[Critique] Substitution : La nouvelle pépite des frères Philippou

Caractéristiques

  • Titre : Substitution - Bring Her Back
  • Titre original : Bring Her Back
  • Réalisateur(s) : Danny et Michael Philippou
  • Scénariste(s) : Danny et Michael Philippou
  • Avec : Sally Hawkins, Billy Barratt, Sora Wong, Jonah Wren Phillips, Sally Anne Upton...
  • Distributeur : Sony Pictures Releasing France
  • Genre : Epouvante-horreur, Thriller
  • Pays : Australie
  • Durée : 99 minutes
  • Date de sortie : 30 juillet 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 8/10

Après le succès remarqué de La Main en 2023, les frères Philippou, cinéastes et scénaristes australiens connus notamment pour leur chaîne YouTube parodique RackaRacka, reviennent avec Substitution (Bring Her Back dans son titre original). Cette nouvelle œuvre confirme leur talent pour mêler horreur viscérale et profondeur émotionnelle, tout en renouvelant les codes du genre.

Drame familial sous l’apparat de l’horreur

Piper (Sora Wong), adolescente malvoyante, vit sous la protection vigilante de son frère aîné Andy (Billy Barratt). Le film s’ouvre comme un teen movie : cadre scolaire et familial, quête d’intégration… Mais le décès soudain de leur père, pourtant en rémission d’un cancer, bouleverse cet équilibre. Tant qu’Andy n’est pas majeur, Piper doit être placée en famille d’accueil. Il obtient de l’accompagner temporairement chez Laura (Sally Hawkins), ancienne psychologue des services sociaux reconvertie en mère adoptive. Douce mais instable, cette dernière semble immédiatement fascinée par Piper, qui lui rappelle sa fille défunte, Cathy, elle aussi malvoyante et morte noyée dans leur piscine. Lorsque Andy et Piper découvrent Oliver (Jonah Wren Phillips), autre enfant recueilli et mutique, l’atmosphère devient oppressante…

Derrière ses apparences de drame familial, le film glisse progressivement vers une horreur psychologique savamment orchestrée. Dès l’installation chez Laura, les signes d’un malaise diffus s’accumulent : pas de portes aux chambres, fouilles intrusives, absence d’intimité… La tension monte jusqu’à basculer dans un registre fantastique plus frontal, avec des scènes de possession brutales et une violence très graphique. La mise en scène, précise et inventive, mêle élégance macabre et menace constante. Les frères Philippou convoquent l’horreur pour explorer des blessures humaines : le deuil, l’obsession maternelle et la fragilité des liens familiaux.

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Écrin macabre pour acteurs habités

Les réalisateurs confirment leur savoir-faire visuel avec des cadrages souvent décalés, des arrière-plans volontairement flous ou instables, instaurant un sentiment d’inquiétude latent. La piscine vide, devenue décor spectral, revient comme un motif de malaise. Le film ouvre d’ailleurs sur des images filmées en caméra amateur, d’une cérémonie obscure dans une langue inconnue, ajoutant une touche occulte dérangeante. Piper, presque aveugle, perçoit le monde à travers les lumières et les ombres : une contrainte habilement intégrée à la narration qui offre des scènes visuellement puissantes. Le travail sur le son est également remarquable : bruits inquiétants ou étouffés pour traduire le stress ou la désorientation des personnages, moments de musique forte (rock, house music) dans des scènes d’exutoire où les personnages tentent de reprendre le contrôle.

Si le scénario reste assez classique pour le genre, l’exécution fait toute la différence. Le film ne laisse aucun temps mort, tenant le spectateur en haleine pendant près de deux heures. L’intensité du rythme et le soin porté à chaque plan témoignent de la maîtrise des Philippou. Le casting est également d’une grande justesse. Sora Wong et Billy Barratt forment un duo crédible et touchant, tandis que Sally Hawkins livre une performance glaçante. Laura manipule subtilement, attise les tensions et installe une emprise insidieuse. Une interprétation troublante pour un personnage qui l’est tout autant.

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Renouveler l’effroi : des codes familiers aux détours inattendus

Substitution joue habilement avec les conventions du cinéma d’horreur, qu’il tord et réinvente sans jamais les caricaturer. Piper, malgré sa cécité partielle, n’est jamais une simple victime : c’est une protagoniste active, intuitive, dont la perception sensorielle devient le moteur d’un langage cinématographique original. La mise en scène épouse son point de vue et sa confusion, brouillant en permanence la frontière entre réalité et hallucination. La maison d’accueil, loin du cliché angoissant, s’ancre dans une normalité trompeuse. C’est sa banalité même qui devient inquiétante. Le film construit ainsi une angoisse plus insidieuse, plus intime, où l’étrange se glisse dans le quotidien.

Dans ce second long-métrage, Danny et Michael Philippou parviennent à faire évoluer leur cinéma : moins frontal que La Main, leur précédent succès, il gagne en maturité, en nuances, sans rien perdre de son intensité visuelle. La sorcellerie, la possession et les scènes choc ne sont pas gratuitement sanglantes. Elles traduisent des traumas profonds, tels que le deuil, la difficulté de grandir ou l’emprise familiale. Derrière l’horreur graphique, c’est un drame humain qui se dessine, sensible, dérangeant, et profondément incarné.

Avec Substitution, les frères Philippou confirment leur talent, deux ans après leur précédent succès La Main. En enracinant le surnaturel dans le quotidien et en s’appuyant sur une mise en scène sensorielle et des interprètes investis, ils livrent un film aussi éprouvant qu’émouvant. Un cauchemar stylisé traversé de douleurs réelles, qui laisse une empreinte durable une fois les lumières rallumées.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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