Sorti en début d’année en salles en France, Les Chambres Rouges du réalisateur québécois Pascal Plante annonçait sans ambages en slogan de son affiche, où apparaît le visage de son personnage principal, Kelly-Ann (interprété par Juliette Gariépy) : « Chaque tueur en série a ses adoratrices », laissant augurer d’un film avec de jeunes groupies comme celles que le gourou Charles Manson avait réunies autour de lui en Californie à la fin des années 60, étendant son emprise sur ces jeunes filles à priori ordinaires avant de les convaincre de tuer différentes personnes de manière abjecte dans ce qui demeure l’une des affaires les plus glaçantes de cette époque, signant la fin du flower power et la relative innocence qui l’accompagnait jusque-là. Cela aurait été un parti pris, certes déjà vu et déjà lu (l’excellent roman d’Emma Cline, The Girls), mais bien évidemment intéressant.
Cependant, le film de Pascal Plante est bien plus complexe, intrigant et passionnant que ce que cette accroche laissait augurer comme nous allons le voir ici…
Entre froide fascination et empathie tout feu tout flamme
Dans Les chambres rouges, nous suivons, à travers le regard de deux jeunes femmes qui y assistent tous les jours et se rencontrent sur place, le procès d’un possible tueur en série ayant kidnappé, violé et assassiné trois adolescentes blondes. La première, Clémentine (Laurie Babin), petit oisillon tombé du nid tout feu tout flamme, pense en être amoureuse et croit dur comme fer à son innocence, criant à l’erreur judiciaire contre un pauvre type servant de bouc-émissaire. La seconde, Kelly-Ann (Juliette Gariépy), le personnage principal, à l’attitude froide et pragmatique, est indéchiffrable. Tente-t-elle de se faire un avis sur cette affaire et de déterminer si l’accusé est coupable, ou bien éprouve-t-elle seulement une fascination morbide pour cette affaire d’une violence inouïe qui émeut tout le pays ? Mannequin et hackeuse hors pair à ses heures perdues, elle commence à enquêter de son côté et manifeste progressivement un trouble malsain dont le spectateur aura du mal à cerner la nature… et sans jamais pouvoir véritablement percer le secret de sa personnalité et de son comportement par la suite.
Le film nous conduira alors à éprouver une fascination pour un personnage opaque et souvent hermétique dont le comportement interroge, puis suscite le malaise et, par moments, un sentiment d’effroi, mais dont on devine qu’il cache quelque chose de plus complexe que ce que sa surface froide et clinique pourrait laisser supposer. Le spectateur se retrouve alors dans la peau d’un enquêteur tentant de sonder les profondeurs de cette figure spectrale à la beauté diaphane qui, elle-même, se comporte en enquêtrice dont les motivations resteront troubles pendant une grande partie du métrage. Le tout par le prisme de l’empathie : peut-on s’identifier à un personnage ne montrant presque jamais aucune émotion ? Ou pour un personnage éprouvant une trop grande empathie pour un monstre humain ?
Ce thème de l’empathie se pose également à l’égard des victimes, la mère de l’une d’entre elles s’en prenant aux groupies de l’accusé, dont le comportement la dégoûte. Kelly-Ann et Clémentine en sont-elles dépourvues ? Et sont-elles véritablement des groupies ?
Vidéos de meurtres en ligne et rapport au réel
Et quid du rapport entre images de crimes mises à disposition (illégalement) en ligne et rapport ou déconnexion à la réalité des personnes qui les consultent ? Car l’autre particularité des Chambres Rouges est de s’intéresser aux réseaux clandestins qui, contre de très grosses sommes d’argent versées en cryptomonnaie, donnent accès à des contenus criminels au sein de « chambres rouges » – ici, il s’agit des vidéos des meurtres des jeunes filles assassinées par le tueur, la justice n’étant pas parvenue à mettre la main sur la dernière. Clémentine refuse de voir ces vidéos et estime ne pas en avoir besoin pour savoir que l’accusé est innocent tandis que Kelly-Ann les a non seulement vues, mais a également parcouru méthodiquement (légalement, mais aussi illégalement en ayant recours au hacking) de nombreux éléments du dossier, a réussi à retrouver la maison de la mère de la dernière victime et à trouver le code de son système de sécurité sans que l’on sache forcément ce qu’elle cherche à faire…
La seconde question sous-jacente, au-delà de la fascination de certains pour des affaires criminelles médiatisées, est ainsi de savoir ce qui pousse des personnes (au-delà du juteux business que cela représente pour les criminels à la tête de ces réseaux) à accéder à de tels contenus au mépris, non seulement de la loi, mais de la dignité humaine ? Que cherchent-elles exactement ?
Une question complexe, à laquelle il est difficile de répondre, et qui m’intéressait d’autant plus que, dans les premières années de la vie du site, alors que celui-ci n’était encore qu’un blog, j’avais été interpellée et choquée de trouver, parmi les requêtes récurrentes ayant mené à des clics sur le site depuis les moteurs de recherche, « viol en direct ». La ou les personnes ayant tapé cette requête avaient ensuite cliqué sur ma critique de l’album Little Earthquakes de Tori Amos, dont une chanson parle d’un viol, raconté du point de vue de la victime. La requête était revenue, de manière répétée, pendant plusieurs semaines d’affilée, me posant véritablement question. Après avoir vérifié qu’aucun film ou documentaire ne portait ce nom (ce n’était pas le cas), choquée et dégoûtée (Tori Amos a aidé à fonder un réseau d’aide aux victimes aux États-Unis et sa chanson « Me and a Gun » est un symbole de cette lutte), j’avais écrit un long bulletin d’humeur à travers lequel je m’adressais à ces personnes et tentait de les comprendre, de me mettre à leur place, pour mieux les interpeller sur leur comportement.
Si ces personnes étaient déconnectées de la réalité ou tentaient de se convaincre que des images filmées ne pouvaient enregistrer de faits véritablement « réels » car faisant appel à une mise en scène, l’écran servant de filtre, le fait même de taper « en direct » ramenait foncièrement et clairement à la réalité, au vrai. Alors, qu’est-ce qui pouvait potentiellement les motiver ? Je n’avais, bien sûr, pas pu trouver de véritable réponse et mon long article avait davantage tenu lieu de réquisitoire contre la culture du viol et les biais qui peuvent faire qu’un individu peut se mentir à lui-même et tordre la réalité pour éviter d’avoir à affronter ses responsabilités et ses problèmes, qu’il s’agisse d’un violeur ou d’une personne ne faisant « que » regarder de tels contenus en ligne pour son plaisir personnel.
Le film de Pascal Plante n’apporte, bien sûr, pas de réponse définitive, ni même aucune réponse évidente. Et il prend même avec Kelly-Ann, comme nous allons le voir, des chemins de traverse passionnants, en faisant un personnage féminin aussi trouble que marquant…
Kelly-Ann, une figure ambivalente et mystérieuse pour interroger notre rapport aux images
A travers ces deux figures féminines diamétralement opposées mais unies par leur fascination pour ce procès, Pascal Plante interroge et sonde ce type de profondeurs dans Les chambres rouges, en se gardant bien de trop orienter notre vision et notre interprétation. En ne s’écartant jamais du regard de ces deux personnages (et plus particulièrement de celui de Kelly-Ann), le réalisateur québécois nous pousse, en les sondant, à sonder également en nous, à la manière d’un enquêteur de film noir, pour tenter de comprendre.
Nous nous intéresserons plus particulièrement ici à Kelly-Ann, qui est, bien davantage que la question de la culpabilité de l’accusé, le véritable mystère du film et apparaît comme un personnage à tiroirs, une figure « ouvrante », entre la Laura Palmer de Twin Peaks (qui possédait, au cœur de son mystère, sa propre « red room », métaphorique celle-là), une internaute à la personnalité déviante et une enquêtrice (voyeuse ou justicière ?), mi-profileuse, mi-Lisbeth Salander.
Le premier plan du film nous montre Kelly-Ann dormir dans la rue à quelques mètres du tribunal afin d’être dans les premières dans la file d’attente pour assister à l’ouverture du procès, puis la caméra suit la jeune femme entrer, passer les contrôles et s’installer dans la salle d’audience, discrète parmi les autres personnes venues assister à cette première séance.
Une grosse partie de la scène qui suit se focalise ensuite sur l’avocate des victimes et l’avocat de la défense, l’accusé silencieux dans sa cage de verre (on ne l’entendra pas prononcer un seul mot de tout le film) et la mère de la dernière victime. Nous voyons souvent Kelly-Ann en arrière-plan, mais sans que le cadre se focalise sur elle… Jusqu’au moment où, alors que l’avocat de l’accusé met en doute la solidité des preuves contre son client, la caméra effectue un lent travelling avant jusqu’à cadrer le visage de la jeune femme en gros plan. Celle-ci, concentrée, semble absorber tous les éléments évoqués tout en affichant un air assez difficile à cerner, tourné vers l’intérieur et comme hanté, puis regardant visiblement l’accusé hors champ avant d’afficher un air songeur.
Une larme dégouline de son œil à la fin de la séquence, lorsque l’avocat rappelle au jury qu’il n’y a actuellement aucune preuve déterminante permettant d’identifier avec certitude l’homme cagoulé apparaissant sur les vidéos des meurtres. « Nous n’avons pas ce témoin-là ». Kelly-Ann est-elle émue par la possibilité que cet homme a l’air aussi ordinaire que sombre et pathétique ait pu être piégé ou bien par l’absence de preuves formelles (et notamment la vidéo du dernier meurtre) pour le faire condamner ? Impossible de le dire… De même, alors que, dans la séquence suivante, les propos de Clémentine ne souffrent aucune interprétation (il n’y a aucun doute dans son esprit sur le fait qu’il ait été piégé), ceux de Kelly-Ann ne peuvent être interprétés dans un sens ou dans l’autre. Elle était « curieuse », elle « voulait le voir ».
Un personnage indéchiffrable ?
On a donc plutôt l’impression qu’elle cherche à se faire sa propre idée sur la culpabilité de l’accusé, quels que soient les motifs de cette curiosité. Son émotion (et même l’air hagard qu’elle affiche à un moment donné), laisse cependant à penser que quelque chose la touche sans doute personnellement dans cette affaire, de même que sa détermination pour assister à chacune des séances du procès, quitte à dormir dans la rue. Mais, à ce stade, tout ce que nous pouvons éventuellement supposer du personnage tient de la projection… et peut clairement être biaisé par le slogan présent sur l’affiche du film. Avec son teint de porcelaine rendu blafard par les néons de la salle d’audience, ses cheveux de jais, sa tenue noire et sa croix autour du cou, le spectateur pourrait de prime abord être tenté de voir en Kelly-Ann une fan de serial killers obsédée par la mort et ne faisant preuve d’aucun recul.
Pourtant, dès le départ, son expression indéchiffrable tout en intériorité et concentration, son attitude corporelle introvertie laissant apparaître une grande volonté de maîtrise, brouille les pistes. Et lors de sa première vraie conversation avec Clémentine, on se rend compte qu’elle a un véritable recul critique sur les faits et l’accusé. La mise en scène annonce dès le départ que, si le personnage cherchera sans doute à percer le secret de cette affaire grâce à la vidéo manquante (sur laquelle l’accent est mis très tôt dans le film), Kelly-Ann fait elle-même figure de mystère inscrit au cœur du métrage, de manière finalement bien plus centrale que l’histoire criminelle qui nous est racontée, et dont la résolution est en réalité secondaire.
Personnage discret, cherchant à se fondre dans la masse et à rester en périphérie, la jeune femme est sondée par la caméra sans que celle-ci puisse véritablement accéder à ses états d’âme. Elle apparaît ici comme une sorte de version gothique et contemporaine de la Vénus de Boticcelli, dont le regard de biais est tourné vers un ailleurs qui la rend inaccessible à celui qui la regarde.
Femme ou machine ?
Ses échanges avec Guenièvre, l’IA qu’elle utilise et son air souvent neutre et concentré, voire focalisé, l’apparentent également, du propre aveu de Pascal Plante dans l’entretien présent dans les bonus du Blu-ray, à une sorte de machine ou d’ordinateur qui s’humaniserait ou tenterait de s’humaniser progressivement. Lors d’une scène où Clémentine et Kelly-Ann mangent chez la jeune femme, le parallèle entre les deux apparaît d’ailleurs assez clairement. Au cours du dialogue, il est dit que Guenièvre voit, écoute et entend tout, ce qui fait clairement penser à Kelly-Ann qui semble se mettre en condition afin d’absorber un maximum d’informations avant d’effectuer des recherches en ligne et d’analyser tout méthodiquement et sans affect apparent. Lorsque la question de la sécurité se pose, Kelly-Ann explique alors qu’elle a fait en sorte que personne ne puisse pirater sa connexion et accéder aux données de l’IA. « Elle est vraiment impénétrable », se félicite Kelly-Ann. Un constat qui est également valable pour elle-même.
Il n’est d’ailleurs pas anodin que la jeune femme, qui affiche des traits fins et une apparence intemporelle et éthérée, ait choisi Guenièvre, un prénom médiéval (et arthurien) pour son intelligence artificielle – elle aurait tout aussi bien pu choisir ce pseudo pour elle-même. Guenièvre ne représente-t-elle pas, au fond, un idéal à atteindre, un modèle de perfection pour Kelly-Ann, qui aimerait probablement être sans affects et ne jamais se laisser submerger par ses émotions ? Bien sûr, la suite du film montrera que cela est impossible et que cette volonté de contrôle jusqu’au-boutiste (qui passe aussi par le contrôle de son corps par le biais du sport et d’une alimentation stricte) masque un trouble profond…
L’appartement qu’elle occupe, tout aussi froid (si ce n’est davantage) et presque vide si ce n’est ses deux ordinateurs près de la cuisine ouverte, est d’une neutralité assez perturbante. Presque aucune décoration, aucun objet personnel ni la moindre trace de poussière ou de vie véritable.
L’empathie derrière le contrôle émotionnel
On ressent cependant son empathie à de nombreux moments du film pour Clémentine l’écorchée vive, qu’elle héberge chez elle : lorsque celle-ci s’effondre en larmes après avoir appelé l’émission en direct qu’elles regardent et où l’affaire est évoquée, on la voit poser sa main sur son épaule en une rare démonstration physique, même si son visage reste hors champ à ce moment-là, la caméra préférant s’attacher à celui de Clémentine, qui semble posséder l’ébullition émotionnelle (qui la submerge en permanence) qui fait défaut à Kelly-Ann.
En un sens, les deux femmes sont complémentaires puisque Kelly-Ann possède (pendant la première partie du métrage du moins) le recul intellectuel qu’est incapable d’avoir Clémentine, qui n’hésite pas à interpréter les faits d’une manière qui puisse lui donner raison, même quand cela semble hautement improbable ou que la prudence devrait être de mise. A mesure qu’elle se rapproche de Clémentine (et même si l’on sent qu’elle ne partage pas son ressenti quant à l’accusé ou qu’elle peut l’agacer par moments), son expression et son attitude se relâchent progressivement. Elle lui ouvre son monde et partage certaines activités en dehors du procès avec elle, elle qui jusque-là semblait avoir pour principale compagnie son IA. Elle devient plus chaleureuse et (aux yeux du spectateur), plus « humaine », grâce à son empathie pour la jeune fille et son envie de la protéger. On peut alors davantage s’identifier à elle, quand bien même ses motivations pour assister au procès et disséquer les faits restent opaques.
Néanmoins, son contrôle émotionnel, quoique moins important, est toujours là. Il reste manifeste quand elle explique le principe du poker en ligne à Clémentine et pourquoi elle aime y jouer. « Il n’y a pas vraiment d’émotion. Et quand tu trouves des joueurs émotifs, tu les dépouilles », explique-t-elle ainsi avec une mine assez enthousiaste.
Clémentine : projeter ses propres émotions et fêlures
Peu de temps après, elle cherche à protéger Clémentine afin qu’elle ne voit pas la vidéo de l’un des meurtres en l’accompagnant hors de la salle d’audience. C’est cette dernière qui, comprenant que Kelly-Ann a eu accès à cette vidéo avant le procès, insiste pour voir lorsque ses certitudes sur l’innocence de l’accusé, Ludovic Chevalier, vacillent. Une fois qu’elle aura vu la vidéo et les yeux du meurtrier encagoulé en gros plan lorsqu’il se penche pour arrêter la caméra, elle ne pourra plus se mentir et projeter ses émotions sur cet homme : elle a clairement compris qu’il était véritablement coupable. Le regard rempli de larmes et vaincu, abattu qu’elle affiche à ce moment-là témoigne de sa perte d’illusion à cet égard, elle qui avait probablement projeté sur ce criminel auteur de crimes abjects sa propre solitude et sentiment de marginalisation.
Là encore, comme pour Kelly-Ann, on ne saura jamais quelle est l’histoire et le passé de Clémentine, ni ce qu’elle a pu vivre pour en arriver là. Mais son comportement laisse comprendre en creux beaucoup de choses… et notamment le fait qu’en cherchant à humaniser cet homme accusé de crimes aussi horribles, elle cherchait sans doute à panser ses propres plaies, sa propre part d’ombre qu’elle pouvait peut-être (consciemment ou non) ressentir comme étant monstrueuse, alors que sa détresse est avant tout l’expression d’un vécu douloureux et traumatique dont elle est sans doute bien plus victime que responsable. On peut avoir vécu des événements durs, violents, voire « sordides » selon la conception du commun des mortels, cela ne signifie pas pour autant qu’on l’est soi-même. Ce même constat, en miroir, se posera également pour Kelly-Ann qui, elle, ne cherche pas à humaniser le tueur, par la suite.
Détourner ou ne pas détourner le regard face à l’horreur ?
En dehors de la question, abordée à plusieurs reprises au sein de la première moitié du film, du voyeurisme de certains internautes face à ces images, c’est la volonté de ne pas détourner le regard pour voir la vérité en face qui ressort dans la seconde – même si cela reste peut-être assez subtil, voire volontairement ambivalent en ce qui concerne le personnage de Kelly-Ann, surtout lors d’une première vision du métrage – après tout, le réalisateur a pris soin, durant la promotion du film mais aussi dans les suppléments du Blu-ray, de ne pas tuer le mystère entourant le personnage (et ce que les spectateurs pourraient y projeter) en livrant trop de clés sur sa vision personnelle des choses.
D’ailleurs, dans la séquence où Kelly-Ann dit à Clémentine qu’il ne faut vraiment pas qu’elle voit ces images, le gros plan sur son visage, qui exprime cette fois pleinement son émotion (et, là encore, son empathie pour son amie), révèle bien plus clairement que mille discours qu’elle a pleinement conscience de l’atrocité du crime. On sent également dans son regard qu’elle aimerait préserver l’innocence de la jeune fille, alors qu’elle-même l’a perdue. Ce passage permet de voir autrement le personnage. La scène suggère, en creux, des raisons plus complexes au comportement de Kelly-Ann que ce que l’on pourrait croire.
Néanmoins, à partir de là, les vannes semblent ouvertes et ce ne sont pas uniquement les émotions saines et positives de la jeune femme qui ressortiront, mais aussi la partie la plus sombre tapie en elle comme l’annonce le shooting photo auquel elle participe et au cours duquel elle semble laisser ses démons s’exprimer, sortant de l’aspect figé et contrôlé des quelques photos de mannequinat que nous avions vues s’afficher sur l’écran de son ordinateur. Un exorcisme sain, à ce moment-là, puisqu’il passe par l’expression artistique. Cependant, cette courte séquence, accompagnée d’une musique métal avec des chœurs résonnant comme des cris, représente également un point de bascule dramaturgique pour le personnage, annonçant sa plongée en solitaire et sans filet dans l’horreur. On comprendra alors, en creux, pourquoi elle accorde une telle importance au contrôle émotionnel… et ce même si celui-ci accentue sans doute la force avec laquelle son trouble s’exprime par la suite… Seconde et dernière partie de l’analyse à venir.