[Critique] A Bigger Splash : bombe ou plongeon ?

image affiche a bigger splashCaractéristiques

  • Réalisateur : Luca Guadagnino
  • Avec : Tilda Swinton, Ralph Fiennes, Dakota Johnson
  • Distributeur : StudioCanal
  • Genre : Drame, Policier
  • Durée : 125 minutes
  • Sortie : 6 Avril 2016

Critique

Janvier 1969, en France. Dans les salles obscures déboule ce qui va devenir bien vite un véritable film culte : La Piscine, de Jacques Deray. Œuvre qui réussissait somptueusement à capter le malaise lié aux différentes attirances d’un casting six (non, sept) étoiles, voilà que Studio Canal, détendeur des droits, se lance dans un remake avec ce A Bigger Splash. Idée qui a pu en faire bondir plus d’un, le projet a pourtant attiré notre attention notamment grâce au choix d’un réalisateur doué : Luca Guadagnino, que nous avions découvert avec le très beau Amore. Alors, même si l’entreprise de refaire un film aussi culte et ancré dans son temps que La Piscine peut ne pas être bien perçu, nous attendions de pouvoir nous prononcer sur pièce.

A Bigger Splash s’intéresse à Marianne Lane (Tilda Swinton), une star du rock qui se remet doucement d’une opération aux cordes vocales. Avec Paul (Matthias Schoenaerts), son compagnon, ils partent sur l’île méditerranéenne de Pantelleria afin de se mettre au vert, loin de toute tentation, de tout besoin de pousser le moindre hurlement. La situation se complique avec l’arrivée d’Harry (Ralph Fiennes), producteur de musique aussi doué qu’iconoclaste, mais aussi ancien amant de Marianne. Surtout que l’homme ne débarque pas seul, il vient avec sa fille Pénélope (Dakota Johnson), dont le comportement aguicheur et nonchalant, couplé à celui provocateur de son père, va vite contribuer à instaurer une ambiance bien chargée. Du passé vont ressurgir bien des ressentiments enfouis, alors que le calme de ces vacances va voler en éclat.

Un casting impeccable

image ralph fiennes a bigger splash

A Bigger Splash n’est donc pas un remake fidèle au film de Jacques Deray. Tant mieux, nous n’allons pas nous plaindre de voir un peu d’originalité dans une entreprise qui, de base, voudrait la mettre de côté. Le recours au scénariste David Kajganich, que l’on connaît pour son travail sur Invasion, n’est pas étranger à cette impression de simple reprise de la situation du film d’origine qui, finalement, navigue vers d’autres rivages. Si la tension sexuelle est toujours centrale, faisant et défaisant les relations entre les personnages, certains choix emmènent A Bigger Splash vers un ressenti plus léger, mais surprenant sur quelques points.

A Bigger Splash ne sera pas l’œuvre marquante d’une génération, c’est certain, et c’est sans nul doute dû à une caractérisation des personnages qui met un point d’honneur à les installer socialement avec trop de précision. Pas que le milieu du rock ne soit pas intéressant, mais il est compliqué d’y trouver la matière nécessaire à l’empathie. Heureusement, Luca Guagagnino se rattrape sur sa direction des comédiens qui, sur certaines portions du film, nous a convaincu comme rarement. Le casting est évidemment grandement responsable de cette qualité d’interprétation, notamment une Dakota Johnson qui prouve, loin de Grey, qu’elle a bien du talent. Le metteur en scène prend plaisir à faire occuper l’espace pour bien provoquer des réactions qui, inévitablement, provoque ce qui est l’autre grande réussite d’A Bigger Splash : son crescendo.

Gros travail sur le crescendo des sentiments

image dakota johnson a bigger splash

A Bigger Splash a un peu de mal à démarrer, à véritablement installer ses personnages, mais la suite mérite que l’on s’accroche sur le premier quart-d’heure. Autour de la fameuse piscine, les remous vont faire de plus en plus de bruit, et Marianne aura de moins en moins le cœur à ne pas en faire. C’est ici qu’A Bigger Splash gagne en intérêt, quand le film cesse de parler musique (Tarantino a le même problème quand ses personnages parlent cinéma) pour révéler au monde ce qu’ils sont profondément. Harry, superbement incarné par Ralph Fiennes, en est le meilleur exemple. Il porte en lui des cicatrices jamais réellement guéries, et semble avoir rejoint Pantelleria pour en témoigner d’une manière bien inélégante.

A Bigger Splash fascine alors. Le spectateur est placé aux premières loges d’un spectacle malsain, voire cruel tant les non-dits sont parfois féroces. Tout converge vers un acte fatal, inévitable. Alors certes, les cinéphiles verront arriver le dernier quart du film, qui fonctionne très bien par ailleurs, mais impossible de ne pas être surpris quand le point culminant pointe le bout de son nez. Si nous éviterons d’en dire plus pour ne pas vous “spoiler”, sachez que l’un des thèmes du film, l’impact du drame des migrants faisant de Pantelleria une sorte de Lampedusa, et qui peut être ressentie comme une pièce rapportée dans la première partie d’A Bigger Splash, trouve en fait une véritable justification scénaristique et pleine d’un sens bien vu.

Au final, A Bigger Splash n’est finalement que peu en rapport avec le film qu’il remake, en dehors des grands traits de la trame principale. Moins réussi dans son exposition, l’œuvre parvient à bien redresser la barre par la suite, quand les personnages se mettent enfin à nus (ou en maillot). Dès lors, l’ambiance connaît un crescendo saisissant, jusqu’à devenir asphyxiant et accoucher d’un point culminant qui ne déçoit pas. Luca Guadagnino se tire bien de cette entreprise à risques.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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