Caractéristiques
- Titre : Destroyer
- Réalisateur(s) : Karyn Kusama
- Avec : Nicole Kidman, Toby Kebbell, Tatiana Maslany, Sebastian Stan, Jade Pettyjohn...
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Genre : Polar, Drame
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h01
- Date de sortie : 20 février 2019
- Note du critique : 5/10 par 1 critique
Un nouveau personnage torturé pour Nicole Kidman
Cinquième film de Karyn Kusama (Girlfight, Aeon Flux, The Invitation…), Destroyer tourne tout entier autour d’une Nicole Kidman (Rabbit Hole, Lion, Mise à mort du cerf sacré) en agent du LAPD bien décidée à faire la paix avec son passé, vingt ans après une infiltration qui a mal tourné. Sur le papier, Erin Bell avait tout d’une évidence pour l’actrice : un personnage exigeant, comme pour celui de Virginia Woolf dans The Hours, une transformation physique importante, mais aussi de se glisser dans la peau d’une femme aussi mystérieuse que torturée.
De Prête à tout à Big Little Lies, en passant par Les autres, l’actrice sait incarner des êtres névrosés comme personne, aussi bien sur un mode tragique que comique, et c’est là sa grande force. Le risque, cependant, avec un film comme celui de Karyn Kusama, est de tomber dans le pur véhicule pour star, avec une intrigue pâtissant de la trop imposante performance de son interprète au lieu de s’en nourrir. Et c’est malheureusement bien le problème de Destroyer…
Une intrigue peu surprenante et faussement compliquée
Commençons par l’intrigue : Erin Bell avait autrefois infiltré un gang de braqueurs en compagnie de son coéquipier à la demande de leur hiérarchie. On ne saura pas vraiment ce qu’il s’est passé jusqu’au dernier tiers du film, toujours est-il que l’on comprend que les choses ont mal tourné et que les conséquences ont été lourdes pour la policière : tenue responsable, elle a sombré corps et âme et sa vie part à vau-l’eau depuis, y compris dans sa relation avec sa fille adolescente qui ne pense qu’à faire les 400 coups avec un petit-ami peu recommandable.
Ainsi, une fois le décor planté, Destroyer oscillera en permanence entre passé et présent, les scènes de flash-back enrichissant progressivement notre compréhension du personnage, mais aussi des actions qu’elle mène lorsqu’un homme est retrouvé abattu, un billet de banque tâché posé à ses côtés. Par ce seul billet, elle comprend que le chef de gang, Silas, est de retour, et elle décide de le retrouver en faisant cavalier seul alors que le LAPD est sur le coup. Pourquoi ? C’est justement tout le suspense qu’entretient le film. Quel est le secret d’Erin ?
Bon, on ne va pas se mentir : la clé du mystère n’a rien de vraiment surprenant, sauf peut-être en ce qui concerne l’identité du fameux Silas. Le twist principal sent le déjà vu, tout comme le personnage d’Erin Bell, qui semble personnifier la flic cabossée par la vie et torturée par une ancienne affaire. Nicole Kidman s’en sort plutôt bien, mais force est de reconnaître que l’on est émotionnellement déconnectés de l’héroïne qu’elle incarne, et encore plus des autres personnages, dont on se fiche comme d’une guigne.
D’ailleurs, lorsqu’un élément de l’enfance d’Erin est convoqué au sein d’un dialogue, cela sonne terriblement faux. Tiens, elle a eu une enfance malheureuse ? Et ? Cette dimension n’étant jamais explorée davantage et n’ayant aucun impact sur le récit, on a l’impression d’un rajout censé enfoncer le clou, et c’est bien là le problème : dans le script comme à l’image, Karyn Kusama en fait trop. Un parti pris qui nous aliène plutôt que de nous impliquer davantage dans un film sombrant dans les abysses de l’ennui en milieu de métrage jusqu’au dernier tiers, où l’on se réveille un peu.
Karyn Kusama gâche le potentiel de son polar
Pourtant, tout n’est pas nécessairement à jeter : sans être géniale, la réalisation de Karyn Kusama est intéressante lorsqu’elle est sensorielle sans chercher à être démonstrative, et l’intrigue avait un certain potentiel dans sa construction. Malheureusement, sur la distance, cela ne fonctionne pas vraiment : Karyn Kusama en fait des tonnes lors du final, avec des plans cliché et artificiels, et l’intrigue s’enlise dans une triste banalité malgré quelques éléments glauques censés retenir notre attention. On voit là certains travers du cinéma indépendant à l’œuvre, et c’est bien dommage.
Résultat : Destroyer est un film que l’on oublie presque aussitôt. Cependant, si vous appréciez comme votre humble rédactrice Nicole Kidman, vous n’aurez pas tout à fait perdu ces 2 heures car sa performance intense, sans être l’une des meilleures de sa carrière, retient suffisamment l’attention pour que l’on reste jusqu’au bout. Son implication se sent et cela relève très légèrement la donne, d’où peut-être une notation légèrement plus haute de notre part que ce que l’on aurait pu mettre autrement. A réserver aux fans, donc. Les amateurs de films policiers noirs, eux, feront triste mine…