Caractéristiques
- Titre : We Want Sex Equality
- Titre original : Made in Dagenham
- Réalisateur(s) : Nigel Cole
- Avec : Sally Hawkins, Bob Hoskins, Andrea Riseborough, Jaime Winstone, Rosamund Pike...
- Distributeur : ARP Sélection
- Genre : Comédie dramatique, Historique
- Pays : Royaume-Uni
- Durée : 1h53
- Date de sortie : 9 mars 2011
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
La lutte des ouvrières Ford
Un film sur le combat des femmes dans les années 50 qui sort en salles au lendemain de la Journée de la Femme ? C’est ce qui s’appelle un bon plan marketing à peu de frais ! La tactique a marché pour moi puisque je n’avais pas du tout entendu parler de ce film lorsque j’ai consulté le programme des cinémas près de chez moi mercredi dernier et que ce titre évocateur a attiré mon
attention.
Le distributeur français compte sans doute sur le bouche-à-oreille pour permettre à ce petit film britannique fort sympathique de se maintenir au-delà de la première semaine d’exploitation étant donné sa très mince promotion médiatique…
We Want Sex Equality est basé sur des faits réels assez connus, quoique peut-être un peu oubliés de ce côté de l’Atlantique. En 1955, les usines Ford employaient en Angleterre 55 000 hommes pour… 187 femmes, des ouvrières qui étaient chargées de découper et coudre tous les revêtements intérieurs des véhicules, les banquettes, etc. Rétrogradées en ouvrières non qualifiées (sic) alors qu’elles ne disposaient d’aucun modèle pour mesurer, découper et assembler les tissus, sous-payées comparé à leurs collègues masculins, les ouvrières de Dagenham décidèrent de faire grève, prenant de court les dirigeants de l’usine qui n’auraient jamais imaginé que les femmes puissent agir ainsi et mettre en péril la production.
Lorsque Albert (Bob Hoskins), un collègue de syndicat qui soutient leur action, leur explique qu’elles ne sont en réalité pas sous-payées car elles sont « non qualifiées » mais bien parce-qu’elles sont des femmes, elles décident de réclamer l’égalité des salaires, une grande première à l’époque.
Feel-good movie made in U.K.
Ode aux femmes ordinaires qui luttèrent pour faire reconnaître leurs droits et dont le combat eu un impact décisif sur l’évolution des lois et des mœurs, le film de Nigel Cole est un feel-good movie britannique comme on en trouve régulièrement sur nos écrans. Film social et pro-féministe, il serait plus proche d’une comédie à la Full Monty (en plus sage) qu’un constat âpre et réaliste à la Ken Loach. Tout en respectant les grandes lignes de l’Histoire, on sent bien que l’histoire personnelle de
ces femmes ordinaires faisant preuve d’un culot monstre a été joliment romancée pour que leur victoire n’en soit que plus éclatante, plus symbolique.
On retrouve ainsi une galerie de personnages types représentant la femme des années 50 dans toute sa diversité : de la jolie bimbo ingénue rêvant d’être repérée par un agent pour devenir top-model à la fille sexy qui se tape les livreurs et autres ouvriers à l’arrière d’une voiture, en passant par la femme mûre et responsable qui veille un mari souffrant d’un stress
post-traumatique suite à la Seconde Guerre Mondiale, les profils des personnages sont aussi convenus qu’attachants.
Quant à l’héroïne (Sally Hawkins, très convaincante), bien évidemment, elle se trouve au juste milieu : épouse rangée mère de deux enfants, elle est discrète mais intelligente et dotée d’un fort caractère accompagné d’une solide répartie. Elle n’aura aucun mal à réunir ses collègues derrière elle et provoquera la surprise générale des dirigeants et de certains membres machos du syndicat, qui ne s’attendaient pas à une telle détermination de la part d’une créature à priori inoffensive.
Sympathique mais un peu trop convenu
Bien interprété et assez bien écrit et mené, We Want Sex Equality se regarde avec plaisir mais ne sort jamais vraiment des rails qu’on lui a imposés. Dès le départ, nous savons où nous allons, les ficelles sont visibles et les ruptures de ton rares. La réalisation, très plan-plan, a également tendance à ennuyer lors du premier tiers du film, avant que l’intrigue
ne décolle réellement. En ce sens, le film de Nigel Cole est un produit parfaitement calibré, que l’on pourrait facilement présenter comme une comédie typiquement britannique. Le sujet social est bien traité mais de manière trop sage, trop idyllique, sans la moindre aspérité.
Evidemment, les hommes ne sont pas tous solidaires des ouvrières, les maris, qui tentent de faire bonne figure face à cette situation inhabituelle, sont de plus en plus frustrés de rester au foyer à s’occuper des enfants… tout cela est convaincant mais un peu trop bien emballé. D’autant plus qu’on voit venir à des kilomètres à la ronde que le gentil mari un peu beauf finira par
comprendre le combat de son épouse pour la soutenir la larme à l’œil.
La cause féminine, un combat du passé ?
Faute de mordant, We Want Sex Equality ne restera donc pas dans les annales. Cependant, si on a envie de passer un agréable moment de rires et d’émotion histoire de se détendre, on aurait tort de bouder notre plaisir. Après tout, cette comédie, tout aussi conventionnelle soit-elle, est fort sympathique et dispose de solides interprètes, à commencer par
l’excellente Sally Hawkins, que l’on peut également voir en institutrice sensible dans le magnifique Never Let Me Go à l’affiche ce mois-ci. Les personnages secondaires sont bien campés, notamment la sublime et aisée Lisa, solidaire du combat des ouvrières (Rosamund Pike) et Miranda Richardson, qui apporte au film une petite dose de piquant so british dans le rôle de la ministre Barbara Castle.
La victoire finale des héroïnes, qui sonne comme celle de David contre Goliath, aurait cependant tendance à nous faire oublier que l’égalité des salaires hommes-femmes est encore aujourd’hui loin d’être acquise (25% de différence en moyenne à l’année entre cadres). Les inégalités et différences de considération entre sexes, plus insidieuses aujourd’hui, existent malheureusement toujours, à différents niveaux. Le principal reproche que l’on pourrait faire à We Want Sex Equality, sur le fond, est de célébrer la lutte des femmes comme un glorieux combat du passé avec, de plus, un carton final qui donne un goût de conte de fées à ce happy-end : « Ford est depuis devenu un employeur modèle », générique. Un peu facile, non ?