Caractéristiques
- Titre : Tokyo Vampire Hotel
- Réalisateur(s) : Sion Sono
- Avec : Yumi Adachi, Ami Fukuda, Megumi Kagurazaka, Kaho, Shinnosuke Mitsushima...
- Genre : Fantastique
- Pays : Japon
- Durée : 2h22
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Version long-métrage de la mini-série du même nom, Tokyo Vampire Hotel est un objet pop non identifié comme les affectionne tant Sono Sion, réalisateur japonais aussi déjanté que prolifique bien connu des amateurs de bis et des fidèles de L’Étrange Festival, pour lesquels la projection de son nouveau film (voire de ses nouveaux films) est devenu depuis longtemps un rendez-vous incontournable. Incontournable et imprévisible devrions-nous préciser, tant le cinéaste peut radicalement changer de ton et de sujet d’un film à l’autre : TAG, Rabu & Pisu et Antiporno, présentés en 2015 et 2016, n’avaient ainsi pas grand chose en commun.
Pour cette nouvelle oeuvre, originellement diffusée au Japon sous la forme de 9 épisodes, le cinéaste s’intéresse au mythe du vampire et à toutes les images et clichés véhiculés autour de cette figure. L’histoire, située dans le Japon contemporain, est ainsi celle d’une « Élue ». Le jour de ses 22 ans, Manami (Yumi Adachi) va se retrouver au cœur de l’affrontement de deux clans de vampires, les Dracula et les Corvin, qui s’opposent depuis des siècles. Mais tout ceci ne lui arrive peut-être pas par hasard…
Un délire pop et baroque décomplexé
Difficile de trouver les mots adéquats pour définir Tokyo Vampire Hotel, énorme délire parodiant avec panache les films de vampires de tout poil, les soap operas et les films de sabre. Si l’on pouvait craindre que ce montage de 2h20 à partir de la mini-série n’en enlève la sève ou ne rende le récit incompréhensible, le résultat se révèle très dynamique, tout en étant cohérent. Bien sûr, en étant très attentif, on repérera ça et là certaines trames narratives élaguées ou plus ou moins lâchées en cours de route. Par exemple, au-delà d’une scène très drôle nous montrant les couples contraints de se former dans l’hôtel dans leurs chambres, cette partie de l’intrigue disparaît purement et simplement, et les raisons derrière ce plan ô combien particulier des vampires apparaît très flou, même si on peut plus ou moins en deviner les raisons. Mais le montage rend ces coupes acceptables, puisque Sono Sion dessine les contours d’une critique du capitalisme, suçant le sang des citoyens qu’il garde sous contrôle en les poussant à consommer toujours plus — dans tous les sens du terme — au sein d’une prison dorée, ici un hôtel aux couleurs vives dirigé par des vampires.
Cependant, pour être tout à fait honnêtes, si cette métaphore générale apparaît clairement et se voit soulignée à plusieurs reprises, Sono Sion semble ne pas véritablement faire cas de cette dimension politique, véhiculée par un personnage de « méchant » vampire — torturé et romantique comme il se doit — dont il n’hésite pas à ridiculiser régulièrement les états d’âme ; il s’agit clairement d’un prétexte. Tokyo Vampire Hotel est avant tout un film fun, bourré de scènes volontairement too much mais riche en trouvailles visuelles, et que l’on pourrait voir comme un énorme gâteau meringué : soit on se laisse enivrer et on adore ce trip psychédélique qui part dans tous les sens sans pour autant nous perdre, soit on frôle rapidement l’indigestion et on se sent écoeuré. Pour notre part — comprendre pour l’auteure de cet article, puisque vous pourrez bientôt lire un contre-avis par Mickaël Barbato — nous avons bel et bien adhéré à la démarche, qui témoigne d’une vraie maîtrise et d’une belle inventivité dont ne peuvent pas forcément se targuer tous les films du genre.
Enthousiasmant, ou creux et excessif ?
Sono Sion mélange différents types d’imagerie (ado, soap, gothique, etc.) avec humour et brio, et utilise plutôt à bon escient le comique de répétition. C’est parfois bête (voire très bête, comme l’auto-décapitation, ou la rengaine roumaine sirupeuse), mais sa manière d’amener les choses, et le jeu de ses actrices, très convaincantes et faisant preuve d’un bon sens du timing — avec une mention toute particulière pour Ami Fukuda dans le rôle de K. — emporte le morceau, si bien que l’on ne tient pas trop rigueur au réalisateur de ne pas aller au-delà de la parodie, finalement. Contrairement à TAG (assez étonnant en la matière), on aurait tort de chercher une dimension méta-réflexive ou métaphysique à Tokyo Vampire Hotel, mais pourquoi en faudrait-il nécessairement une ?
Cela n’est clairement pas le but ici et, si l’on peut tout à fait entendre les reproches de certains devant un énième délire du Japonais (qui réalise parfois 5 ou 6 longs-métrages en un an), on pourra aussi, comme nous, se régaler de cette énorme sucrerie bien plus drôle, stimulante et audacieuse dans la forme que de nombreuses pseudo séries B ou Z américaines (par exemple) surfant sur cette vague de l’absurde de manière finalement bien sage et artificielle, à l’image des derniers opus de cette célèbre saga mettant en scène des tornades de requins. N’est pas Sono Sion qui veut…