[Critique] Exit 8 : Une adaptation fidèle piégée dans sa mécanique

Caractéristiques

  • Titre : Exit 8
  • Titre original : 8-ban deguchi
  • Réalisateur(s) : Genki Kawamura
  • Avec : Kazunari Ninomiya, Yamato Kôchi, Naru Asanuma...
  • Distributeur : ARP Sélection
  • Genre : Epouvante-horreur
  • Pays : Japon
  • Durée : 95 minutes
  • Date de sortie : 3 septembre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 7/10

Présenté en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2025, Exit 8 est le nouveau long-métrage du réalisateur japonais Genki Kawamura (N’oublie pas les fleurs, 2022). Inspiré par le jeu éponyme créé en 2023 par le studio Kotake Create, le film reprend le principe d’un « walking simulator », une expérience sensorielle où le joueur, bloqué dans un couloir de métro, avance sans fin en traquant d’imperceptibles anomalies pour espérer trouver une sortie.

Huis clos et boucle temporelle

Un homme avance seul dans un couloir de métro vide, à la recherche de la sortie numéro 8. Pour l’atteindre, il doit suivre une règle stricte : s’il repère une anomalie — un détail étrange, déplacé, dérangeant — il doit faire demi-tour. S’il ne voit rien d’anormal, il continue. Mais s’il se trompe, il est aussitôt renvoyé au point de départ, piégé dans une boucle sans fin. Le principe, inspiré à la lettre du jeu original, semble d’une simplicité enfantine. Pourtant, c’est cette mécanique répétitive et paranoïaque que le film parvient à transposer avec efficacité. Chaque plan devient une énigme à décoder, chaque détail une menace potentielle. Le réalisateur réussit à maintenir l’attention du spectateur en renouvelant constamment le regard, malgré un décor unique et figé.

Le film s’ouvre sur un plan-séquence en vue subjective, façon GoPro, dans une station de métro bondée, au son intradiégétique du Boléro de Ravel retransmis par les écouteurs du protagoniste. Cette longue scène en POV plonge immédiatement le spectateur dans sa peau : on monte les marches avec lui, on entend sa respiration, son téléphone qui sonne… Au bout de dix minutes, le point de vue subjectif disparaît, mais la mise en scène reste tendue et sensorielle. Caméra resserrée, son hyperréaliste, rythme pesant : tout concourt à entretenir le sentiment d’enfermement. Le film expose clairement ses règles, assumant pleinement son héritage vidéoludique, à la fois divertissant et hautement anxiogène.

image Kazunari Ninomiya exit 8
Copyright 2025 Exit 8 Film Partners

Une tension horrifique inégale

Avec sa durée resserrée d’1h35 et son chapitrage en trois actes, Exit 8 offre un rythme soutenu et une expérience visuelle intrigante. La tension, savamment dosée, repose sur une bande-son discrète mais redoutable : percussions sourdes, bruits lancinants… Kazunari Ninomiya, dans le rôle du protagoniste, s’avère convaincant : souffrant d’asthme, il a souvent recours à sa ventoline, rendant l’urgence encore plus tangible. Autour de lui, Yamato Kôchi et Naru Asanuma complètent un casting resserré mais solide. Le décor, fait de longs couloirs aseptisés, devient un piège mental où chaque angle mort promet une surprise. L’expérience devient alors particulièrement plaisante pour le spectateur qui, comme le héros, se surprend à traquer les anomalies et à redouter chaque détour.

Mais si Exit 8 frôle l’horreur, il n’y plonge jamais complètement. Le film privilégie l’angoisse sourde à la peur frontale, jouant plutôt la carte du purgatoire psychologique. Malgré une fidélité assumée au jeu, il peine parfois à enrichir son univers, et la répétition, propre au concept, menace l’intérêt. Certes, les changements de point de vue permettent de varier l’approche, mais certaines scènes explicatives ou contemplatives auraient gagné à être écourtées. Sans danger réel ni explication forte, le film laisse une impression d’inachèvement, comme si le couloir n’avait pas totalement révélé ses secrets.

image Nana Komatsu exit 8
Copyright 2025 Exit 8 Film Partners

Métro-boulot-dodo

Derrière la quête absurde de la sortie numéro 8 se dessine une errance intérieure. Exit 8 fait de son couloir aseptisé le théâtre d’un questionnement intime. Le protagoniste avance comme il traverse sa vie, en hésitant, lesté par la culpabilité et les non-dits. Une scène clef le montre rongé par le remords de ne pas être intervenu face à une agression dans le métro, un acte manqué qui le hante autant que cette station sans fin. La répétition fait alors écho à son existence figée, rythmée par les automatismes et la peur de choisir. Mais à trop vouloir souligner ces enjeux, le long-métrage s’alourdit : les symboles se font appuyés et la métaphore manque parfois de finesse.

Le film effleure aussi une critique de notre mode de vie urbain, répétitif et déshumanisé. L’allégorie du métro-boulot-dodo, quoique convenue, trouve un certain écho : visages fermés, regards rivés sur les téléphones… Les personnages croisés deviennent des PNJ sans relief, prisonniers d’un monde vidé de sens. Si cette critique sociale manque parfois de mordant, elle reste lisible. Le couloir d’Exit 8, avec ses recoins vides et ses automatismes absurdes, évoque une société japonaise saturée par la pression, l’effacement de l’individu et le poids du silence.

Avec Exit 8, Genki Kawamura propose une expérience sensorielle fidèle à son modèle vidéoludique, où l’immersion prime sur le récit. Si l’exercice séduit par sa forme immersive et son inventivité formelle, il reste parfois en surface sur le fond et ne bascule jamais vraiment dans l’horreur. Une proposition originale, certes, mais qui aurait gagné à pousser plus loin ses propres limites narratives.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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