Deux ans après la création de son spectacle lyrique Wilkommen, Welcome, Bienvenue, écrit et mis en scène par Guillaume Paire, Roanne Table Ouverte en a proposé une nouvelle représentation le 18 octobre à l’Hôtel de Ville pour inaugurer sa 15e édition, au cours d’un dîner gastronomique où le rire le disputait au plaisir gustatif.
Roanne, une ville où il fait bon manger
Créé en 2003, le festival Roanne Table Ouverte a pour vocation de faire connaître et célébrer la gastronomie roannaise, ses produits et ses principaux acteurs à travers de nombreuses animations s’étalant sur un mois complet : repas, spectacles, expos, conférences et bien d’autres sont proposés aussi bien dans les établissements culinaires que les lieux culturels de la ville dans une ambiance festive. Si elle est assez peu citée parmi les grands centres de la gastronomie française, Roanne, située dans le département de la Loire et la région Auvergne-Rhône-Alpes, à une heure de route de Lyon, est sans conteste une ville où l’on aime la bonne chère et où l’on cultive un véritable savoir-faire.
Hormis la présence de la fabrique Pralus, artisan pâtissier et chocolatier célèbre pour sa praluline et ses chocolats d’exception, on trouve également à proximité la maison Troisgros (à Ouche), de renommée internationale, au restaurant triplement étoilé depuis 1968, l’affineur producteur de fromage Mons, le restaurant gastronomique du Château de Champlong, et de nombreux établissements dont la qualité n’est plus à prouver – nous aurons d’ailleurs l’occasion de vous en reparler plus en détail à travers un grand dossier tourisme.
Un dîner-spectacle pour lancer les festivités
Pour le lancement de sa 15 édition, Roanne Table Ouverte a donc eu l’excellente idée de donner une nouvelle représentation du spectacle lyrique créé en 2015 par Guillaume Paire au cours d’un dîner flamboyant donné devant 68 invités triés sur le volet. Le principe ? La petite troupe de chanteurs lyriques et comédiens menés par le metteur en scène et baryton évoluent au sein du public à l’Hôtel de Ville, et invitent celui-ci à les suivre pour partager un dîner gastronomique. Sans jamais sortir de leurs personnages, ils introduisent alors chaque assiette tout en jouant une histoire aux ressorts vaudevillesques, rythmée par la reprise de chansons populaires et de classiques de l’opéra.
Chefs, cuisiniers et serveurs des tables roannaises participantes sont également présents et font une brève apparition au sein de cette pièce complètement folle où le public est également mis à contribution. Culturellement Vôtre était présent et a ainsi pu apprécier les mets exceptionnels conçus à cette occasion par les restaurants Le Prieuré, Ma Chaumière, Le Petit Prince, L’Assiette Roannaise, ainsi que la Pâtisserie Clarissou.
Un spectacle lyrique immersif et enjoué
Dès l’entrée à l’Hôtel de Ville à 19h45, l’immersion était totale, puisque Guillaume Paire, lui-même baryton, accueillait chaque spectateur muni d’une invitation en annonçant son nom à l’assemblée de son ton pincé de majordome. Alors que les serveuses fendaient la foule pour distribuer les délicates mises en bouche des restaurants Le Prieuré et Ma Chaumière, le spectacle commençait alors sur une petite scène où la soprano Alexandra Hewson, dans le rôle de la chanteuse de cabaret Sugar Baby Blue, interprétait avec glamour et brio trois standards de Marilyn Monroe : « Diamonds are a Girl’s Best Friend », « My Heart Belongs to Daddy » et « I Wanna Be Loved By You ».
Denis Mignien et Dina Husseini faisaient ensuite leur apparition dans les rôles d’un arrogant nabab et sa nouvelle conquête, suivis par l’entrée en matière fracassante d’Amélie Grillon dans le rôle de l’ex-femme lésée. Cette dernière a franchi l’entrée de l’hôtel de ville en interprétant l’air de la reine de la nuit de La flûte enchantée de Mozart, jouant à la perfection la colère volcanique.
Les classiques de l’opéra et de la chanson populaire sous l’angle du vaudeville
Une fois le public installé à la table qui lui avait été attribuée pour le dîner, le spectacle se poursuivait donc entre chaque assiette. Si nous n’avons pas retenu l’intégralité des morceaux interprétés, on citera un très joli « C’est la fête » (extrait du dessin animé de Disney, La Belle et la Bête), de rigueur pour lancer à la fois la soirée et le festival, un « Bohemian Rhapsody » puissant au moment du dessert, mais aussi du Verdi, d’autres morceaux d’opéra, ainsi que des chansons populaires et standards du jazz réinterprétés de manière lyrique.
Une explosion d’émotions très bien rythmée, où le rire avait la part belle puisque l’intrigue de la pièce restait d’un bout à l’autre dans cette tonalité vaudevillesque légère. On saluera d’ailleurs les belles trouvailles de la troupe dès lors qu’il s’agissait de fusionner humour et chant lyrique : lorsque Sugar Baby Blue pleure, par exemple, ses sanglots se transforment d’un coup en chant et ne cessent de monter dans les aigus avant de dégringoler.
Les interactions avec le public étaient également très bien gérées d’un bout à l’autre : les artistes venaient régulièrement saluer ou prendre à témoin les convives, voir les séduire pour exciter la jalousie d’un autre personnage, donnant lieu à des moments très drôles. Le spectacle étant découpé en fonction de l’arrivée des plats, les tenants et aboutissants de la pièce étaient plus simples que pour un spectacle de boulevard traditionnel, mais le tout fonctionnait très bien.
Un menu de roi conçu par les chefs roannais
Parlons du menu à présent ! En entrée, le bain-marie de foie gras et son tartare de canard, accompagné d’un espuma de cèpes a mis dès le départ la barre très haut. Conçu par Guillaume Goutaudier et Jean-François Reure du restaurant Le Petit Prince, cette petite merveille était présentée dans un bocal posé sur un sous-plat en forme de tronçon d’arbre. La délicatesse et l’équilibre divin du foie gras (dont le goût différait du foie gras entier) le disputait à la légèreté aérienne de l’espuma de cèpes, tandis que le tartare de canard, plus épais et tendre juste ce qu’il faut, était accompagné de quelques tranches de magret et de lamelles de champignons crus. Une belle leçon d’équilibre et de savoir-faire, pour une entrée consistante sans être lourde.
En plat pricipal, la Poularde de Bresse à la Royale, jus à la bière brune de Saint-Romain et ses légumes de L’Assiette Roannaise nous a étonnés par sa incroyable finesse. Extrêmement tendre (bien plus que du poulet), elle se mariait à la perfection avec son jus enrobant, qui venait en révéler et souligner les arômes sans jamais les masquer, de même que les petits légumes, marinés et légèrement croquants.
Arrivés au stade du fromage, les deux premiers plats, qui semblaient avoir glissés tout seuls, nous avaient déjà bien nourris, d’autant plus que chaque assiette était accompagnée d’un vin différent. Du coup, le petit rectangle du Nougat Fourme de Montbrison et son confit d’oignons du restaurant Ma Chaumière semblait suffisamment raisonnable pour que nous puissions le déguster sans sauter le dessert. Fin, peu gras et garni de raisins secs, il était savoureux et l’alliance du confit avec les fruits secs, idéale.
Cependant, nous n’avons pas réussi à le finir tout à fait, et ne pourrons du coup nous prononcer sur l’appétissante Tarte aux pommes de Grand-Mère Greta de la Pâtisserie Clarissou, introduite par une chanson spéciale autour de la recette de ce grand classique, chantée en chœur par les chefs, cuisiniers et serveurs roannais, ni sur le café gourmand et ses mignardises, amené au moment des salutations de la troupe.
Une introduction idéale au festival et au savoir-faire roannais
Quoi qu’il en soit, on n’aurait pu rêver meilleur dîner pour introduire cette 15e édition de Roanne Table Ouverte, autant du point de vue du repas que de celui du spectacle. La passion et le plaisir des artistes comme celui des artisans roannais était palpable et, au-delà l’évidente qualité de l’ensemble, il s’agissait également là d’une belle manière de rendre hommage au savoir-faire de ses artisans, dont le métier se base autant sur la rigueur, la créativité, que la notion de transmission. Un beau moment de partage, dont nous sommes sortis le sourire aux lèvres, les papilles aiguisées et le ventre bien rempli.
Roanne Table Ouverte se tiendra jusqu’au vendredi 27 octobre 2017. L’ensemble de la programmation, ainsi que les détails pratiques, sont disponibles sur le site officiel du festival.