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[Critique] Bajirao Mastani : une majestueuse histoire d’amour

Caractéristiques

  • Titre original : Baajeeraav Mastaanee
  • Réalisateur(s) : Sanjay Leela Bhansali
  • Avec : Ranveer Singh, Deepika Padukone, Priyanka Chopra, Tanvi Azmi, Milind Soman
  • Distributeur : ESC Films
  • Genre : Drame, Historique, Romance
  • Pays : Inde
  • Durée : 158 minutes
  • Date de sortie : 25 juillet 2018
  • Note du critique : 8/10

Un film romantique à la direction artistique sublime

image film bajirao mastani

La sortie, en salles, de Bajirao Mastani, est un véritable événement. Parmi les cinémas qu’on aimerait un peu plus aborder, sur Culturellement Vôtre, celui en provenance d’Inde occupe une place de choix. Il faut bien écrire que Bollywood regorge de films qu’on rêve de découvrir, loin des clichés qui accompagne cette vision du septième art. Oui, le chant, la danse, occupent une partie de ces œuvres. Oui, leur longueur dépasse souvent les trois heures. Mais il est rarement avancé que cette forme, déroutante pour les occidentaux, que nous sommes nous aussi, participe d’une diversité salvatrice. De plus, comment en tenir rigueur, comme nous l’avons souvent remarqué, alors que des longs métrages comme La La Land cartonnent ? Alors que les films de super héros sont fiers d’annoncer des durées de plus en plus importantes (et pas pour le meilleur résultat, pour le coup) ? Bref, la recette à l’indienne garde un intérêt majeur, même si elle n’est que très peu distribuée dans nos salles, en France.

Bajirao Mastani ne sort pas de nulle part. Il est le nouveau film signé par Sanjay Leela Bhansali, un nom que vous connaissez peut-être moins que le réalisateur du dernier Marvel en vogue, mais dont l’importance est bien plus grande. C’est lui qui a signé Devdas, l’un des plus grands succès populaires de Bollywood, qui a aussi provoqué une telle onde de choc que l’Occident a aussi été touché. Seize années plus tard, et quelques autres succès en poche (dont le sublime Guzaarish), l’aura de l’artiste est toujours intacte, même si son actualité nous est évidemment moins connue. Sachez, par exemple, que Sanjay Leela Bhansali a signé tout récemment, juste après le film qui nous intéresse dans cette critique, un certain Padmaavat, dont le thème, autour de la reine Padmavati, a déchainé les passions. Mais aussi les controverses, puisque l’œuvre fut la cible de certains extrémistes. C’est aussi la marque du réalisateur : savoir gratter son pays, là où il est le plus chatouilleux…

Des thèmes courageux

image bajirao mastani

C’est une qualité que nous retrouvons, dans Bajirao Mastani. L’histoire s’inspire de faits historiques, et plus précisément d’un personnage important : le jeune Peshwa (équivalent du premier ministre, en Inde) Bajirao. Ce sont ses amours qui ont attiré l’intérêt de Sanjay Leela Bhansali, puisque ces derniers sont assez peu abordés dans ce gigantesque pays. Mais sachez, dès maintenant, qu’on ne fait pas face à une adaptation fidèle de la réalité. Tout d’abord, parce que le réalisateur a décidé d’extraire, de ce récit, avant tout une puissance d’évocation, et non de l’exactitude. Aussi, car peu d’écrits abordent ce chapitre de la vie, véritable, de Bajirao. L’histoire prend place au dix-huitième siècle, alors que la cour du roi hindou marathe Chhatrapati Shahu cherche à introniser son nouveau Peshwa. Ce dernier sera le personnage principal du film, lequel, lors d’une des guerres qu’il mène, rencontre Mastani, fille du roi et de la musulmane Ruhani Bai. Voilà le point de départ d’un amour que tout prédisait impossible.

Sous couvert de fresque historique, Bajirao Mastani déploie des forces qui l’emmènent à se faire objet filmique très moderne. Le thème principal, derrière le grand spectacle, est la main-mise de la religion sur les décisions sentimentales, humaines. Sanjay Leela Bhansali prend des risques, joue carte sur table. Il est bien question du rapport très tendu, à cette époque, entre hindous et musulmans. Et c’est précisément là que se situe, finalement, la plus belle réussite de l’œuvre. Les décors ont beau toucher au sublime, les scènes de bataille s’avérer épique au possible : on est ému comme rarement grâce au traitement scénaristique, qui ne prend pas réellement parti. Certains pourront affirmer que la religion musulmane est plutôt choyée, on préfère y voir un rapport de force qui, effectivement, rabaisse celle-ci. Mais il n’est nullement question de prêche, de se positionner. Le scénario fait tout pour que la construction sentimentale reste pure, quitte à choquer l’occidental, à propos de la polygamie. Rassurons ce dernier : n’oublions pas que le récit se déroule il y a plusieurs centaines d’années, il n’est pas question de faire la promotion de ce mode de vie.

Une expérience à surtout vivre au cinéma

Bajirao Mastani est la preuve que les grands films romantiques peuvent encore exister, aujourd’hui, alors que les rapports entre les hommes et les femmes se font de plus en plus compliqués. À l’heure d’un Netflix, qui interdit aux deux sexes de croiser leur regard plus de cinq secondes (non, ce n’est pas le Gorafi, c’est réel et affirmé), on avait bien peur de ne plus jamais retrouver des séquences aussi fortes que le final de The Lovers, véritable attentat lacrymogène, ou celui de Vous avez un message. Pour se rassurer, il faut donc se tourner vers l’Inde, et le long métrage qui nous intéresse ici. Alors certes, c’est parfois incroyablement poussé au bout du concept. On voit déjà les hystériques à cheveux verts nous bassiner avec leur machisme à deux roupies. Mais toute cette partie, volontairement emportée au stade rigolard, ne fait jamais, ô grand jamais, oublier les élans romantiques vertigineux, distillées dans l’œuvre.

Sanjay Leela Bhansali est un grand réalisateur. Pas aussi connu qu’un Steven Spielberg, bien loin des buzzs occidentaux parfois incompréhensibles. Budgété à hauteur de dix huit millions d’euros, ce qui en fait l’un des films les plus chers de l’histoire de Bollywood, Bajirao Mastani est la preuve par (ménage à) trois qu’il n’en faut pas plus pour obtenir un résultat éclatant. Autant être très clair : c’est visuellement sublime, d’un bout à l’autre, à l’exception de quelques plans à CGI un peu moins convaincants. Les séquences d’intérieur sont un régal pour les yeux, avec ces sources de lumière aussi improbables que carrément féériques. Les couleurs, d’une chaleur qui envahit le spectateur, jouent un véritable rôle dans cette histoire. Chaque gros plan est une œuvre d’art, et tous les costumes ont fait l’objet d’un soin acharné. C’est tout simplement prodigieux, et formellement et musicalement. Et cela ajoute évidemment aux forts sentiments qui nous habitent, jusqu’après visionnage.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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