Caractéristiques

- Titre : La Disparition de Josef Mengele
- Titre original : Das Verschwinden des Josef Mengele
- Réalisateur(s) : Kirill Serebrennikov
- Scénariste(s) : Kirill Serebrennikov
- Avec : August Diehl, Maximilian Meyer-Bretschneider, Friederike Becht...
- Distributeur : Bac Films
- Genre : Biopic, Drame, Historique
- Pays : Allemagne, France
- Durée : 136 minutes
- Date de sortie : 22 octobre 2025
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- Note du critique : 9/10 par 1 critique
La Disparition de Josef Mengele, dernier film du réalisateur Kirill Serebrennikov qui avait présenté à Cannes en 2022 La Femme de Tchaïkovski, nous dépeint ici la fuite du tristement célèbre médecin nazi. Le réalisateur russe nous montre Mengele tentant d’échapper à la justice mais gardant sa foi inébranlable dans le national-socialisme dans un monde d’après guerre qui se sépare petit à petit des idées nazies, notamment chez la jeune génération. Dans sa première partie, le film nous raconte cette fuite, mais aussi la persistance des sympathisants nazis au sein des différents pays traversés.
L’art de la fuite une science nazie
Pendant tout le film, nous suivons Mengele essayant d’échapper à la justice. La particularité majeure de cette narration est qu’elle ne se déroule pas dans l’ordre chronologique. Les séquences s’entremêlent et se répondent à travers les époques. Nous sommes donc coincés avec cet homme fanatique, persuadé d’avoir raison et en particulier que le Reich renaîtra de ces cendres. L’interprétation de August Diehl est glaçante, notamment sa manière de parler et de regarder les gens, ce qui laisse le spectateur tétanisé.
Nous n’avons d’ailleurs qu’une envie pendant tout le film : que le personnage principal se fasse attraper et paye pour ses actions en tant que SS. Malheureusement, ce ne sera jamais le cas. Nous sommes profondément atteints qu’il puisse finir sa vie sans être rattrapé par son passé. Celui-ci le tourmente quand même psychologiquement, notamment dans les séquences où il revoit son fils et que celui-ci le confronte à ses crimes. Mais, cependant, Mengele ne regrette rien. Pour lui à l’époque, la société entière soutenait les nazis, ce qui n’était pas complètement faux quand on pense aux grandes entreprises, banques ou magnats de la presse qui se sont convertis aux idées nazies pour éviter la « menace » communiste en Allemagne.

Un miroir glaçant des compromissions occidentales
Une rétrospection tétanisante d’une époque et d’intérêts pas si éloignés de nos classes possédantes d’aujourd’hui. Notre rôle dans le développement du national socialisme n’est pas éludé. On pense en particulier à une séquence en RFA où Mengele passe la frontière comme si de rien n’était et où son père lui dit qu’il possède une grande entreprise au sein du pays. Le film porte un regard acerbe sur le traitement de la dénazification en Occident dans une période de guerre froide où l’on va vite oublier les anciens conflits pour engager les intellectuels dans des laboratoires scientifiques par exemple. L’accointance de certains pays avec le nazisme est en particulier illustrée par une scène de mariage en Argentine. On laisse des sociétés ouvertement nazies dérouler un discours négationniste et raciste le plus abject. Cette scène est particulièrement marquante car elle montre le décalage entre les organisateurs du mariage et les serveurs qui sont tous deux « non Aryen », on sent le dédain et la supériorité que ces hommes ont l’impression d’avoir reçu car ils se définissent eux même comme supérieurs.
Ce genre de phénomène de domination ouvertement raciste n’est pas sans nous rappeler le comportement de personnes aujourd’hui vis-à-vis de travailleurs issus de l’immigration, voire même d’états entiers à l’encontre de leurs anciennes colonies. Pendant tout le film, le personnage fuit et pourtant, sur sa route, il ne trouve que des adhérents, des sympathisants, nous ramenant à l’idée qu’à une époque on pouvait penser ainsi sans problème, que l’état allemand encourageait ce genre de discours issu des élites européennes, idées leur servant à justifier leur domination. Chaque blanc porte en lui un Hitler qui s’ignore pour citer Aimé Césaire. Cette phrase écrite à l’époque du système colonial reste terriblement moderne, mais elle est remise en cause par la confrontation père-fils dans la seconde moitié du film.

Vivre avec ses idées réactionnaires dans un monde en transformation
L’une des séquences les plus intéressantes du film se trouve dans la confrontation idéologique entre Josef et son fils. Celui-ci le force à lui raconter son passé dans une scène en super 8 qui fait froid dans le dos, la cruauté des images sur de la musique classique intra diégétique parle d’elle-même et nous laisse dégoûtés. On doit noter que c’est le seul passage du film en couleur là où le reste est en noir et blanc, reflet d’une époque où, pour Mengele, tout était moins terne puisqu’il était au sommet. Ces images donnent une dimension encore plus macabre aux scènes suivantes entre père et fils. Lui ne regrette rien et pourrait le refaire si nécessaire, l’autre pense aux victimes et à la déshumanisation inhérente à l’accomplissement de ce genre d’actes commis sans regrets.
On voit ici un conflit de génération qui peut encore être d’actualité entre des personnages âgées rêvant d’un passé mythifié et une jeunesse qui, elle, a d’autres repères, d’autres inspirations. Le film est très bien réalisé également avec ces scènes de plan séquences qui sont impressionnantes techniquement et nous font vivre les scènes de tension en temps réel. Le film est très beau esthétiquement et l’idée du noir et blanc pour représenter la nouvelle réalité grise de Mengele est très bien trouvée. Elle prend tout son sens quand on la compare à la scène en super 8 et qu’on comprend ce que ce choix représente. Les acteurs sont tous très bons, surtout l’acteur principal, qui incarne un Mengele froid et sûr de lui.
Certains pourraient peut-être trouver La Disparition de Josef Mengele long et de peu d’intérêt, ce serait alors oublier qu’il résonne avec des débats et des moments toujours d’actualité. Bien sûr, ce film est à conseiller à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale, mais avec une lecture et des leçons plus contemporaines possibles concernant les systèmes fascistes.