[Critique] Hostiles : Un western sans concession

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Scott Cooper
  • Avec : Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi, Adam Beach, Ben Foster, Timothée Chalamet, Q'Orianka Kilcher...
  • Distributeur : Metropolitan FilmExport
  • Genre : Western
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 2h13
  • Date de sortie : 14 mars 2018
  • Note du critique : 8/10

Allié ou ennemi, où se situe la frontière ?

C’est un western âpre, douloureux et salutaire que nous offre Scott Cooper avec Hostiles. Parce-qu’il rend un magnifique hommage aux amérindiens qui furent décimés par les colons sans pour autant excuser ni diaboliser ces derniers, et qu’il interroge la notion de frontière si chère au genre et à l’histoire des États-Unis, ce quatrième long-métrage du réalisateur américain mérite que l’on si arrête. Dans cette grande fresque peu bavarde magnifiant les décors de l’Ouest sauvage, nous faisons la rencontre d’une femme dont la famille vient d’être massacrée par les Comanches et d’un capitaine de cavalerie, ancien héros de guerre auquel on impose d’escorter le vieux chef Cheyenne qui fut son plus grand ennemi dans une réserve avec les siens afin qu’il y meurt en paix. Ces différents protagonistes vont ainsi se retrouver ensemble par la force des choses, contraints de voyager ensemble, puis de s’allier, pour pouvoir survivre, puisque les Comanches, ennemis des colons comme des Cheyennes, rôdent encore…

image christian bale wes studi hostiles film scott cooper
© Metropolitan FilmExport

Et Scott Cooper d’interroger la notion de frontière sous ses différents aspects : frontière territoriale d’une part, celle qui divise colons (qui se sont appropriés des terres qui n’étaient pas les leurs) et amérindiens, mais aussi et surtout frontières entre les êtres, entre le Bien et le Mal, etc. Ici, cette ligne invisible semble relative aux circonstances : les anciens ennemis deviennent alliés et apprennent à surmonter leurs craintes ensemble. A mesure que chacun prouve sa valeur ou effectue des gestes envers les autres, le regard change. Le résultat aurait pu être pataud, mais cela se fait de manière tellement progressive et subtile au sein du film que l’on adhère sans peine à cette approche. Qu’il s’agisse du lien qui s’établit progressivement entre le personnage de Rosamund Pike (We Want Sex Equality) et les Cheyennes ou bien de la relation de Blocker (Christian Bale) avec le chef Yellow Hawk (Wes Studi), qui passe de la méfiance à un profond respect mutuel, la dimension psychologique et humaine est traitée de manière remarquable. Quant au contexte historique et politique, le cinéaste nous le rappelle sans pour autant trop en faire, se contentant de relever ce qui, dans la conquête de l’Ouest du XIXe siècle, fait écho pour nous aujourd’hui, en soulignant les manipulations politiques dont les Indiens payèrent les frais.

Retrouver du sens là où il n’y en plus

image chevaux coucher de soleil hostiles film scott cooper
© Metropolitan FilmExport

Les colons sont quant à eux, à travers le héros de guerre incarné par Christian Bale, montrés comme étant traumatisés par la guerre, n’entretenant plus aucune illusion. La violence des affrontements et le comportement du général Custer sont ainsi dénoncés. Si Hostiles n’est pas le premier film à adopter ce parti pris — on se souviendra, sur un mode tragi-comique, de Little Big Man d’Arthur Penn — la manière dont il refuse de montrer l’un ou l’autre camp comme “les méchants” est plus singulière dans le paysage du cinéma américain, d’autant plus que, parmi le trio de tête, chacun possède autant d’importance que l’autre et est tout autant fouillé et développé. La manière dont on peut, dans certaines circonstances, en venir à perdre son humanité est un thème central que le film explore avec brio et, là encore, sans grandes démonstrations.

image rosamund pike fusil cheyenne hostiles film scott cooper
© Metropolitan FilmExport

La violence est très présente, ancrée dans chaque plan même lorsque certaines séquences semblent en apparence “calmes”, instaurant une tension de chaque instant. On aura ainsi rarement vu une ouverture aussi marquante, où les enfants représentent une cible comme une autre. Ce massacre, et celui des amérindiens (bien présent à notre esprit quand bien même nous n’y assistons pas) nourrit le film et lui apporte une dimension tragique, crépusculaire. Nous savons dès le départ que, dans ces espaces immenses, aucune loi ne fera foi. C’est ainsi les relations que tisseront les personnages qui viendront apporter du sens là où il n’y en avait plus aucun.

Voilà d’ailleurs une belle manière de résumer Hostiles : un acte de foi en l’humanité, quand bien même tout nous montre que nous avons des raisons d’en douter. A l’heure où l’Amérique se retrouve une nouvelle fois coupée en deux, rappeler ce besoin vital de comprendre l’Autre et d’établir un dialogue est essentiel, et la grande force de ce western sans concession est de le faire sans pour autant prendre la forme d’un brûlot idéologique, où la morale serait simplement collée à l’histoire. Si l’on ajoute à cela une excellente direction d’acteurs et une réalisation d’une grande force, on obtient l’un des meilleurs westerns de mémoire récente, et qui devrait rester parmi les meilleurs exemples du genre de la décennie.

Tentez de remporter 5×1 place pour aller voir Hostiles au cinéma jusqu’au 18 mars.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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