[Cinéma] Le Retour de Mary Poppins : Compte-rendu des conférences de presse avec l’équipe

Une suite rendant hommage au film original

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John DeLuca (producteur), Lin-Manuel Miranda et Emily Blunt lors de la conférence de presse à l’Ambassade de Grande-Bretagne à Paris le 10 décembre 2018. Photo : Culturellement Vôtre

Le 10 décembre, le réalisateur Rob Marshall, le producteur John DeLuca et les acteurs Emily Blunt et Lin-Manuel Miranda étaient présents à Paris, à l’Ambassade de Grande-Bretagne, pour une conférence de presse et des tables rondes dans le cadre de la promotion du Retour de Mary Poppins des studios Disney, qui fait partie de nos coups de cœur de cette fin d’année (cliquez ici pour lire notre critique). Culturellement Vôtre était présent et vous offre un compte-rendu de la conférence de presse principale, ainsi que de la table ronde en compagnie de Rob Marshall et Lin-Manuel Miranda à propos de la musique du film. L’occasion d’en apprendre plus sur la conception de cette comédie musicale familiale, 54 ans après la sortie du film de Robert Stevenson avec Julie Andrews…

Une chose qui est sans cesse ressortie durant cette heure d’interview est l’attachement de toute l’équipe vis-à-vis du film original. Pour Rob Marshall, qui vient du milieu de la comédie musicale et est également un ancien danseur, Mary Poppins représente son tout premier souvenir de cinéma, à 4 ans. Fan de la première heure, il a donc fait en sorte de préserver l’esprit du chef d’oeuvre de Disney tout en apportant quelque chose de nouveau. « Je savais qu’en tant que spectateur, si j’allais voir une suite de Mary Poppins, il y avait des choses que j’aurais envie de voir », a-t-il ainsi expliqué. « J’aurais voulu voir par exemple une séquence mélangeant animation et live action, pour moi cela fait partie de l’ADN du film. Je voulais aussi un grand numéro scénique et un numéro masculin car, encore une fois, pour moi cela correspond à l’esprit de l’original. Nous avons utilisé des éléments du premier film, au niveau de la structure musicale, uniquement lorsque cela nous semblait nécessaire, sans quoi le public aurait pu se sentir trahi. C’est ce qui a guidé nos choix. »

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© The Walt Disney Company France

Surtout, il était clair depuis le début que Le Retour de Mary Poppins serait une comédie musicale originale et ne reprendrait pas les morceaux culte du premier film, même si le compositeur Marc Shaiman a glissé de subtils rappels ça et là dans le score, en reprenant par exemple quelques notes de la mélodie de « Feed the Birds » ou « A Spoonful of Sugar » en guise d’hommage, mais également pour tisser des liens narratifs et émotionnels entre les deux œuvres. Comme le rappelle Lin-Manuel Miranda (qui interprète l’allumeur de réverbères), la suite est située dans le Londres des années 30, une époque marquée par le swing et le jazz, où la comédie musicale était très présente sur scène. C’est aussi à cette période que le patter song, des morceaux chantés définis par un rythme très rapide avec une diction proche du parlé, remportait un grand succès. Ainsi, il ne faut voir aucun anachronisme lorsque, dans « A Cover is not the Book », Lin-Manuel Miranda se lance dans ce qui ressemble pour nous à du rap. « C’est bien du patter song », insiste Rob Marshall, tandis que Miranda rappelle que le personnage de ramoneur incarné par Dick van Dyke dans le film de 1964 se lançait déjà dans une performance similaire sur « Jolly Holiday ».

Tourner avec Dick van Dyke, un rêve de gosse pour l’équipe

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© The Walt Disney Company France

En parlant de Dick van Dyke, la nostalgie s’est emparée de l’équipe lorsque l’acteur, désormais nonagénaire, est arrivé sur le plateau pour filmer ses scènes, vers la fin, dans lesquelles il reprend un rôle qu’il tenait déjà (en étant grimé) dans Mary Poppins : celui du vieux banquier qui demande ses 2 pence à Michael afin d’ouvrir un compte à son nom et qui se met à flotter au milieu des actionnaires. « Il s’agissait véritablement d’un rêve devenu réalité ! », confie Rob Marshall. « C’était mon héros quand j’étais enfant. L’avoir sur le plateau était surréaliste pour nous tous, d’autant plus qu’il joue le même vieux banquier que dans le 1er film, mais 54 ans plus tard. Il est venu me voir à un moment donné, m’a pris la main et m’a dit : ‘Je ressens le même esprit sur ce tournage qu’en 1964.’ Et cela m’a énormément touché. Et lorsqu’il fait la référence à la chanson « Feed the Birds » du premier film avant de chanter, je n’ai pas pu dire « Coupez » car j’avais littéralement le souffle coupé. C’était comme de boucler la boucle. Je dirais qu’il incarne le message du film, car il voit la vie à travers des yeux d’enfant, avec cet émerveillement constant. Le terme peut paraître galvaudé, mais c’était vraiment magique. »

Même son de cloche de la part de Lin-Manuel Miranda lorsqu’il déclare « Dick Van Dyke a plus d’idées et d’énergie que je n’en ai eu de toute ma vie. C’est un concentré de caféine ! Il n’a passé que 2 jours sur le tournage, mais c’était un moment vraiment magique, car il s’agit d’une connexion directe avec le film de 1964 et son personnage permet de compléter un arc narratif de ce premier film. (…) Les gens étaient vraiment excités dès qu’il entrait sur le plateau. C’était genre : ‘Dick Van Dyke existe !’ ». Autre moment de grande émotion pour l’acteur : se retrouver face au cerf-volant du premier film, qui fait ici son grand retour. « J’ai été ému aux larmes quand j’ai vu le cerf-volant avec les coupures de journaux où il est écrit ‘Le vote aux femmes’. Pour moi, cet accessoire représente vraiment l’esprit de Mary Poppins. »

Une Mary Poppins excentrique et complexe

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Photo : The Walt Disney Company France

Et comment parler du projet sans évoquer l’interprétation d’Emily Blunt, qui incarne ici une Mary Poppins fort différente de celle de Julie Andrews : plus ferme et pince-sans-rire en apparence, voire suffisante, mais néanmoins chaleureuse et humaine. « Mary Poppins était merveilleuse à jouer, c’est un personnage rempli de contradictions, de nuances : elle possède un sens pratique, mais aussi beaucoup de fantaisie, elle a les pieds sur terre, et pourtant elle est une sorte de super-héroïne très humaine, qui est également drôle et suffisante à la fois, et parfois malpolie », explique l’actrice. « J’étais donc très excitée à l’idée de l’incarner. J’avais aussi le sentiment que les excentricités du personnage que nous essayions de capturer étaient très présentes dans les sept romans (de Pamela Lyndon Travers, ndlr). Ma préparation s’est donc basée sur le script et les livres ».

Lorsqu’on lui demande si elle n’avait pas peur de reprendre un personnage aussi culte, l’Anglaise s’esclaffe : « Je savais que je n’allais pas jouer une Mary Poppins qui aurait entonné ‘Libérée, délivrée’, ce qui aurait été un cauchemar personnel ! L’image que les gens ont du personnage est bien trop liée à un sentiment de nostalgie pour cela. On pense à son enfance lorsqu’on pense à Mary Poppins, et c’est quelque chose qu’il faut respecter. » Elle continue, « Mon excitation à la jouer a surpassé les peurs que je pouvais avoir. »

Une histoire en pleine Grande Dépression

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© The Walt Disney Company France

En ce qui concerne l’histoire, la période de la Grande Dépression a été d’une grande importance pour imaginer la suite des aventures de la famille … « Je dirais que les livres nous ont servi de boussole. Ils ont été écrits à Londres pendant la Grande Dépression, et il s’agissait d’un élément-clé pour nous, qui me paraissait avoir des résonances résolument actuelles », explique Rob Marshall. « Je pense que nous pouvons tous comprendre les difficultés de cette époque, car elles sont finalement proches de la nôtre. »  « Nous voulions apporter un antidote à la violence de notre époque », confirme John DeLuca. « C’est en partie ce qui nous a convaincus que l’heure était venue de réaliser cette suite. »

De fait, on trouve dans le film une certaine mélancolie, mais aussi la fantaisie et la magie propres à Mary Poppins. « Ce qu’il y a de très beau, c’est que Mary Poppins arrive pour aider cette famille à trouver la lumière par eux-mêmes », développe Rob Marshall. « Elle le fait de la plus belle des façons et ensuite, hop ! Elle part. C’est ce qui constitue la clé de voûte du film. Comment s’en sortir et se lever chaque matin ? Comment faire face à la perte et au deuil ? Si on trouve la lumière, de l’espoir d’une manière ou d’une autre, c’est comme ça qu’on avance. Et c’est aussi une idée que l’on retrouve dans les livres : si on regarde les choses avec un regard d’enfant, cela peut vous élever et vous aider à aller de l’avant. »

Concevoir une comédie musicale originale

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Photo : Culturellement Vôtre

Enfin viennent les questions sur la conception de la comédie musicale à proprement parler. Lorsque Culturellement Vôtre lui demande combien de temps a duré la composition des nouveaux morceaux et si les acteurs et lui-même ont été impliqués lors de ce processus, Rob Marshall commence par expliquer que le travail a débuté en 2015. « Il fallait que l’on passe de manière fluide des séquences parlées aux chansons, ce qui est l’une des choses les plus difficiles à faire. Et cette étape nous a pris trois bonnes années ! Lorsque nous avons ensuite commencé les répétitions à Londres avec les acteurs et toute l’équipe, nous bâtissions des scènes autour des acteurs. Par exemple, pour Lin il y a eu au moins 4 ou 5 versions différentes de sa première chanson. Nous recherchions la meilleure introduction possible pour ce personnage. Il s’agissait donc définitivement d’une collaboration avec les acteurs, les compositeurs, les scénaristes et moi-même. »

De même, au vu de l’excellent rendu des numéros musicaux, on peut se demander si les acteurs avaient enregistré leurs chansons avant le tournage ou bien chantaient en live. La réponse se situe quelque part entre les deux : « Nous pré-enregistrions les chansons avant le tournage, mais sur le plateau, souvent, nous n’utilisions pas ces enregistrements et les acteurs chantaient en live », explique le réalisateur. « Il est important d’avoir l’impression que les personnages chantent pour de vrai, que ces événements se déroulent sous nos yeux en temps réel. Je tenais à ce que tout ce que l’on voit dans le film donne le sentiment d’avoir été fait en live. Il ne fallait pas qu’on distingue les parties live des parties pré-enregistrées. »

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© The Walt Disney Company France

L’une des plus belles séquences du Retour de Mary Poppins est également la réalisation d’un rêve pour Rob Marshall et John DeLuca : le numéro des allumeurs de réverbères près de Big Ben, qui est également assez technique — nous n’en dirons pas plus car la scène mérite vraiment d’être découverte. « J’ai toujours voulu faire un numéro musical avec des allumeurs de réverbères, et aussi Mary et les enfants, bien sûr. Mais il s’agissait vraiment d’un numéro poétique mettant principalement en scène des hommes, des danseurs », raconte le cinéaste. « J’ai toujours recherché de véritables personnalités, et John et moi avons aussi sélectionné les artistes en fonction de ça. Vous pouvez avoir d’excellents danseurs, mais s’ils n’ont aucune personnalité, vous obtenez simplement des numéros techniquement bien exécutés, mais sans âme. Ils doivent incarner de véritables personnes, des gens dotés d’une personnalité et d’une sensibilité propres, et menés par Lin-Manuel, qui possède toutes ces caractéristiques et bien plus. J’adore travailler avec des acteurs qui savent également chanter et danser, c’est quelque chose de très important pour moi, et qui peuvent véritablement donner vie à leurs personnages. Ce n’est pas uniquement les capacités techniques, il faut que cela vienne d’un espace de vérité, d’authenticité. Et je pense que lorsque vous regardez ce numéro, vous voyez un groupe éclectique d’hommes. »

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© The Walt Disney Company France

Enfin, Robert Sherman, qui faisait partie avec ses frères des compositeurs du film de 1964, était présent en tant que consultant sur cette suite et, selon Rob Marshall, son rôle était surtout celui de « pom-pom girl » : il encourageait l’équipe et apportait sa bénédiction pour les nouveaux morceaux, afin que ces derniers respectent l’esprit du film de 1964. Une belle manière de boucler la boucle pour l’équipe, visiblement très investie, comme l’était celle du film original. Après tout, rappelons que Mary Poppins était un projet très personnel pour Walt Disney, sur lequel il travailla sans relâche plusieurs années. Quoi de plus normal, finalement, que les studios Disney reviennent aujourd’hui à ce classique ?

Laissons le mot de la fin à Rob Marshall : « Mary Poppins est un film qui a eu beaucoup d’importance pour tant de personnes (…), mais je crois que cette suite vient directement de là, du cœur. Nous savions que la barre était incroyablement haute, et c’est un défi que nous avons voulu relever ensemble. » Défi remporté haut la main !

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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