’histoire débute alors qu’il prend une pause dans des toilettes publiques à quelques kilomètres de la ville de Silent Hill, où le couple avait déjà passé des vacances et où James avait promis de ramener Mary un jour. Il a récemment reçu une lettre lui disant justement qu’elle l’attendait là-bas. Impossible ? Certainement, mais James est animé par l’énergie du désespoir et décide tout de même de franchir les portes de la ville maudite afin d’en avoir le cœur net.
Une histoire et des personnages intemporels
Laissant immédiatement place à la nostalgie, les brumes de Silent Hill nous accablent dès le début de l’histoire. James Sunderland parcourt cette ville dans laquelle il a jadis eu des souvenirs heureux avec sa femme, mais qui est à présent plongée dans un brouillard étrange habité par des créatures difformes et grotesques arpentant les rues et les bâtiments à la place des habitants.
Afin de ne pas froisser les puristes, Bluestream n’a pris aucun risque en collant à la lettre à l’histoire d’origine de l’époque, que ce soit la narration, les dialogues ou les musiques (avec cependant quelques instruments supplémentaires, le toujours génial Akira Yamaoka modernise sa propre B.O.), rien n’a réellement changé de ce côté-ci à quelques brillantes idées près, comme les sensations de déjà-vu ou la quête des mystérieuses photos numérotées, dont l’hypothétique résolution a récemment mis les fans en ébullition.
Les personnages sont les mêmes également, que ce soit la pauvre Angela victime d’un traumatisme qui la pousse à s’enfoncer elle aussi dans les méandres de Silent Hill à la recherche de sa mère, Eddy toujours aussi instable et la jeune Laura, espiègle mais terriblement mystérieuse et clairement liée au passé de James et de Mary. Sans oublier, bien sûr, Maria, étrange sosie de la femme décédée (ou pas) de James, aussi séduisante qu’inquiétante, et qui constitue à elle seule quasiment tous les rebondissements de l’intrigue.
Comme nous l’avons dit, l’histoire en elle-même n’a pas changé, mais l’emballage, lui, s’est magnifiquement enrichi grâce à de nouvelles cinématiques beaucoup plus abouties techniquement et doublées cette fois-ci par des comédiens de talent. Cela permet une meilleure empathie et d’étoffer, que ce soit par quelques petits dialogues ou images supplémentaires, une intrigue aussi touchante que dramatique. Au-delà des cinématiques, c’est le jeu dans son ensemble qui a pris un immense coup de jeune et on voit que le moteur UnReal Engine a été poussé dans ses retranchements.
Là où le brouillard dans la version d’origine servait à souvent à cacher un peu la misère, ici, il devient une entité à part entière, qui semble littéralement posséder la ville entière. En revanche, si le jeu avait été plus ou moins promis comme un monde ouvert, cette promesse-là n’est en fait que partiellement tenue. Bien sûr, nous pouvons désormais circuler beaucoup plus à notre gré dans Silent Hill et découvrir plusieurs bâtiments facultatifs au-delà de l’intrigue principale (avec une carte consultable en temps réel, qui se met à jour elle-même, un très bon point pour ne pas casser le rythme), mais, en revanche, impossible de revenir dans les quartiers visités précédemment, et la plupart de ces recherches concernent quelques objets à récupérer ou quelques devinettes pour obtenir des coupures de journaux ou autres informations. Si cela participe à la mythologie de l’histoire de la ville, en revanche, le tout fait un peu redondant au bout d’un moment, et il aurait peut-être été préférable d’ajouter quelques vraies quêtes annexes, avec des narrations et récompenses individuelles à la clé comme dans Silent Hill Downpour (certainement l’épisode le plus injustement sous-estimé de la saga).
Autre point fort : les éclairages et les textures sont particulièrement soignées, donnant souvent à la ville et à ses bâtiments intérieurs des atmosphères extrêmement inquiétantes et claustrophobes, apportant à l’ensemble une dimension plus cinématographique. Grâce à cela, on ressent d’autant plus l’état de délabrement de la ville, surtout que l’on sent bien qu’ il y a eu une vie avant la malédiction qui a frappé la cité. Un petit bémol cependant : les décors de l’autre monde semblent moins dérangeants que dans l’ancienne version, la faute à un aspect plus industriel et beaucoup moins glauque ou malsain que ce à quoi la saga nous a précédemment habitués.
L’angoisse est tout de même au rendez-vous avec ses textures orange délavées et l’éternel radio qui grésille à l’approche des ennemis, mais force est de reconnaître que les décors comme l’obscurité finissent plus par devenir dérangeants que réellement inquiétants.
Des monstres et des hommes
Si se contenter d’un lifting technique sans toucher au scénario peut ressembler à une bonne idée, il n’en va pas de même pour le bestiaire ennemi, qui aurait énormément gagné à s’étoffer dans cette nouvelle version.
Si le design a été retravaillé et que la plupart des ennemis instaurent le malaise nécessaire, il faut bien se rendre compte que, hormis les boss, il n’existe à peu près que 3 ou 4 types d’ennemis maximum pour environ 15h de jeu, ce qui est très peu. A la longue, cela devient très vite répétitif, en particulier lorsqu’il s’agit des mannequins, particulièrement pénibles car, comme nous l’avons dit, si le grésillement de votre radio vous alerte des monstres qui approchent, les mannequins échappent à cette règle tant qu’ils restent immobiles, ce qui aboutit littéralement à un festival de jump scare, une méthode pour faire sursauter devenue malheureusement habituelle au cinéma, et dont on se serait très bien passé dans ce remake car, même le scénario abuse souvent de cet effet (portes qui claquent, objets qui tombent…).
Autre problème : si le système de combat a été revu et repensé (c’était indispensable vu sa nullité dans la version d’origine) grâce à une caméra derrière l’épaule, ou autrement dit à la « Third Person Shooter », rendant les affrontements plus nerveux (mais nettement moins intenses que ceux de Resident Evil 4) en permettant à James d’esquiver les attaques, de frapper ou de tirer sur les monstres avant les achever au sol à coups de pied, la lassitude finit tout de même par nous gagner. On regrettera d’ailleurs qu’aucun système de parade n’ait été ajouté.
Les affrontements, au bout de quelques heures, finissent toujours par se répéter avec les mêmes ennemis qui nous agressent et ceci même si les situations diffèrent un peu selon les moments où vous êtes à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment et que cela vous oblige à toujours rester sur le qui-vive.
Par contre, on se demande pourquoi les concepteurs ont cru bon d’ajouter des tâches rouges sur le bord de l’écran quand James est blessé. Elles sont moches et plutôt inutiles compte tenu du fait qu’il fallait laisser le sang maculer la veste du personnage comme autrefois, ce qui suffisait largement à nous alerter.
Vous êtes également obligé de toujours surveiller autour de vous car certains environnements sont littéralement plongés dans le noir, ce qui est un peu ridicule vu que, pour surprendre certains ennemis comme les infirmières, il est conseillé d’éteindre la lumière car c’est la manière qu’ils ont de vous repérer. Problème : une fois que vous éteignez votre lampe, vous ne voyez plus rien vous-même !
Un petit bémol supplémentaire qui, fort heureusement, ne gâche tout de même pas l’expérience… ou alors peut être un peu dans les modes plus difficiles, où la fuite devient vite la norme.
Par contre, mention spéciale pour les boss et les énigmes, l’un comme l’autre ayant subi un lifting inspiré. Pyramide Head retrouve son aura terrifiante (merci au character designer Masahiro Ito) et la qualité des bruitages de ce remake prend tout son sens quand le monstre fait crisser sa lame sur le sol. Il n’est néanmoins pas seul à bénéficier d’améliorations, les combats contre Flesh Lips et Abstract Daddy ont eux aussi gagné en intensité même si, là encore, on aurait souhaité quelques boss inédits.
Pour les énigmes, en revanche, c’est un sans faute. Adieu les casse-têtes tirés par les cheveux et bienvenu à de vrais moments d’observation et de réflexion logiques – le tout dans des espaces souvent très stylisés. Un excellent point pour ce remake.
Un cauchemar qui se répète
Pour conclure cette critique, nous voudrions souligner la grande rejouabilité de ce remake (à réserver surtout aux mordus de cet opus cependant), avec huit fins possibles (dont trois dès la première partie et deux autres inédites) et le new game +, avec possibilité d’insérer des filtres d’images, dont le filtre 90’s avec le grain et les couleurs ternes de l’ancienne version, ainsi que de désactiver les indicateurs à l’écran, comme le nombre de munitions ou le sang sur les bords de l’écran (une idée qui, de toute façon, n’aurait jamais dû germer) obtenant ainsi l’image épurée de toutes aides qui ravira les adeptes de la première heure.
Le studio Blooper Team a donc majoritairement réussi son pari en remettant au goût du jour un classique du survival horror. Néanmoins, le jeu n’est pas pour autant sans défauts et, si certains passages ont été modifiés ou rallongés pour le meilleur, d’autres, en revanche, peuvent créer la lassitude en raison d’ennemis (très) redondants et de situations qui traînent inutilement en longueur pour tenter d’allonger artificiellement la durée de vie du jeu.
Sans parler des combats qui, malgré des améliorations notables, manquent toujours de dynamisme, des jump scares à gogos proprement insupportables à la longue et un « Otherworld » décevant dans ses transitions et son design global.
Reste néanmoins de sérieux points forts, comme une direction artistique somptueuse (le jeu est une claque graphique à l’ambiance prenante), des musiques remises brillamment au goût du jour et des bruitages qui continueront à vous hanter bien après avoir éteint la console.
Et, bien sûr, son histoire intemporelle, dont les thématiques fortes n’ont pas pris une ride (preuve supplémentaire si besoin en était de l’incroyable modernité de l’original à son époque) et qui continue à nous accrocher plus de vingt ans après. Tellement accroché que parcourir Silent Hill aux côtés de James Sunderland ne revient pas à jouer un personnage, non, nous sommes le personnage, nous partageons ses doutes, ses peurs, ses questionnements, et nous le suivons jusqu’au fond de l’abîme pour découvrir la vérité.
Silent Hill 2 Remake n’est peut pas parfait sur tous les points (comme son aîné, d’ailleurs), mais son histoire elle l’est, et ça suffit pour le considérer toujours comme un grand jeu.