[Critique] Twilight : Chapitre 1, Fascination – Catherine Hardwicke

Caractéristiques

  • Titre : Twilight - Chapitre 1 : fascination
  • Titre original : Twilight
  • Réalisateur(s) : Catherine Hardwicke
  • Avec : Kristen Stewart, Robert Pattinson, Taylor Lautner, Anna Kendrick, Peter Facinelli...
  • Distributeur : SND
  • Genre : Fantastique
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 122 minutes
  • Date de sortie : 7 janvier 2009 (France)
  • Note du critique : 3/10

Il y a déjà un bon moment, nous avons vu au cinéma le 1er volet de la saga dont tout le monde parle en ce moment : Twilight : chapitre 1 – Fascination. A l’heure où le 2ème volet ne devrait pas tarder à sortir et où le tournage du 3ème devrait commencer d’un moment à l’autre pour une sortie prévue en 2010, j’ai donc trouvé intéressant de publier cette critique. En ce qui concerne ce 1er volet, si on est bien face à un phénomène de mode on est très loin d’un phénomène de société ou d’un très bon film. Explications…

Twilight : une saga vampirique déjà culte ?

Bénéficiant d’un battage médiatique énorme depuis sa sortie aux Etats-Unis en novembre dernier, le film de Catherine Hardwicke, Twilight, chapitre 1 – Fascination, adapté du premier tome de la saga best-seller du même nom de Stephanie Meyer, aura attiré l’attention de tous. Pas un journal, du plus frivole au plus sérieux, qui n’ait abordé ou critiqué (favorablement ou non) ce film déjà labellisé « phénomène », voire « concurrent potentiel de Harry Potter ». Etonnant pour un film dont la cible de coeur est un public adolescent, mêlant troubles de l’adolescence et vampires?

Sur les traces de Buffy?

image twilight chapitre 1 catherine hardwicke elizabeth reaser peter facinelliCe serait oublier que, il y a maintenant douze ans de cela, un certain Joss Whedon venait lui aussi redonner un peu de sang frais au mythe vampirique et surtout aux séries télévisées dont les héros sont des lycéens, avec tous les problèmes et doutes existentiels que cela suppose. Délaissant les clichés attendus (ou du moins les reprenant pour mieux les détourner et les faire voler méchamment en éclat) et la dose de moralisme niais qui est malheureusement souvent de rigueur dans les séries pour « jeunes », le créateur de Buffy contre les vampires (1997-2003) a réussi à créer sur sept ans un univers dense empruntant aussi bien au fantastique qu’à la science-fiction et aux comics, aux références et influences très bien digérées, livrant une vision personnelle et même transgressive du passage à l’âge adulte, rendant la vision de la série de plus en plus riche et passionnante saison après saison. Comme quoi on peut réussir une oeuvre intelligente et distrayante à la fois à partir d’éléments aussi improbables que la rencontre entre des adolescents armés de pieux en bois et tout le bestiaire de la littérature et du cinéma fantastique et horrifique.

Bien que la série, en raison de son titre et de son image adolescente, soit largement mésestimée par le public adulte (en écartant les mordus de science-fiction et de comics), on ne peut nier son impact sur la culture populaire: outre le fait qu’elle ait permis l’existence de séries telles que Charmed, Smallville ou même  Alias, elle a également donné lieu à une série d’une quinzaine d’essais universitaires en tous genre (filmiques, culturels, mais également socio-culturels) non-publiés en France, des cours universitaires aux Etats-Unis, en Australie, Nouvelle-Zélande et même au Royaume-Uni ! En outre, elle est soutenue par de nombreux intellectuels et critiques anglo-saxons.

Si nous nous étendons aussi longuement sur la série de Whedon, c’est à la fois pour souligner le potentiel que recelait Twilight malgré tous les à priori qu’on peut avoir sur ce type de sujet et la profonde déception générée par la vision de son adaptation cinématographique. N’ayant pas lu un traître mot des quelques 2500 pages que comptent les quatre tomes de la saga de Meyer, nous jugerons donc le film en tant que tel, sans commentaires de type « ils ont oublié/changé le passage où… ».

Rendez-vous manqué au clair de lune…

image twilight chapitre 1 fascination kristen stewart robert pattinsonCe qui est décevant, en premier lieu, c’est qu’on sent bien, en sortant de la salle, que Twilight aurait très bien pu être, si ce n’est un chef d’oeuvre du genre, au moins un film prenant et bien construit. Tout n’est pas mauvais et raté dans le film de Hardwicke et le début intrigue. En effet, alors qu’habituellement les vampires sont des créatures de la nuit épidermiquement allergiques au soleil qui a la faculté de les réduire en cendres, ici, ils sortent en plein jour (à condition, quand même, de ne pas trop s’exposer s’ils ne veulent pas que leur peau devienne limite phosphorescente)  se mêlent aux vivants : ils sont lycéens, médecins… et ressemblent en tous points aux êtres humains qu’ils côtoient.

Une autre bonne idée du film est d’ailleurs la belle photographie sombre  ( l’action se situe dans un décor sombre et humide rempli de brouillard et de forêt) qui donne un air particulièrement blafard à la majorité de ses protagonistes, à commencer par son héroïne (humaine), si bien qu’on ne sait pas tellement, au début, qui est vivant ou non. Dans ce petit bled paumé où il pleut tout le temps et où rien d’intéressant ne se passe en apparence, la jeune héroïne Bella (La Belle et la Bête, Bela Lugosi ?) s’ennuie à mourir entre un père shérif gentil mais assez absent et casanier et des camarades de classe trop superficiels. Elle se sent différente et cherche quelque chose de plus fort. Elle le trouve assez vite lorsque son regard croise celui fort pénétrant de Edward, beau gosse branché et torturé qui reste tout le temps avec ses frères et soeurs, eux aussi beaux et branchés, tous considérés comme marginaux au lycée car ils ne sont pas bien bavards et que de vieilles légendes indiennes (relayées par un camarade de classe indien et son père) planent au-dessus de leur famille. C’est là que les choses commencent à déraper.

Passons outre le coup des légendes (conventionnelles mais bon, va encore…) et outre l’apparence top-models hype des vampires (après tout, Edward révèlera à Bella qu’il est dans la nature des vampires d’être surnaturellement beaux et séduisants pour mieux attirer leurs proies). La première chose « qui tue » surtout, c’est que, afin que le spectateur comprenne bien la nature de l’attirance qui unit les héros, qui n’est pas uniquement sentimentale mais bel et bien animale et charnelle, la réalisatrice s’empresse d’enchaîner des gros plans visage de l’un et l’autre se dévorant des yeux, trente secondes environ après l’apparition du vampire.

Et ces plans ne sont pas franchement d’une grande subtilité : à chaque fois qu’elle tourne ses yeux vers Edward, Bella (interprétée par Kristen Stewart qui, du reste, s’en sort plutôt bien) entrouvre les lèvres, laissant apparaître ses dents et sa langue, et donne l’impression (sans aucune exagération mesquine) d’avoir des orgasmes étouffés à répétition. Idem pour lui, sauf qu’il n’ouvre pas la bouche mais que l’accent est mis sur son regard très pénétrant à l’éclat changeant. Dès le départ, Hardwicke ne prend même pas le temps de laisser l’alchimie entre les deux acteurs opérer (500 pages d’intrigue à faire tenir dans 2h de film, dira-t-on?) qu’elle tue déjà toute la crédibilité de leur histoire d’amour en tournant leur attirance mutuelle en ridicule. Buffy contre les vampires, au travers de l’histoire d’amour impossible, tragique et tourmentée entre  Buffy et le vampire Angel, torturé par le souvenir de ses crimes passés, avait fait bien mieux (sur  plusieurs saisons et bien plus d’heures il est vrai, mais…).

Gros budget pour effets spéciaux cheap

image twilight chapitre 1 fascination arbre kristen stewart robert pattinsonDeuxième élément négatif, et pas des moindres: les effets dits spéciaux. Le film prend le parti (c’était sans doute le cas des romans) de toujours montrer les vampires sous une apparence humaine, même lorsqu’ils deviennent agressifs. Soit. Mais le  problème, c’est que des grognements de chien prêt à attaquer émanant d’une personne à l’apparence humaine associé à la phosphorescence translucide du regard comme signe de tout changement « physique » dans le jeu des acteurs, c’est quand même un peu limite et prête plus à sourire. La terreur inspirée par Tom Cruise
incarnant Lestat dans Entretien avec un vampire est bien loin.

Mais, s’il ne s’agissait que de ça… Ce qu’il y a vraiment de plus choquant, ce sont les scènes d’ « action » et les vols planés des vampires, parce-que oui, l’autre parti pris, c’est que les vampires de Twilight ont le pouvoir de voler dans les airs à volonté. Soit. C’est un élément présent et récurrent dans les légendes de vampires. De plus, au cinéma, on a eu tout le loisir d’améliorer les effets spéciaux pour montrer des personnages voler sans trop de ridicule: Superman, Spiderman, Harry Potter, Tigre et Dragons… Mais visiblement tout le budget du film a dû passer dans les droits de l’adaptation de la saga, la promotion du film et la photographie (très réussie) car le résultat est purement et simplement ridicule et Hardwicke n’est pas suffisamment à l’aise avec la composition et l’enchaînement des plans pour rattraper de manière futée cette restriction budgétaire.

C’est d’autant plus regrettable et incompréhensible qu’une série comme Buffy, qui lors de ses premières années de diffusion ne disposait à peine que du moitié du budget d’un épisode de X-Files (et sans doute bien moins encore lors de la première saison) avait su tirer parti de ces restrictions: 1/avec un second degré et un côté pastiche assumé pour une partie des scènes d’action 2/avec une mise en scène et des cadrages intelligents fortement aidés par des cascadeurs impressionnants et une chorégraphie elle aussi réussie rappelant les films de Hong Kong. Résultat: Buffy peu faire autant de sauts périlleux et saltos arrière insensés, monter en haut d’une tour de 200 mètres en
courant ou sauter du haut d’un ravin, on y croit et on ne sourcille même pas!

C’est d’autant plus malheureux pour la réalisatrice qu’on a du coup envie de rire à chaque fois que se présente une scène à la tension dramatique potentiellement intense. Le spectateur ne peut que sortir de l’histoire et faire la grimace lorsque le héros se retrouve projeté contre un mur de manière syncopée et très maladroitement cadrée parce-qu’il est trop excité par l’odeur et la peau de Bella lors de la scène la plus « torride » du film. Le même effet syncopé est appliqué à chaque plan où un vampire se montre agressif ou vole. Les acteurs ne font rien de particulier, mais l’effet utilisé maintes fois dans La colline a des yeux d’Alexandre Aja est appliqué à l’image (effet de ralenti et d’accéléré simultané), suivi de très près par une voire plusieurs coupes de plan successives pour signifier l’action. Les moments de vol sont toujours très brefs pour que le spectateur ne s’aperçoive pas de la supercherie… mais les seules images de vol, peu importe leur brièveté, sont à mourir de honte pour les techniciens des effets spéciaux et déclenchent des rires (pas toujours étouffés) dans la salle. Les fonds ne sont absolument pas transparents, les mouvements de caméra pas fluides du tout… La vision du film devient, pour cette seule raison, gênante.

Une « réactualisation » du mythe vampirique peu convaincante

image twilight chapitre 1 fascination kristen stewart bella cam gigandet jamesL’histoire en elle-même tient la route mais ne s’avère pas d’une grande originalité par rapport à la littérature fantastique et, justement… Buffy. Car il est dur de ne pas penser à la dite histoire Buffy/Angel qui a rythmé les trois premières saisons de la série en voyant Twilight; le premier tome de la saga est d’ailleurs sorti en librairie bien après le début des aventures de Buffy et ses amis. Certes, Whedon lui-même a utilisé de nombreuses sources auxquelles il ne s’est jamais caché de faire référence et la dimension érotique et explicitement sexuelle est au coeur même du mythe des vampires, les suceurs de sang servant de parabole (dissuasive et moralisatrice au Moyen Age) aux peurs les plus profondes ancrées dans notre inconscient, en premier lieu desquelles la mort et la sexualité.

Mais les nombreux et différents auteurs qui se sont par la suite approprié le mythe (qu’il s’agisse de Bram Stocker ou pour prendre des exemples plus récents, d’Ann Rice et Joss Whedon) ont bien su le digérer et l’adapter à leur époque et surtout à leur vision personnelle, apportant réellement quelque chose de neuf à un sujet classique s’il en est. Ici, les références sautent aux yeux (Edward c’est à la fois Louis de Entretien avec un vampire et Angel de Buffy réunis, avec une petite touche de Edward aux mains d’argent et Bella une Mina ou une Buffy sans ses pouvoirs) mais, si l’ensemble est digeste, manque la vision personnelle, l’originalité qui transcende le tout et fait qu’on est captivé peu importe l’énormité de l’histoire.

Malgré l’amour fou des personnages (qui passe donc par le regard et des déclarations type: « Comment pourrais-je faire autrement que veiller sur toi? » ou encore « Je ne suis rien sans toi »), l’intrigue est toujours tiède et assez molle bien que le film se laisse regarder. L’attirance sexuelle des personnages n’est jamais explorée de manière plus subtile, les petites touches d’humour sympas et bienvenues lors des présentations particulières à la famille sont trop brèves et jamais vraiment assumées (dommage…), le suspense est assez limité, la fin prévisible… Bref, à force de ne pas oser faire de vrais choix, l’approche de Hardwicke tue le potentiel tragique de l’histoire, dont ne
ressort jamais vraiment, au final, la moindre émotion. Dommage, donc. On aurait tellement aimé pouvoir vibrer une nouvelle fois devant un film de vampires.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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