Caractéristiques
- Titre : Tout en haut du monde
- Réalisateur(s) : Rémi Chayé
- Avec : Christa Theret, Féodor Atkine
- Editeur : Diaphana
- Date de sortie Blu-Ray : 7 Juin 2016
- Date de sortie originale en salles : 15 Juin 2015
- Durée : 78 minutes
- Note : 9/10 par 1 critique
Image : 4/5
Le MPEG 2 de cette édition DVD rend une très bonne copie, même si l’on sent que la définition est, sur une poignée de plans, un peu problématique. Mais l’impression est agréable dans l’ensemble, les couleurs sont en tous points fidèles à l’idée de base, et les contrastes sont bien équilibrés.
Son : 5/5
Tout en haut du monde est proposé en français, en Dolby Digital 2.0 et 5.1. Les deux possibilités sont tout simplement excellentes même si, évidemment, la 5.1 garde notre préférence pour son relief. Mais quel que soit votre choix, ou votre installation maison, sachez que la netteté est entière, l’équilibre nickel, le plaisir total.
Bonus : 4/5
Un making of qui revient sur la conception du projet, assez marketing mais qui offre tout de même des images de travail très intéressante. Mais le gros morceau, c’est sans aucun doute le commentaire audio assuré par Rémi Chayé et son équipe technique, qui revient sur pas mal d’éléments techniques passionnants.
Synopsis
1892, Saint-Pétersbourg. Sacha, une jeune fille de l’aristocratie russe, a toujours été fascinée par la vie d’aventure de son grand-père, Oloukine. Explorateur renommé, concepteur du Davaï, son magnifique navire de l’Arctique, il n’est jamais revenu de sa dernière expédition à la conquête du Pôle Nord. Et maintenant son nom est sali et sa famille déshonorée. Pour laver l’honneur de la famille, Sacha s’enfuit. En route vers le Grand Nord, elle suit la piste de son grand-père pour retrouver le fameux navire.
Le film
Après quelques travaux côté bande dessinée, Rémi Chayé s’essaye à l’exercice difficile du long-métrage d’animation. Sur le feu depuis 2005, Tout en haut du monde se sera attiré les louanges d’une critique qui a un peu tendance à saluer toutes les productions françaises animées. Et il faut bien avouer que, du simple point de vue animation, on rejoint sans hésiter le troupeau tant cette œuvre nous aura régalé les pupilles : aplats racés, couleurs savamment sélectionnées, choix de design courageux comme l’absence de contours noirs (d’où l’importance des couleurs pour jouer les véritables délimitations) ou de reliefs sur les personnages. Tout en haut du monde c’est beau, c’est très french touch, donc dicté par sa direction artistique, et ça fonctionne. Le problème, c’est que le reste ne suit pas forcément.
Premier soucis, le placement géographique de l’action dans la Russie fin du XIXème siècle. Cette situation n’est jamais fouillée historiquement, on parle évidemment d’un Prince, d’un Tsar, mais rien ne donne véritablement une identité russe dans cette Saint-Pétersbourg qui, sans la neige, pourrait autant être Paris ou New-York. Tout en haut du monde cherche d’ailleurs à vider l’environnement de ses particularités, comme en témoigne les choix musicaux assez impersonnels : des chansons en anglais, aucune sonorité typique du pays des Tsars, rien, nada. C’est un véritable regret tant on aurait apprécié que les enfants soient pour une fois en contact avec la culture russe autrement que par le biais de la politique actuelle, loin des rapport Obama-Poutine et autres lourderies. On vit une histoire et seulement celle-ci, sans relief donné par sa géographie, et c’est bien dommage.
Tout en haut du monde est le récit d’une jeune femme qui, sous couvert de la quête du bateau de son grand-père, recherche une indépendance en adéquation avec ses capacités physiques et intellectuelles. Ce qui n’est jamais une mauvaise chose, soit écrit en passant. Encore faudrait-il que cela soit traité avec pertinence, ce qui n’est pas tout le temps le cas. Tout d’abord, on fait face au genre d’œuvre où les femmes sont d’éternelles et gentilles victimes, et les hommes au mieux des machos, au pire des saoulards violents ou des manipulateurs pervers. Sympa pour la jeunesse, on nous prépare une belle génération ! Le fond de l’œuvre n’est pas à remettre en cause, ce sont les moyens narratifs utilisés qui ne sont pas à la hauteur, typiques d’une tendance à un féminisme symbolique et non en rapport avec le réel. L’égalité de traitement entre hommes et femmes est un sujet important, socialement et humainement, et c’est un plaisir de voir cette jeune fille évoluer au fil de Tout en haut du monde. C’est pour cela qu’il est difficile de supporter que l’on joue contre les intérêts d’une telle entreprise en se prenant les pieds dans un tapis allégorique assez irréfléchi.
Car Tout en haut du monde participe à cette idée que le féminisme, c’est le refus de la main tendue par un homme, un discours déjà très largement étalé dans le fondamentalement insupportable Mad Max : Fury Road (mais une claque visuelle indiscutable) et qui se rappelle à notre malheureux souvenir dans l’œuvre ici abordée, notamment par le biais d’une séquence très précise. La jeune fille refuse la main tendue, elle est assez forte pour arriver à grimper seule. Une symbolique mignonne, mais terriblement crétine quand on y regarde de plus près, justement de par son utilisation allégorique (utilisé autrement, on n’a rien à en redire). Imaginez qu’un pays refuse de tendre la main aux nécessiteux, ces mêmes amateurs de belles images évocatrices s’exclameraient-ils « oh, quelle belle belle preuve de non-domination donnée à ces pauvres gens » ? Non, ils hurleraient, à raison, à un repli exécrable. La symbolique de la main tendue est à chérir, et pas à combattre bon sang de bonsoir bande de crétins !
Tout en haut du monde se noie dans son symbolisme, involontairement, car en suivant une mouvance qui se définit pernicieusement comme altruiste et humaniste. On repense aussi à l’apprentissage express de Sacha qui, en une nuit, devient une meilleure seconde du capitaine que l’expérimenté en place, parce que bon, elle a lu un livre sur les nœud marins, vous comprenez. C’est encore plus ridicule que la clé USB de Lucy, sérieux. Dès lors, elle saute sur des éléments, sait exactement quel moyen utiliser, à quel moment, à l’aide de quelle boucle. Parce qu’il faut absolument signifier qu’une femme fait aussi bien que tout le monde, quitte à donner dans l’idéalisme dangereux. Dès lors, il faut accompagner l’enfant lors du visionnage de Tout en haut du monde, pour reprendre en permanence les errements d’une intrigue allusive. Il faut par exemple expliquer que la vie sur un bateau, savoir hisser une grand voile ça ne s’apprend pas en une demi-heure, mais au prix d’une lutte physique ouverte à tous les sexes, certainement pas plus facilement gérée par une femme que par un homme.
Tout en haut du monde est, donc, assez typique de ces œuvres qui aiment à délivrer un fondamental plaisant sur ses bases, mais qui se loupe dramatiquement à cause de réflexes actuels qui trahissent les idéaux pourtant honnêtes par une tonalité sans compromis. Le féminisme, ce n’est pas le refus de la main tendue. Le féminisme, ce n’est pas « la femme est la gentille, l’homme est le méchant ». Tout en haut du monde a oublié tout ça, réduisant même le seul mâle équilibré à l’état de McGuffin gelé (mais quelle horreur, bordel !). Et si ce genre de discours devient la norme aujourd’hui, nous devons rester sur nos gardes, car l’œuvre ici traitée ne s’adresse pas à un trentenaire sur Twitter ou Facebook, mais à nos enfants. Si l’on ajoute à cela un rythme asthmatique, on comprendra que ce dessin animé n’est pas spécialement une réussite, malgré ses qualités visuelles indéniables.