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[Critique] Vaiana, la légende du bout du monde : Un Disney d’une grande poésie visuelle

Caractéristiques

  • Titre original : Moana
  • Réalisateur(s) : John Musker, Ron Clements
  • Avec : (les voix Frances de) Cerise Calixte, Anthony Kavannagh, Mareva Galanter (les voix originales de) Auli'i Cravalho, Dwayne Johnson, Rachel House, Temuara Morrison...
  • Distributeur : The Walt Disney Company France
  • Genre : Animation, Aventures, Famille
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h47
  • Date de sortie : 30 novembre 2016
  • Note du critique : 8/10

Synopsis

Il y a 3 000 ans, les plus grands marins du monde voyagèrent dans le vaste océan Pacifique, à la découverte des innombrables îles de l’Océanie. Mais pendant le millénaire qui suivit, ils cessèrent de voyager. Et personne ne sait pourquoi…

Vaiana, la légende du bout du monde raconte l’aventure d’une jeune fille téméraire qui se lance dans un voyage audacieux pour accomplir la quête inachevée de ses ancêtres et sauver son peuple. Au cours de sa traversée du vaste océan, Vaiana va rencontrer Maui, un demi-dieu. Ensemble, ils vont accomplir un voyage épique riche d’action, de rencontres et d’épreuves… En accomplissant la quête inaboutie de ses ancêtres, Vaiana va découvrir la seule chose qu’elle a toujours cherchée : elle-même.

Critique

Sept ans après La princesse et la grenouille, le duo John MuskerRon Clements, responsable de La petite sirène et Aladdin, deux des plus grands succès du second âge d’or des studios Disney, est de retour avec Vaiana, la légende du bout du monde, un film d’animation réalisé entièrement en images de synthèse inspiré de la mythologie polynésienne. Mené par une héroïne au fort tempérament dont nous suivons le parcours initiatique et qui ne connaîtra pas d’histoire d’amour, Vaiana (Moana en VO) est aussi et surtout l’un des meilleurs films d’animation Disney que l’on ai vus depuis bien longtemps. Si l’on ne saurait nier l’incroyable succès de La Reine des Neiges (2013), notamment auprès des enfants, les aventures d’Elsa et Anna, tout en étant divertissantes, ne possédaient pas tout à fait la force des meilleurs dessins des années 90 du studio. La faute à une structure un peu lâche et à des scènes plus légères, destinées à amuser les plus jeunes mais pas forcément indispensables du point de vue de l’intrigue.

En ce sens, Vaiana, s’il plaira sans doute aux enfants de tous âges, cible bien moins les petits que les enfants à partir de 8 ans, mais aussi les adolescents, et, bien évidemment, les adultes, qui prendront autant de plaisir devant ce nouveau long-métrage que devant un bon Pixar. L’intrigue reprend les principaux éléments liés à Maui, demi-dieu de la mythologie polynésienne, tout en s’inspirant librement d’autres figures importantes de cette culture, telle que la déesse des volcans Pélé. Si ce dernier mythe est fortement modifié, de manière paraître à paraître plus “moral” tout en collant à la thématique écologique, la réappropriation de ces histoires par les studios Disney apparaît globalement satisfaisante, avec quelques beaux moments poétiques, notamment lors de la fin, sur laquelle nous reviendrons.

Surtout, la manière dont paysages et éléments prennent vie est réellement impressionnante et apparaît comme un sommet d’animation. Ceux-ci occupant une place centrale dans Vaiana, la réussite des effets visuels était essentielle, et l’équipe de John Musker et Ron Clements a de toute évidence dépassé les attentes que nous pouvions avoir de ce côté-là. Qu’il s’agisse des tempêtes auxquelles la jeune héroïne est confrontée au large de l’océan ou encore des divinités personnifiant les différents éléments, le résultat est assez époustouflant. Les réalisateurs relèvent donc avec brio le défi posé par une animation entièrement en images de synthèse, à laquelle ils n’avaient jamais été confrontés jusque-là.

Une histoire initiatique imprégnée de la culture polynésienne

image vaiana enfant vaiana la légende du bout du monde disney
© The Walt Disney Company France

Tout en conservant des codes propres aux films Disney (petits animaux drôles ou mignons, chansons…), le scénario propose une histoire initiatique somme toute classique, mais ne tombant jamais dans la niaiserie. Au-delà des habituels messages autour de la détermination, du courage et de l’affirmation de sa personnalité, y compris face à des parents trop protecteurs, Vaiana met aussi en scène un rite de passage, qui est un motif récurrent des mythes, mais était aussi une étape importante de différentes cultures qui la pratiquaient, où le sujet, ayant atteint la puberté, part se confronter à lui-même en partant seul à l’aventure.

Particulièrement forte, cette trame permet de transcender les différents thèmes abordés en leur apportant une dimension hautement symbolique qui est ici gérée avec une certaine finesse par Disney. En effet, contrairement au sympathique Zootopie, Vaiana ne cherche pas à surligner à l’excès le message véhiculé, qui passe de manière claire sans faire preuve de manichéisme. De même, la culture polynésienne est traitée avec un réel respect, ce qui devrait rassurer les esprits échaudés par la vague polémique ayant émergé il y a quelques mois lorsque les premières images du film furent dévoilées, et qui accusaient Disney de racisme en raison de la corpulence robuste du demi-dieu Maui, alors que la population est fortement touchée par l’obésité depuis quelques années. Certes, les scénaristes se sont approprié différentes légendes de la culture polynésienne (qui est assez large) en les modifiant, créant au passage certaines divinités inspirées de mythes plus ou moins reconnaissables, mais ils ont su conserver l’esprit habitant cette culture pour proposer un film adapté aux enfants, et qui ne les prend jamais pour des idiots.

De l’humour et une chanson qui reste en tête

Bien sûr, comme c’est le cas de nombreux Disney, Vaiana est également un film rythmé, avec des passages plus légers et humoristiques. De ce côté-là, Clements et Musker lorgnent davantage du côté de Kuzko l’empereur mégalo (2001) que de La Reine des neiges, sans que cet aspect comique prenne tout à fait le dessus. L’équilibre entre la trame initiatique, davantage portée par l’émotion et ce côté fun est savamment entretenu tout du long et, sans être tordant, le nouveau Disney fera sourire petits et grands. La métaphore de notre ère dominée par le culte de la célébrité et du bling-bling est bien sûr vue et revue, mais entendre le demi-dieu Maui chanter sa propre gloire à une Vaiana stupéfaite par tant de narcissisme est assez plaisant. L’espace d’un instant, on prend peur en entendant une blague sur Twitter, qui pourrait ne plus être aussi compréhensible dans 20 ou 30 ans, si le réseau social venait à disparaître, mais fort heureusement, le film ne tombe pas dans la profusion de blagues anachroniques à la Shrek 4, qui paraît aujourd’hui bien trop daté, moins de 10 ans après sa sortie, en raison de ses nombreuses références à l’actualité people.

Les chansons, sans retrouver l’état de grâce des années 1989-1995, où les B.O. Disney avaient connu un succès considérable grâce aux tubes de La petite sirène, La Belle et la Bête, Aladdin, Le roi lion et Pocahontas, se révèlent quant à elles plutôt agréables à l’oreille, même si l’on ne peut s’empêcher de penser que la tonalité est peut-être un tantinet trop actuelle, contrairement aux morceaux des dessins cités plus haut, qui avaient une qualité plus intemporelle. Néanmoins, “How Far I’ll Go” ( “Bleu Lumière” en VF), le titre-phare du film, se révèle assez accrocheur et n’est pas sans rappeler “Partir là-bas” de La petite sirène dans ses envolées lyriques. La chanson révèle la force de caractère et la détermination de Vaiana, bien plus active que la rêveuse Ariel, poussée par sa curiosité dans le monde des hommes, mais constamment sauvée par ses compagnons marins une fois devenue muette.

Les studios Disney semblent d’ailleurs avoir de grandes espérances au sujet de cette chanson après le succès phénoménal du “Libérée, délivrée” (“Let it Go” en VO) de La Reine des Neiges, puisque l’on entend l’air de la chanson pas moins de quatre fois dans le film (en comptant le générique de fin, une courte reprise en milieu de film et une chanson aux paroles différentes, mais chantée sur le même air), ce qui est peut-être un peu beaucoup, même si ce type de reprises est un élément récurrent des comédies musicales américaines. Une chose est sûre : vous aurez la mélodie du titre en tête en sortant de la salle, et les enfants aussi. La musique, qui a en partie été composée par un artiste néo-zélandais du nom de Opetaia Foa’i, contient également quelques références à la musique des îles, avec une chanson en tahitien en ouverture. Cependant, musicalement, on reste dans une tonalité Disney qui ne dépaysera pas tellement les spectateurs.

Une fin poétique visuellement sublime

image te ka vaiana la légende du bout du monde disney
© The Walt Disney Company France

Les studios de la souris aux grandes oreilles font néanmoins preuve d’un certain courage en n’esquissant pas la moindre histoire d’amour dans un film d’animation mené par un personnage féminin, alors même que La Reine des Neiges, tout en s’intéressant davantage à la relation des deux sœurs, présentait quand même deux intrigues amoureuses liées au personnage doux et rêveur d’Anna. Produit par John Lasseter, dont les artistes du studio Pixar ne cachent par leur amour pour le maître de l’animation japonaise, Vaiana évoquera également les films d’Hayao Miyazaki par sa dimension poétique et écologique, bien que ces éléments soient aussi inhérents à la culture polynésienne et sa mythologie particulièrement riche.

La manière dont le film revisite, à la fin, le mythe de Pélé, la déesse hawaïenne des volcans, tout en rendant hommage à la nature luxuriante, saccagée par les hommes, mais dont l’âme demeure vivante, est d’ailleurs belle à en pleurer ; un pic d’émotion permis avant tout par une poésie visuelle que l’on avait en effet rarement vue en dehors de Princesse Mononoké ou Le voyage de Chihiro. Ce sont ces images, ainsi que la tempête en plein océan, qui restent en tête en sortant de la salle et permettent au studios Disney de se distinguer de leurs œuvres récentes et d’atteindre un nouveau sommet avec ce Vaiana, la légende du bout du monde décidément bien inspiré.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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