[Critique] La Maison Maudite – William Wiard

Caractéristiques

  • Titre : La Maison Maudite
  • Titre original : This House Possessed
  • Réalisateur(s) : William Wiard
  • Avec : Patrick Stevenson, Lisa Eilbacher, Joan Bennett...
  • Genre : Fantastique
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 96 minutes
  • Date de sortie : 6 février 1981 (TV US)
  • Note du critique : 4/10

Aujourd’hui dans le Ciné-Club, nous n’abordons pas un film, mais un téléfilm. La Maison Maudite (dont le titre VO est tout aussi simple : This House Possessed) fut diffusé à la télévision américaine le 6 Février 1981, en plaine période du téléfilm de qualité. Eh oui, fut une époque où une œuvre destinée à la télévision n’était pas synonyme de grosse bouse quasi systématiquement, et c’était particulièrement le cas jusqu’à la moitié des années 1980. Duel est évidemment le grand représentant de ce genre de programme, mais l’on peut aussi citer The Legend of Lizzie Borden, qui s’intéressait au procès d’une femme accusée d’avoir tué ses parents à la hache. Ou encore Le Roman d’Elvis, réalisé par John Carpenter, pas son meilleur effort loin de là mais particulièrement intéressant notamment pour la performance de Kurt Russel dans le rôle du King. Bref, le téléfilm américain, à ne pas confondre avec le direct-to-video, fut longtemps gage de qualité.

Gary Straihorn (Parker Stevenson) est une star du rock à succès. Un soir, lors de l’une de ses représentations sur scène, il est atteint d’un malaise, qui s’avère être l’effet d’une crise de nerfs bien couvée. Alors qu’il doit sortir de l’hôpital, le chanteur se voit obligé de prendre un peu de vacances, mais il lui faut une infirmière personnelle pour le surveiller de près. Sheila Moore (Lisa Eilbacher), dont le travail à ses côtés après le malaise était jugé satisfaisant, est le choix indiscutable de Gary. Les deux amis, et plus si affinités, partent alors à la recherche d’une maison pour un long repos. Ils jettent leur dévolu sur une bâtisse imposante, moderne et pleine de personnalité. Ce dernier point est tellement vrai que la maison semble animée d’une vie, et s’intéresse particulièrement à Sheila…

image parker stevenson la maison mauditeOn ne va pas faire durer le suspens plus longtemps, La Maison Maudite ne fait pas partie de l’élite des téléfilms américains, et ce malgré sa bonne réputation. Mais, tout de même, quelques éléments s’avèrent assez intéressants pour être discutés. Après une ouverture parfaitement banale et, nous le verrons, problématique, qui pose la maison comme hantée dès le départ, il va falloir que le spectateur s’arme de patience. Car la première moitié de La Maison Maudite tient plus du soap que du fantastique. L’histoire met un moment à s’installer et les personnages, pourtant assez archétypaux, n’ont aucunement la consistance nécessaire pour faire passer la pilule. En bref, on s’ennuie un peu, parfois beaucoup, même si la réalisation hyper sérieuse de William Wiard peut satisfaire l’œil averti. Ce professionnel de la télé, au sein de laquelle il fit l’intégralité de sa carrière, prend le temps de laisser tourner ses plans, qu’il tâche de cadrer le plus proprement possible. S’il manque à son découpage le sens profond pour donner à la globalité une personnalité salvatrice, la réussite formelle de La Maison Maudite est singulière : bien des films actuels n’approchent pas cette qualité.

Hanté par l’ennui

C’est tout de même mauvais signe que de remarquer avant tout la qualité visuelle d’une œuvre, et ce constat s’applique à La Maison Maudite. Le récit avance, mais l’ennui guette à chaque coin de séquence, bien aidé par une gestion étrange de la fameuse maison hantée. Tout d’abord, et c’est une bonne chose que de tenter ce genre d’originalité, le téléfilm tente d’apporter un côté technologique au genre (les spécialistes du genre rétorqueront que l’ignoble Poltergeist 3 en fait de même, mais ça ne change rien à la situation). « Armée » d’un système de surveillance poussé pour l’époque, la bâtisse se plaît à filmer les deux habitants, et surtout Sheila, que l’on comprend vite être la préférée de l’esprit énervé. Problème, si le thème du voyeurisme peut faire mouche, c’est par son traitement, notamment dans les répercussions qu’il a sur la vie privée de la victime. Et qui dit répercussions dit agissements. Voir le fabuleux Peeping Tom de Michael Powell pour s’en convaincre. Ici, nous voyons des écrans de télévisions (cathodiques !) retranscrire le personnage, mais aucune tension n’en découle puisque jamais la maison n’est véritablement agissante dans cette première partie.

image la maison mauditeEn fait, le problème de cette première moitié est de s’être inscrite dès le début dans le genre de la maison hantée. On n’imagine pas les effets néfastes qu’on eu les films « à la James Bond« , avec séquence d’ouverture bourrée d’action pour impressionner le spectateur. Le problème est que cette forme ne peut être payante que si la suite ne retombe pas trop, ni trop longtemps. Enlevez l’ouverture de La Maison Maudite, et vous obtiendrez un téléfilm bien plus intéressant, avec crescendo dans l’émotion. Mais non, il fallait croire que le spectateur avait besoin de savoir où il allait, quelle plaie ! Heureusement, la deuxième partie pointe le bout de son nez pour réveiller le public somnolant agréablement. On n’est pas non plus face à ce qui se fait de mieux dans le genre, mais le téléfilm propose des sortes de sautes d’humeur assez savoureuses et les morts, sans être gores, sont quand même étonnamment glauques. Mais ce qui intéresse le plus est l’évolution de l’histoire qui met, donc, du temps à décoller mais pour planer pour un horizon séduisant. Du moins en partie, car La Maison Maudite survole son récit, ne lui permet pas de s’exprimer totalement. Une maison amoureuse de son habitante, voilà qui mérite d’être approfondi et ce n’est pas vraiment le cas ici.

Au final, La Maison Maudite est une déception, surtout que le téléfilm a laissé un souvenir assez impérissable aux spectateurs l’ayant découvert sur FR 3, en fin des années 1980. Si quelques passages, tous dans la seconde moitié, sont toujours assez impressionnants pour que l’on puisse partiellement comprendre ce succès, le reste est beaucoup trop superficiel pour plaire totalement. Et pour s’en convaincre il faut survivre à une première moitié très soap qui, elle, ne vous convaincra de rien du tout. La Maison Maudite vaut le coup d’œil pour se rappeler à quel point le montage non-épileptique c’est cool, les plans proprement cadrés c’est top, et pour cette histoire plein de potentiel qui mériterait de se faire revisiter par un scénariste en herbe moins porté sur le soap…

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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