Caractéristiques
- Titre : Le retour de Mary Poppins
- Titre original : Mary Poppins Returns
- Réalisateur(s) : Rob Marshall
- Avec : Emily Blunt, Lin-Manuel Miranda, Ben Whishaw, Colin Firth, Meryl Streep, Emily Mortimer...
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Genre : Comédie musicale, Famille
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h11
- Date de sortie : 19 décembre 2018
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Une Mary Poppins différente, mais tout aussi ensorcelante
Cinquante-quatre ans qu’on ne l’avait plus vue sur nos écrans ! Mary Poppins est de retour en salles le 19 décembre sous les traits d’Emily Blunt (Sans un bruit, Le chasseur et la reine des glaces, L’agence), dirigée pour l’occasion par Rob Marshall, le réalisateur de Chicago, avec lequel elle avait déjà travaillé sur Into the Woods d’après Stephen Sondheim – déjà une production Disney. Une équipe rodée aux comédies musicales donc, et qui nous propose ici un enchantement nostalgique tout aussi enchanteur que le film originel avec Julie Andrews. Car s’il y avait matière à craindre un auto-plagiat de la part de Disney, Le retour de Mary Poppins ne se contente jamais de recycler les recettes du film de Robert Stevenson et parvient à faire quelques petits rappels à ce grand classique tout en se démarquant de celui-ci.
Pour commencer, le scénario et l’interprétation d’Emily Blunt éloignent le personnage de la nanny anglaise de celui de Julie Andrews, un peu trop charmante et souriante. Ici, l’équipe est retournée à la source du « mythe », c’est-à-dire aux romans de Pamela Lyndon Travers, où Mary Poppins est bien plus ferme, pince-sans-rire, voire parfois un peu effrayante. Blunt parvient à retranscrire cette dimension du personnage avec brio, armée d’un port de tête royal, de sa voix rauque et d’un jeu malicieux mais plus rentré que celui de sa prédécessrice.
Le meilleur exemple de ce changement est celui de la scène du bain : tout juste débarquée, la nounou, qui a décrété que les deux enfants Banks étaient sales, leur prépare ce qui ressemble pour elle à un bain de rêve, jetant sans ménagement dans la baignoire remplie de mousse bateau et autres objets qui disparaissent de manière étonnante et, pour les enfants, carrément inquiétante puisqu’ils ne connaissent pas encore les pouvoirs de Mary. Ainsi, lorsqu’elle pousse George dans le bain de mousse et que celui-ci disparaît purement et simplement, sa sœur est épouvantée, et crie à la gouvernante d’aller le sauver, persuadée qu’il va se noyer. Ce que Mary Poppins accueille avec un grand sourire qui peut alors sembler quelque peu alarmant. Evidemment, on découvrira quelques secondes plus tard que grâce à ses pouvoirs, les enfants se retrouvent dans un merveilleux océan animé dans lequel ils peuvent respirer. Mais cette scène plante merveilleusement le personnage, ultra-ferme, en apparence snob et un peu suffisante, et pourtant pleine de fantaisie.
Des numéros musicaux pleins de charme
Le reste du film est à l’avenant, alternant entre numéros où des personnages (dont les fameux pingouins) et éléments de décor animés sont intégrés, et scènes marquantes dans un Londres brumeux aussi beau que fantasmé. En esthète, Rob Marshall instaure une ambiance contrastée pour retranscrire la beauté de la ville en même temps que la précarité du début des années 30. Surtout, l’imagerie de cette suite tardive n’a rien à envier au film de 1964. Le final mettant en scène Big Ben possède ainsi la même force que la ballade sur les toits, les avancées techniques en plus. De ce côté-là, précisons d’ailleurs que le film est très beau et ne possède pas cet aspect tout numérique qui peut parfois devenir assez laid. Rob Marshall a tenu à conserver une pâte « artisanale », et le rendu est véritablement somptueux.
Enfin, la musique constitue une vraie réussite et un immense soulagement : toutes les chansons sont de nouvelles compositions originales (aucune reprise ne figure sur la B.O.) et n’ont aucunement à rougir face à celles de 1964. Alors certes, il n’est pas sûr qu’un titre du Retour de Mary Poppins devienne aussi iconique que « Supercalifragilistic », mais qu’il s’agisse des mélodies ou bien des arrangements, score et chansons sont parfaitement fidèles à l’esprit de ce grand classique de notre enfance, tout en s’en différenciant, apportant quelque chose de nouveau, dans le fond comme dans la forme. Il y a une certaines dimension Broadway dans les compositions de Marc Shaiman et le numéro « The Cover is not the Book », par exemple, propose une petite incursion jazzy qui n’est pas sans rappeler l’adaptation cinématographique du musical Chicago par Rob Marshall, aussi bien par la performance vocale d’Emily Blunt, très 30’s, que son carré court, qui lorgnent tous deux du côté de Catherine Zeta-Jones dans ce film de 2002.
De manière générale, des chansons plus enjouées (« Can You Imagine That », « Trip a Little Light Fantastic »…) au plus émouvant « Where the Lost Things Go », ces nouveaux morceaux possèdent une dimension intemporelle, évitant les écueils de certaines comédies musicales récentes telles que The Greatest Showman, qui risque de faire très daté dans dix ou vingt ans en raison de son empreinte de pop mainstream entre Sia, Katy Perry et Rihanna. Rien de tout ça ici, et c’est tant mieux ! On pourra ainsi montrer côte à côté a Mary Poppins et Le retour de Mary Poppins aux enfants sans que le résultat ne paraisse véritablement étrange.
Entre émotion et fantaisie, une ode à la magie de l’enfance
Last but not least, en abordant la crise économique et le deuil, Le retour de Mary Poppins se révèle plus dramatique et émouvant que le film de 1964, et c’est dans ces moments où la comédie déjantée et fantaisiste cède la place à quelque chose de plus sombre et fragile que toutes les nuances du personnage incarné par Emily Blunt se révèlent. Cette Mary Poppins là, moins lisse, plus drôle, est également plus réelle, plus humaine et, grâce à un jeu davantage rentré, bien plus touchante. Le retour de Mary Poppins devient alors, malgré son final aussi léger qu’un ballon de baudruche coloré, une ode à l’enfance aux teintes plus mélancoliques qu’il n’y paraît.
« Demain, les adultes auront oublié », murmure le personnage d’Angela Lansbury à Mary avant qu’elle ne reparte. « Comme toujours », répond-elle, le regard dans le vague. Toujours est-il que cette suite de Rob Marshall nous aura fait retrouver le temps de 2 heures notre âme d’enfant et le sentiment d’émerveillement éprouvé à la découverte du film de 1964 (qui était un projet très personnel pour Walt Disney), sans pour autant nier l’inquiétude éprouvée face à un avenir incertain. Un film étonnant, qui ravira aussi bien petits et grands en cette fin d’année. On tient là notre coup de cœur de Noël… et l’un de nos coups de cœur de l’année.