Marguerite Yourcenar… Nous ne vous ferons pas de résumé de son œuvre immense et reconnue, mais son roman Mémoires d’Hadrien est d’une importance primordiale, qui a sa place dans n’importe quelle collection. Plus de soixante ans après sa publication, l’ouvrage fait toujours parler de lui, via des thèses, des conférences, des conférences, des séminaires… et, dorénavant, une exposition : Marguerite Yourcenar et l’empereur Hadrien. Celle-ci prend place au Forum Antique de Bavay, dans le Nord, jusqu’au 30 Août 2016. A un peu moins d’une heure de Lille, du moins en voiture, nous avons découvert ce qui s’avère être un élément majeur pour la bonne compréhension de l’intérêt de Marguerite Yourcenar pour l’empereur Hadrien.
Comme pour toute œuvre, rien n’existerait sans une énorme dose de travail. C’est pour cela que les responsables du parcours ont décidé de débuter celui de l’exposition par une pièce rassemblant certains des éléments de recherche de l’auteure. Marguerite Yourcenar était un bourreau de travail, personne ne peut atteindre ce niveau d’excellence avec un poil dans la main. L’on voit, dans cette première des cinq sections qui rythment l’exposition, certaines pièces étonnantes. Notamment, certaines qui n’ont pourtant pas servi au travail de préparation de l’auteure, mais qui démontrent très bien sa passion à la tâche : quelques livres, chacun corrigés par une Marguerite Yourcenar soucieuse de contrôler jusqu’aux différentes traductions de son livre. La version italienne, par exemple, n’a pas vraiment plu à l’auteure, c’est le moins que l’on puisse dire. La section profite d’objets rarissimes, grâce aux prêts de différents bienfaiteurs, citons par exemple Jean-Pierre Corteggiani, égyptologue et proche de Marguerite Yourcenar.
Après cette magnifique entrée en matière, symbolisée par l’entrée du visiteur en plein cœur du livre grâce à une mise en scène simple mais diablement bien vue, l’exposition fait rentrer en scène l’empereur Hadrien. Insistons sur la qualité du parcours, qui ne tombe jamais dans le déséquilibre vers l’une ou l’autre des figures évoquées. Marguerite Yourcenar et l’empereur Hadrien cohabitent, les deux se nourrissent mutuellement, ne peuvent pas vraiment s’aborder l’un sans l’autre. L’intérêt de l’auteure est en fait au centre de tout, l’exposition démontre tout simplement comment cette grande femme s’est passionnée pour le destin d’un homme, plus que pour la carrière d’un homme d’État. Même si ce dernier est évidemment abordé, notamment par ses différents voyages et intérêts pour la paix, ce sont surtout les zones d’ombre qui intéressent Marguerite Yourcenar. Un intérêt qui se cristallise, dans le livre, grâce à une dose de pertinence hallucinante, menant l’auteure vers des théories qui ont, depuis, été largement abordées. Ainsi, l’exposition propose d’accompagner cet imaginaire raisonné, en abordant la figure historique de l’empereur, mais sous le prisme de l’homme Hadrien.
Ce prisme façonne l’ambiance de l’exposition, en fait un parcours dont le cœur reste Marguerite Yourcenar. Le visiteur pourra se rendre compte de tout ce qui a pu intéresser l’auteure, lui faire avoir un véritable coup de foudre pour cette figure historique finalement méconnue en-dehors du savoir scolaire. Par exemple, il faut savoir que l’empereur ne voyageait jamais sans sa malle à livres, grand lecteur qu’il était. On fait aussi la lumière sur son rapport à Antinoüs, jeune éphèbe dont Hadrien était tombé éperdument amoureux. Mort dans des conditions tragiques, noyé dans le Nil dans des circonstances mystérieuses, le favori a fait l’objet d’un deuil public de la part de l’empereur, ce qui était perçu comme très osé à l’époque. Un amour profond, qui poussera Hadrien à diviniser Antinoüs et même à faire bâtir Antinoupolis, une cité antique égyptienne, pour abriter la mémoire du jeune homme.
La dernière section de l’exposition démontre l’impact du livre de Mémoires d’Hadrien dans la culture. Peut-être un peu moins vaste que les autres parties, le visiteur pourra tout de même se rendre compte de l’importance de cet ouvrage dans l’imaginaire collectif. Grande femme, première à avoir siégé à l’Académie Française, Marguerite Yourcenar habite cette exposition, autant que la légende d’Hadrien qui, depuis 1951, ne peut plus être imaginée sans que son travail n’apparaisse ici ou là. Un parcours indispensable, tout particulièrement pour tous les lecteurs passionnés de l’auteure.
Profitons de cet article pour aussi décrire notre découverte du lieu, le forum antique de Bavay. Car, mine de rien, voilà un endroit tout à fait étonnant, dont l’importance primordiale pour les recherches archéologiques est encore assez méconnue du grand public. Situé à moins d’une heure de route de Paris, le forum est un site impressionnant, sur lequel était érigé l’un des plus grands forums de l’Empire Romain, rien que ça ! Imaginez : 240 mètres de long, 110 mètres de large. Pour bien se rendre compte de son importance, sachez que sa basilique était l’une des plus importantes de l’Empire, comparable à celle de Carthage ! Le site est impressionnant, et pour mieux le découvrir le forum antique de Bavay a mis en place un programme de visite en 3D, qui permet aux visiteurs de pouvoir se plonger dans ce que fut le forum. Effet garanti, surtout après une visite guidée, pour bien comparer…
Pour toutes les infos pratiques, visitez le site du forum antique de Bavay.