Caractéristiques
- Titre : Alien Crystal Palace
- Réalisateur(s) : Arielle Dombasle
- Avec : Arielle Dombasle, Nicolas Ker, Christian Louboutin, Michel Fau, Asia Argento, Jean-Pierre Léaud...
- Distributeur : Orange Studio
- Genre : Science-fiction, comédie dramatique
- Pays : France
- Durée : 1h37
- Date de sortie : 23 janvier 2019
- Note du critique : 3/10 par 1 critique
Un nanar SF complètement déjanté
Attendu comme le Messie par une partie de la rédaction pour ses promesses nanardesques, Alien Crystal Palace d’Arielle Dombasle est sorti dans une poignée de salles arts et essai le 23 janvier dernier. La genèse de ce film SF résolument baroque et psychédélique prend sa source dans la précédente collaboration d’Arielle Dombasle et Nicolas Ker, l’album La rivière Atlantique, dont la réalisatrice-actrice reprend ici et là quelques images des différents clips. Avant d’en arriver au film en lui-même, tentons de résumer l’intrigue en quelques mots : des divinités égyptiennes (ou des savants se prenant pour tels) jettent leur dévolu sur une réalisatrice expérimentale en vogue et un musicien torturé, qui formeraient selon eux le couple idéal pour donner vie à l’Androgyne, soit un être mythique parfait, alliance unique d’homme et de femme. Ils forcent alors la main du destin pour jeter les deux artistes dans les bras l’un de l’autre le temps d’un tournage dans des destinations paradisiaques allant de Venise au Caire. Mais Dolores, rongée par ses névroses familiales, refuse de s’abandonner à cette passion, tout en jetant de belles jeunes femmes dans les bras de Nicolas…
Evoquer Alien Crystal Palace de manière cohérente et articulée est un exercice périlleux tant le film d’Arielle Dombasle a tendance à jouer de l’accumulation et à partir dans tous les sens. Ouvertement nanardesque et jouant du kitsch de manière décomplexée, cet OVNI cinématographique tient dans l’ensemble bel et bien ses promesses dans cette catégorie particulière du cinéma bis, tout en jouant également avec la pure série Z lors de ses envolées ubuesques à bord d’un sous-marin de carton-pâte ou avec ses divinités pseudo-égyptiennes dont les fêtes rappellent davantage la grande époque du Palace que le prestige des pharaons. Pêle-mêle, nous avons donc : deux artistes gentiment barjos — l’une droguée et enivrée par une passion qu’elle refuse, le second en croisement hybride entre Bryan Ferry et Serge Gainsbourg — qui se désirent et se déchirent de manière très artificielle, un couple d’acteurs qui s’engueule de manière délicieusement fausse, Asia Argento en caviste jalouse débordée par l’arrivée du Beaujolais Nouveau, un trio de faux producteurs étranges (dont le styliste Christian Louboutin) cherchant à mettre le plan des dieux à exécution, Michel Fau en divinité égyptienne hallucinée, amateur de jolies filles, des décors à l’artificialité assumée et des dialogues surréalistes, dont un mémorable « Elle nous a envoyé toute une armade de poufiasses dans les jambes, heureusement, on s’en est débarrassés ! » ou encore « Ce qu’il y a de bien avec les sous-marins, c’est qu’il n’y a pas de décalage horaire ».
Un film foutraque mais délicieusement drôle
Le résultat, s’il peut interloquer à plus d’une reprise, est souvent très drôle, et, encore une fois, au moins une partie de cette dimension nanardesque semble avoir été volontairement convoquée par Arielle Dombasle. Ceux qui connaissent un peu sa filmographie se rendront également compte qu’elle rend hommage à des cinéastes comme Alain Robbe-Grillet, avec lequel elle avait tourné des films érotiques. Ainsi, si le personnage incarné par l’actrice se refuse à Nicolas Atlante (Nicolas Ker), on la voit nue à plus d’une reprise, à chaque fois que le musicien s’abandonne à ses rêveries saphiques en l’imaginant aux côtés des différents personnages féminins du film. Il y a d’ailleurs, lors du passage avec Asia Argento, une certaine poésie qui émerge, le temps de deux-trois plans à priori incongrus mais à la candeur quasi-enfantine.
Pour le reste, en revanche, l’artiste semble prendre au sérieux l’histoire d’amour centrale (elle a d’ailleurs qualifié son film de « tragédie musicale ») et c’est là que le bât blesse : on n’y croit pas une seconde. Si l’on veut bien croire qu’Arielle Dombasle et Nicolas Ker ont une très belle entente artistique, malheureusement, à l’écran, l’alchimie ne fonctionne pas. De sorte que lorsque son personnage de réalisatrice mi-sérieuse mi-déjantée se retrouve à déchirer une chemise de rage lorsque le musicien folâtre dans sa chambre avec son assistante, le tout semble assez ridicule. Pareil pour les scènes « dramatiques » entre le couple, qui apparaissent drôles au final. Quant à la fin, qui voudrait tenir d’un mécanisme implacable (selon le principe de la tragédie), elle peut sembler assez arbitraire, et la réalisation part souvent dans des directions opposées.
Une générosité de chaque instant, malgré des défauts évidents
Malgré cela, si vous aimez les expériences psychédéliques que les séries B et Z ont à offrir, Alien Crystal Palace est un film à voir, ne serait-ce que par curiosité et pour la générosité à tout crin qui s’en dégage. Car, s’il est difficile de noter le film de manière plus favorable, ce que l’on ne saurait retirer à Arielle Dombasle, c’est le plaisir évident avec lequel elle a réalisé ce film « entre amis » (Louboutin, notamment, fait partie de ses proches), plaisir assez communicatif il faut bien l’avouer, et qui fait que les 1h37 passent assez vite.
Et la cohérence dans tout ça ? Si on pourra voir un peu ce qu’on veut (ou pas grand chose) dans cet ensemble joyeusement foutraque, il nous a pourtant semblé que, derrière ses différents partis pris se trouve un certain fil rouge autour de l’amour, de la répétition, et des prophéties auto-réalisatrices que l’on met soi-même à exécution en raison d’un inconscient (familial ou non), et qui agit par contamination sur d’autres parties du récit qui n’ont à priori rien à voir, comme la trame narrative avec le jeune acteur jaloux. Quant au dernier plan, qui se veut lynchéen, il peut ouvrir la voie à un axe d’interprétation entre les personnages d’Asia Argento et Arielle Dombasle, même si, en la matière, la réalisatrice franco-américaine est loin d’atteindre le trouble vertigineux de Blue Velvet…