[Critique] Marie Stuart, Reine d’Ecosse : Une ode à deux « soeurs » ennemies

Caractéristiques

  • Titre : Marie Stuart, Reine d'Ecosse
  • Titre original : Mary Queen of Scots
  • Réalisateur(s) : Josie Rourke
  • Avec : Saoirse Ronan, Margot Robbie, Gemma Chan, Ian Hart, Guy Pearce, Joe Alwyn, Ismael Cruz Cordova, Jack Lowden...
  • Distributeur : Universal Pictures International France
  • Genre : Biopic, Drame historique
  • Pays : Etats-Unis, Royaume-Uni
  • Durée : 2h04
  • Date de sortie : 27 février 2019
  • Note du critique : 6/10

Un nouveau biopic sur les relations entre Marie Stuart et Elisabeth Ière

Reine catholique maudite, tenue prisonnière sous le joug de sa cousine protestante Elisabeth Ire durant 18 ans, Marie Stuart a souvent captivé l’imagination des cinéastes, sans doutes inspirés par sa personnalité avant-gardiste et le compte-rendu de son exécution, où elle toisa son bourreau et la foule venue assister à son supplice. Ainsi, pas moins de 6 films ont porté son nom entre 1908 et 2013, et plusieurs biopics se sont intéressés à sa figure, dont Elizabeth : l’âge d’or, qui traitait déjà de ses relations complexes avec la reine d’Angleterre.


Le film de Josie Rourke, réalisatrice venue du théâtre, est cependant assez différent de ces précédentes interprétations. En mettant clairement en parallèle la situation et la personnalité de ces deux reines en avance sur leur temps, Marie Stuart, Reine d’Ecosse va au-delà de la rivalité qui les opposait et nous montre également tout ce qui les unissait, qu’il s’agisse de leur poigne, leur indépendance ou encore leur défiance à l’égard du mariage.

L’intrigue commence au moment où Marie, jeune veuve de 18 ans (elle était mariée au roi de France François II) retourne dans son Ecosse natale pour prendre le trône qui lui revient de droit. Or, Elisabeth Ire règne également sur son pays et entend bien exercer son pouvoir pour tenir à distance sa cousine. En effet, les conseillers de la reine d’Angleterre cherchent à l’effrayer en lui faisant craindre que Marie ne convoite sa couronne une fois sacrée reine d’Ecosse. Protestants et catholiques se font la guerre et Elisabeth ne peut considérer Marie Stuart que comme son ennemie. Elle va donc chercher à la marier à son amant, Robert Dudley, afin de la garder sous son contrôle, mais la jeune femme refuse…

Une approche féministe pour deux reines avant-gardistes

image saoirse ronan de dos face à la mer dans marie stuart reine d'écosse
© Universal Pictures

Le sujet de Marie Stuart, Reine d’Ecosse semble idéal dans cette ère post-#MeToo : non seulement ses figures féminines centrales sont des souveraines fortes et avant-gardistes, mais la manière dont les conseillers d’Elisabeth Ire montèrent la reine contre sa cousine catholique illustre également la tragédie de femmes cherchant à régner et à se faire une place dans un monde d’hommes, quitte à se retourner l’une contre l’autre. C’est clairement cette approche que privilégie Josie Rourke, aussi bien à travers le double point de vue de ce drame historique prestigieux qu’au moyen des dialogues.

C’est d’ailleurs le principal point de reproche que l’on pourrait adresser à cette co-production entre l’Angleterre et les Etats-Unis : les dialogues tendent à surligner plus que de raison ce qui est parfaitement compréhensible au travers de l’action et de l’interprétation des excellentes Saoirse Ronan (Lady Bird, Brooklyn, Les chemins de la liberté) et Margot Robbie (Barry Seal). Cela pourrait être considéré comme un point secondaire, mais le fait est que l’on a parfois la désagréable impression que le désir d’Universal de communiquer sur la dimension féministe et inclusive de l’oeuvre pousse le studio à nous mettre des clignotants sous le nez pour être sûrs que l’on comprenne bien.

Exemple : Marie se sent obligée de dire à Rizzio, son secrétaire personnel gay et amant de son mari lord Darnley qu’elle ne lui en veut pas et ne le juge pas (on le constate pourtant très bien). Dans le même genre, Elisabeth se lamente « Ah ! Comme les hommes sont cruels ! » alors que l’intrigue montre parfaitement que le XVIe siècle n’était pas particulièrement tendre envers les femmes. Comme nous en faisions la réflexion pour la version live action de La Belle et la Bête, on a un peu l’impression que le studio a peur d’essuyer des critiques et appuie volontairement sur ces points, au risque de paraître redondant. Serait-ce parce-que Marie Stuart était catholique ? Ou simplement parce-que le studio, qui vise ici un public plus jeune que les films sur Elisabeth Ire avec Cate Blanchett, a peur que son public comprenne mal les tenants et aboutissants du contexte historique ?

Saoirse Ronan et Margot Robbie, royales en « soeurs » ennemies

image gemma chan et ian hart entourent margot robbie dans marie stuart reine d'écosse
© Universal Pictures

Au-delà ce cette réserve, Marie Stuart, Reine d’Ecosse est un biopic historique tout à fait honorable sur deux souveraines qui auraient pu être alliées en d’autres circonstances. Cela contribue à faire du film de Josie Rourke une tragédie touchante, notamment à travers une scène de rencontre fictive quasi-onirique superbement mise en scène dans le dernier tiers du film.

Saoirse Ronan apporte beaucoup de fougue à son interprétation, tandis que Margot Robbie brille dans un contre-emploi pour lequel elle joue une Elisabeth enlaidie et affaiblie par la maladie. Si la réalisation est globalement sage et classique — à l’inverse d’un Yorgos Lanthimos avec La favorite — elle n’est pas figée pour autant et parvient à apporter une certaine émotion vers la fin. On sent d’ailleurs la réalisatrice plus libre lors de cette conclusion attendue, où perce une vraie mélancolie. Cette dernière partie compense une transposition historique globalement respectueuse (à quelques libertés près), mais un peu lisse par moments.

Sans être un chef d’oeuvre du genre, Marie Stuart, Reine d’Ecosse est donc un biopic plaisant, qui parlera plus particulièrement à des spectateurs de la jeune génération qui ne connaîtraient pas le destin de cette figure royale hors norme. L’exploration des liens entre Marie et Elisabeth Ire est touchante et compense la présence de dialogues parfois trop explicatifs et consensuels alors que l’approche même du film sert son propos et raconte à merveille le drame de deux femmes de pouvoir érigées en ennemies alors que beaucoup de choses les unissaient.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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